Aristide Briand est né à Nantes en 1862 et mort à Paris en 1932 à l’âge de 70 ans. Cet homme politique français, Prix Nobel de la paix en 1926, fut onze fois Président du conseil. Cette fonction étant autrefois considérée comme celle de chef du gouvernement du fait de la crise politique entre le gouvernement et le Président de la République suite aux élections législatives de 1876.
Il fut également vingt fois ministre, notamment des Affaires étrangères, de l’intérieur et de la Justice.
Partisan forcené d’un retour à la paix Franco-Allemande suite à la Première Guerre mondiale, il s’agit ici de se demander si Aristide Briand aurait pu être l’homme permettant d’éviter la Seconde Guerre mondiale.
Pour cela, et après avoir décrit brièvement ses débuts en tant qu’homme politique, nous étudierons dans un premier temps les moments forts de son action en faveur de la paix mondiale, puis nous essayerons d’analyser les raisons de son échec.
Ses débuts en politique
Après des études de Droit, Aristide Briand devient clerc de notaire à Saint-Nazaire, ville de son enfance. Suite à un cours passage dans le journalisme durant lequel il devint directeur politique du journal l’Ouest Républicain, il s’engage en politique chez les radicaux socialistes. Le 6 mai 1888 il devient conseiller municipal de la ville de Saint-Etienne mais démissionnera dix mois plus tard.
Lors de ses débuts en politique Aristide Briand est très proche du syndicalisme révolutionnaire, pratique syndicale marquante en France dans les syndicats de la CGT entre 1985 et 1914, et fervent défenseur de l’idée de grève générale. En 1902 il obtient sa première victoire politique en devenant député de Saint-Etienne sous l’étiquette socialiste. Il quittera deux années plus tard son poste de secrétaire général du parti socialiste.
Son premier grand succès reste la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat adoptée le 9 décembre 1905 dont il est le principal instigateur. Celle-ci met en avant une laïcité sans excès et un accord entre une République laïque et une partie du clergé français, malgré une opposition marquée du Vatican. Le pragmatisme et le talent de négociateur du jeune député socialiste ne sont pas étrangers à l’adoption de cette loi.
En 1906, Aristide Briand fait son entrée au gouvernement suite à sa nomination en tant que ministre de l’Instruction publique par Jean Marie Ferdinand Sarrien, Président du Conseil des ministres de l’époque. Cette promotion est vécue comme une trahison par la Section Française de l’International Ouvrière (SFIO) auquel appartenait Aristide Briand et qu’il quittera suite à ces tensions.
Son impopularité chez ceux qui étaient autrefois ses alliés, n’est que renforcée, lorsqu’il décide de faire entrer dans son cabinet, le radical Georges Clemenceau. En effet ce dernier est très mal vu par les socialistes qui le surnomment le « briseur de grève ». Cependant, Aristide Briand, n’en tient pas compte, et préfère que Clemenceau soit avec lui plutôt que contre lui.
Briand va rester au gouvernement sept années de 1906 à 1913, occupant tour à tour le poste de ministre de l’Instruction Publique de 1906 à janvier 1908. Puis celui de ministre de la Justice en 1908 sous la gouvernance du fameux Clemenceau, devenue depuis Président du conseil. Enfin, il prendra la succession de ce dernier avec le portefeuille de l’intérieur en juillet 1909. Il conservera son poste jusqu’en mars 1913 exception faite d’une parenthèse d’un an, lors de l’année 1912, durant laquelle il reviendra à la Justice sous la présidence de Raymond Poincaré.
C’est également à cette période que son positionnement politique se rapproche du centre. Il créera d’ailleurs en 1914 aux cotés de plusieurs leaders du Parti Républicain Démocratique une éphémère Fédération des gauches qu’il ne rejoindra finalement pas après les élections législatives de cette même année. Fin juillet 1914 Aristide Briand revient au gouvernement de René Viviani comme ministre de la Justice. Il redevient Président du Conseil d’octobre 1915 à mars 1917 détenant une nouvelle fois le portefeuille des Affaires étrangères.
Il va jouer un rôle essentiel dans la première phase de la guerre notamment durant la fameuse bataille de Verdun ou il fait face dans des moments extrêmement difficiles. Aux yeux de tous, il est alors perçu comme un Président de Conseil efficace.
Cependant, par la suite, Aristide Briand va rencontrer de nombreuses difficultés. Notamment le départ de son ministre de la Guerre, Hubert Lyautey, mais également l’échec de l’offensive du Chemin des Dames, et enfin le combat incessant qui l’oppose à son prédécesseur, Geroges Clémenceau.
Redevenu ministre de Clémenceau, sa position au sein du gouvernement est alors tout à fait inconfortable, ce dernier allant même jusqu’à traiter Briand « d’imbécile ». Les deux hommes sont donc opposés l’un à l’autre durant la guerre. Par conséquent Aristide Briand cesse d’être ministre en mars 1917.
L’association Aristide Briand
Moments fort de son combat pour la Paix
C’est durant l’entre deux guerres que l’action pour la paix d’Aristide Briand va prendre toute son ampleur et qu’il héritera d’un surnom : « Le pèlerin de la Paix ».
En effet si dans un premier temps, Aristide Briand faisait partie de ceux pensant qu’il fallait « prendre l’Allemagne au collet » c’est à dire l’obliger à payer les réparations d’une guerre dont elle était responsable ; il comprit, dans un second temps que l’harmonie et la paix continentale ne pouvaient se faire sans cette dernière. Il s’acharnera alors à mettre en lumière la nécessité de la présence de l’Allemagne à la Société des Nations (SDN) dont il se fait rapidement l’incarnation.
Partisan et figure de la politique de Paix et de collaboration il participe activement aux accords de Locarno en 1925 qui visent à assurer la sécurité collective en Europe par le biais de quatre traités d’arbitrage (Allemagne-France, Allemagne-Belgique, Allemagne-Pologne et Allemagne-Tchécoslovaquie) et les frontières de l’Allemagne par un cinquième et dernier traité garantissant les frontières occidentales de l’Allemagne.
Aristide Briand était bien conscient des insuffisances de ces accords, qui ne disaient rien sur les frontières orientales de l’Allemagne, mais il comptait vraisemblablement sur « l’esprit de Locarno » pour combler progressivement ces lacunes dans la sécurité européenne.
Président du conseil de la SDN, c’est grâce à son intervention qu’est mis fin, de manière pacifique, à l’incident de Pétrich en octobre 1925. Ce différend gréco-bulgare trouve sa genèse lorsqu’une sentinelle bulgare abat un soldat grec à la frontière. Cela eu pour conséquence une offensive de l’armée grecque sur le territoire bulgare et une occupation de la ville limitrophe de Pétrich. Aristide Briand, contacté par la Bulgarie précisa alors par télégramme aux gouvernements Grec et Bulgare, que la SDN ne prendrait l’affaire en charge qu’à la condition de l’arrêt de toutes les offensives militaires ainsi que le retrait des troupes de chaque territoire adverses. L’offensive grecque fut alors annulée et les troupes se retirèrent quelques jours plus tard.
Il convient de souligner que l’œuvre de l’homme politique français en faveur de la paix ne s’arrête pas là puisqu’en 1928 il est le coauteur, avec Frank Kellogg, Secrétaire d’Etat américain, du pacte Briand-Kellogg qui met à ce moment-là « la guerre hors-la-loi ». En effet, ce pacte signé par quinze puissances dont l’Italie, le Royaume-Uni, le Japon et l’Allemagne est en faveur de la renonciation à la guerre. L’efficacité de ce pacte est toutefois à nuancer par le fait qu’il ne prévoit aucune sanction en cas d’infraction mais « seulement » une réprobation internationale. Ces accords sont donc plutôt symboliques mais constituent tout de même un pas important vers la paix mondiale pour Aristide Briand qui avait obtenu deux ans auparavant, en 1926, le prix Nobel de la Paix conjointement à son homologue Allemand de l’époque Gustav Stresemann.
En septembre 1929, Briand, toujours président du conseil de la SDN, entame son ultime combat et non des moindres. Il annonce devant l’Assemblée générale de cette dernière, en accord avec Stresemann et le gouvernement français un projet d’union européenne. L’assemblée lui octroie alors un mandat pour présenter un Mémorandum sur « l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne ». Ce qu’on appellera « le Plan Briand » est mis en route mais connaîtra un coup d’arrêt brutal quelques semaines plus tard lorsque éclatera la crise économique mondiale de 1929.
Le politicien français conservera son enthousiasme européen quelques mois mais ses derniers espoirs de Paix s’envolent lorsqu’en 1930 en Allemagne cent-sept députés du parti nazi sont élus. Il confiera même à ses collaborateurs lui rapportant cette nouvelle : « Tout est foutu ».
“Aristide Briand, la Société des Nations et l’Europe : 1919-1932” de Jacques Bariéty
Les raisons d’un échec
C’est un constat d’échec mis en lumière par la terrible preuve qu’est la Seconde Guerre mondiale : Aristide Briand a échoué dans sa quête d’une Paix mondiale stable, ou du moins continentale. Les raisons de cet échec sont nombreuses.
Tout d’abord les perspectives ne tardèrent pas à s’assombrir lorsque Briand observa dès 1928 à la SDN la montée du révisionnisme allemand au sujet des minorités germanophones de Pologne. Par ailleurs, il n’avait pas réussi à ramener les États-Unis aux côtés de la France dans les affaires de sécurité européenne.
Il n’eut pas non plus beaucoup de chance, entre sa proposition d’union européenne de septembre 1929 et le mémorandum présenté en mai 1930 puisque le contexte international avait radicalement changé. En effet, suite au décès de Gustav Stresemann en octobre 1929 et l’arrivée au ministère des Affaires étrangères de son successeur, on assiste à un véritable durcissement de la politique allemande à l’égard de la France.
Quelques semaines plus tard une violente crise boursière frappe Wall Street entraînant une crise économique mondiale sans précédent. Cela modifiera bien évidemment profondément les rapports économiques internationaux et provoquera un réflexe général de repli national.
En outre, les vingt-six gouvernements concernés par le projet d’union européenne, qui reconnaissaient la nécessité d’une coordination européenne, lui opposent de nombreuses objections relatives notamment aux mécanismes institutionnels prévus qui, selon eux, risqueraient de nuire à la Société Des Nations ou encore, à la subordination de l’économie sur la politique.
L’Allemagne quant à elle ne voyait dans ce projet qu’un moyen pour la France de maintenir, par le statut quo territorial, sa suprématie européenne. Les Britanniques eux donnèrent la priorité à leur empire de l’époque et ne goûtaient guère à ce projet qui selon eux faisait peser des menaces importantes sur la SDN ce qui ne les arrangeaient en aucun cas compte tenu du rôle important qu’ils y occupaient. Pour résumer, les critiques et réserves formulées à l’égard de ce projet sont nombreuses. Elles reposent sur le risque d’affaiblissement de la SDN ; le rejet de la machinerie institutionnelle prévue ; la priorité donnée à l’économie sur la politique ; le problème préalable de la révision des frontières ; ainsi que le problème des Etats européens non membres de la SDN comme l’Allemagne ou l’Italie.
En septembre 1930, la SDN décide tout de même de créer une modeste Commission d’Etude pour l’Union Européenne chargée d’analyser les modalités de la coopération européenne et présidée par Aristide Briand. Cependant les travaux de celle-ci s’enlisèrent avec le temps. De 1930 à 1932 la commission tint cinq sessions. Son président, autant fatigué moralement que physiquement ne parvint pas à mettre ici l’engagement qu’on lui connaissait. Les réunions cessent en 1932 marquant symboliquement la fin du rêve européen d’Aristide Briand.
“Aristide Briand, la Paix mondiale et l’Union Européenne” de Achille Elisha
Après une dernière tentative de retour au pouvoir soldée par un échec lors de l’élection présidentielle française de 1932, Aristide Briand décéde le 7 mars de cette même année. Il laisse derrière lui un vaste projet de Paix mondiale qu’il avait entamé mais qu’il n’aura pu mener à terme sans doute à cause de certaines erreurs de sa part mais aussi et surtout d’un contexte qui ne s’y prêtait pas encore.
L’Histoire nous prouvera par la suite qu’il n’avait pas complètement tort et que son fameux rêve européen n’était pas mort mais seulement endormi.
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