Compte tenu des divisions qui persistent en son sein, l’Afrique du Sud est-elle en mesure de s’imposer comme le leader du développement africain ?
Introduction
La Banque mondiale reconnait en 2009 l’Afrique du Sud comme la première puissance économique de l’Afrique (PIB : 492M$) devant l’Égypte (442M$), le Nigeria (315M$) et l’Algérie (233M$). Mais cette apparente bonne santé économique cache des inégalités profondes : en dix ans, le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté a été multiplié par dix atteignant les 10% de la population. Pourtant, le spectacle offert au monde lors de la dernière Coupe du Monde de Football a donné l’image d’un pays soudé.
L’Afrique du Sud est une terre de contraste. Pointé du doigt il y a quelques décennies par l’ensemble de la communauté internationale pour des politiques ségrégationnistes, le pays fait aujourd’hui quasiment figure de modèle pour les autres pays d’Afrique en raison du tournant démocratique qu’il a effectué. La diversité des populations qui y cohabitent et la relative richesse de l’Afrique du Sud par rapport aux autres pays du continent ne doivent toutefois pas faire oublier la précarité de la situation sud-africaine. Touchée par la pauvreté comme par la violence, la plupart de la population vit encore dans une grande précarité qui contraste avec la richesse du sous-sol du pays. Les récentes évolutions connues par le pays ont donc eu le mérite de participer à l’émergence d’une classe moyenne noire, mais elles ont provoqué un exil des populations blanches, plus diplômées. Comment le pays va-t-il pouvoir faire face aux nouveaux défis d’insertion à l’économie mondiale, en s’accommodant des changements démographiques comme de sa dépendance aux exportations de matières premières ?
Il nous semble important de dresser un panorama de la situation 10 ans après l’Apartheid pour comprendre les enjeux auxquels est confrontée l’Afrique du Sud (Partie I). Ensuite, nous chercherons à comprendre les forces sur lesquelles l’Afrique du Sud peut capitaliser pour s’imposer comme le leader du développement africain (Partie II) sans en omettre les failles et les risques qui font de l’Afrique du Sud un colosse aux pieds d’argile (Partie III).
I – Afrique du Sud : 10 ans après l’apartheid
A) Histoire en Bref
Ancienne colonie portugaise puis néerlandaise, le territoire tombe sous la coupe des Britanniques au début du XIX° siècle. Les Boers, qu’on nommera par la suite Afrikaners, prennent néanmoins le contrôle politique du pays au début du XX° siècle, après s’être unifiés autour d’une idéologie nationaliste qui donnera, dans les années 1940, naissance à l’Apartheid qui entérine légalement la séparation politique, géographique et économique des différentes ethnies cohabitant dans le pays. Ces mesures conduisent, en 1960, à l’interdiction de l’ANC, parti politique Bantou fondé en 1912 et prônant une plus importante participation de la population noire aux affaires du pays. L’année suivante, la rupture des liens institutionnels avec la Grande Bretagne isole un peu plus l’Afrique du Sud sur la scène internationale. L’emprisonnement des leaders de l’ANC, parmi lesquels figure Nelson Mandela, contribue à la hausse des contestations durant les années 1960 à 1980, aboutissant au blocage politique du pays dans lequel la politique d’Apartheid se veut toujours plus virulente.
A partir de 1984, certaines mesures de l’Apartheid sont abrogées, tandis que le gouvernement Afrikaner instaure un régime tri-caméral dans lequel indiens et métis sont représentés. La contestation ne faiblit cependant pas, et l’ANC ainsi que les autres mouvements de l’opposition sont légalisés en 1990, année de libération de Nelson Mandela, qui accèdera à la présidence en 1994 au terme des premières élections multiraciales. Le parti, en dépit de plusieurs changements de leader, s’est depuis lors maintenu au pouvoir, et même renforcé. Jacob Zuma, membre de l’aile gauche du parti, préside le pays depuis 2009. Sa politique d’ouverture aux partis minoritaires lui confère une forte aura, aussi bien en Afrique du Sud qu’ailleurs.
B) L’Afrique du Sud, une démocratie au bilan contrasté
L’Afrique du Sud, connue comme la nation arc-en-ciel, abrite aujourd’hui en son sein 50 millions d’habitants issus de communautés variées. Près de 80% de la population est noire, appartenant à différentes ethnies dont les plus représentées sont les Xhosas et les Zoulous. On compte par ailleurs 8% de blancs, majoritairement issus de la colonisation néerlandaise (Afrikaners : 60%) ou britannique. On y dénombre onze langues officielles, parmi lesquelles l’Anglais, l’Afrikaner, ainsi que 9 langues africaines. L’émergence d’une classe moyenne issue des populations noires, résultat de politiques de discrimination positive comme à une meilleure éducation des populations, est aujourd’hui perçue à l’étranger comme une réussite. Elle compte désormais près de 4 millions d’habitants, soit quasiment autant que la communauté blanche. Cette dernière, en revanche, tend à se réduire (-20% depuis 1994), fuyant les mesures de discrimination positive comme les problèmes de criminalité.
A l’instar du Brésil, le pays est aujourd’hui considéré comme l’un des plus dangereux au monde. Le taux de violence sexuelle y est le plus élevé de la planète, et on dénombre chaque année plus de 20 000 homicides (pour 755 en France en 2009 par exemple). Cette insécurité persistante renforce les clivages existants. A l’inverse, les populations noires les plus pauvres sont entassées dans des bidonvilles (townships), le plus tristement célèbre étant celui de Sowetho, qui compte plus de 4 millions d’habitants sur une centaine de kilomètres carrés. Aux conditions de vie misérables des habitants s’ajoutent les problèmes de l’hygiène et de l’insécurité : l’Afrique du Sud est l’une des nations les plus durement touchées par le SIDA, totalisant chaque année entre 300 000 et 400 000 décès.
C) Situation économique
Le PIB par habitant est l’un des plus élevés d’Afrique (10 700 $ en 2010), classement où seuls les paradis fiscaux et pays pétroliers obtiennent des résultats comparables. En 2007, le pays représentait le quart du PIB Africain. Depuis 10 ans, à l’exception de l’année 2010 où il a reculé, le PIB n’a cessé de croître à des taux variant entre +2 et +5%.
L’agriculture est l’un des atouts majeurs du pays, premier grenier agricole de l’Afrique et sixième producteur mondial de vin. L’Afrique du Sud s’autosuffit et est le sixième exportateur net de produits alimentaires. Fruit, laine ou sucre, le pays se place dans les premiers exportateurs de nombreuses denrées agricoles.
Par ailleurs, le pays a su se fabriquer d’importantes compétences dans les secteurs secondaires et tertiaires : Si l’ANC obéit apparemment à l’idéologie marxiste, les politiques d’inspiration libérales menées depuis les années 1990 ont renforcé les compétences industrielles que le pays avait développé dans de nombreux secteurs. Le premier producteur de médicaments de l’hémisphère sud, Aspen Pharmacare, est sud-africain, tandis que les gouvernements post-Apartheid ont prolongé les efforts réalisés par les ségrégationnistes dans l’industrie d’armement, qui fait de l’Afrique du Sud la première puissance militaire du continent, productrice de bombes atomiques ou d’hélicoptères de combat.
Les services ne sont pas en reste : la diversité de la faune et de la flore, l’immensité des paysages et l’histoire du pays sont autant d’attraits pour le tourisme, qui représente à lui seul 5% du PIB. Chaque année, plus de 25 millions d’étrangers transitent par les dix aéroports internationaux du pays. En outre, le développement d’un réseau bancaire efficace a permis au pays de s’imposer comme l’une des places financières majeures de la région. La forte prégnance des minerais dans les échanges ne doit donc pas occulter l’existence d’un tissu industriel et de services suffisamment solide pour ne pas classer de façon manichéenne le pays parmi les économies en développement.
II – Un territoire dynamique et prospère, à même d’entraîner dans son sillage de nombreux pays d’Afrique
A) D’importantes ressources naturelles ayant engendré un développement précoce
Première puissance économique du continent, l’Afrique du Sud est un territoire très riche en ressources minières, qui constituent la principale force du pays à l’exportation. A l’exception de pétrole brut, dont elle est dépourvue, l’Afrique du Sud dispose de gisements importants dans un grand nombre de minerais. Les classements fluctuent d’année en année, en fonction des variations des coûts d’extraction comme du tarissement des gisements, mais le pays apparaît souvent en haut des classements de production d’or, argent, diamants, fer, charbon, nickel, cuivre…
Classement de l’Afrique du Sud dans la production de minerais.
données du graphique : http://www.indexmundi.com ; année 2007
L’Afrique du Sud produit par ailleurs 30% du titane mondial, et reste le premier exportateur. Cette abondance en minerai a par ailleurs eu des répercussions positives sur le tissu industriel du pays : l’entreprise « Anglo American PLC » est aujourd’hui le deuxième groupe minier mondial. « Diamond Miner de Beers » ou « BHP Biliton » sont aussi d’autres géants du secteur.
En raison de sa forte dépendance aux minerais, l’Afrique du Sud est toutefois souvent considérée comme une économie en développement. Elle est en tout cas soumise de façon assez forte aux fluctuations des cours desdits minerais, dont les variations de prix impactent grandement le revenu du pays. Chaque année, le secteur minier représente en effet à lui seul entre 8 et 10% du PIB sud-africain, et près de 60% des exportations du pays.
B) Un positionnement géostratégique à très fort potentiel dû à l’importance du rayonnement régional
Les fortes ressources en minerais font souvent oublier les nombreux handicaps auxquels le pays est confronté. Le territoire, gigantesque et aride, est par endroit très escarpé et soumis aux tempêtes. Le développement du réseau hydraulique y est difficile. Le gouvernement a quand même réussi à développer d’efficaces infrastructures ferroviaires et routières qui facilitent les échanges sur le continent, et permettent de desservir aisément les nombreux ports présents sur la côte sud du pays. Ensemble, ces ports génèrent autant de trafic que celui de Singapour, premier port du monde.
La force de l’économie sud-africaine, qui domine outrageusement le continent, et à plus forte raison l’Afrique Subsaharienne, a mené au développement de relations ambigües avec ses voisins. Souvent taxé de volontés impérialistes, voire hégémoniques, le pays entretient des relations étroites avec ses voisins qui s’avèrent fonctionner à sens unique. L’agrégation des états limitrophes ou enclavés au sein d’une même organisation commerciale a permis à l’Afrique du Sud d’imposer sa politique commerciale à ses voisins. Membre du SADCC (Southern African Development Coordination Conference) devenu SADC, depuis la fin de l’Apartheid, l’Afrique du Sud n’a pas tardé à vampiriser la quasi-intégralité des investissements à destination des pays d’Afrique australe, et ce, même en dépit d’un coût du travail plus élevé que les 15 autres pays membres.
Les effets négatifs de cette hégémonie sont toutefois à relativiser, dans la mesure où l’Afrique du Sud attire et redistribue des capitaux qui ne seraient sans elle jamais arrivés dans cette zone. Le Bostwana, le Mozambique ou encore le Swaziland bénéficient donc de retombées économiques et technologiques importantes dues au gigantisme de leur voisin. De manière générale, plus on s’éloigne de l’Afrique du Sud au sein du SADC, et plus on a tendance à se plaindre des trop grands pouvoirs qui lui sont accordés. Les pays d’Afrique centrale sont donc aujourd’hui plus enclins à s’organiser pour contrer l’hégémonie du géant austral : la Namibie a par exemple pris l’initiative de se rapprocher du Mozambique par la création d’axes de communication visant à réduire la dépendance vis-à-vis de l’Afrique du Sud.
III – Mais l’Afrique du Sud reste un pays fragile
L’unité de l’Afrique du Sud est encore très fragile à la lumière des fractures sociales et économiques qui menacent toujours le pays.
A) Une forte distorsion sociale
La politique de discrimination positive n’a fait que déplacer les inégalités. De 1990 à 2005, l’Afrique du Sud a perdu 35 rangs en termes d’indicateur de développement humain. Un taux de chômage de 20%, atteignant 40% dans certaines régions, l’Afrique du Sud reste une terre de pauvreté et de fortes inégalités. En dix ans, le nombre de personnes en dessous du seuil de pauvreté a doublé concernant aujourd’hui plus de 50% de la population
La fuite d’un sixième de la population blanche effrayée par la politique de discrimination positive a permis le développement d’une nouvelle classe moyenne, les « blacks diamonds », noire et endettée. Les conséquences de cette politique ont été grandement néfastes :
– Elle ne favorise que les populations noires, éduquées et déjà aisées sans prendre en compte le problème des bidonvilles, toujours aussi nombreux et dangereux, véritable zone de non droit limitrophes aux centres d’affaires des grandes agglomérations (Cape Town, Durban, Johannesburg)
– Dans des certains secteurs (administration), des personnes qualifiées de couleur blanche ont été licenciées ou ont dû partir volontairement à la retraite pour permettre aux entreprises de faire face aux exigences du gouvernement.
– L’offre d’emplois qualifiés pour les populations noires a augmenté sans que l’Etat investisse pour former ces populations, dont l’accès aux universités prestigieuses et à l’éducation supérieure reste toujours, plus un mythe qu’une réalité.
François Conje, qui a menée des études sur l’impact de cette politique sur l’émigration sud-africaine parle de la discrimination positive comme « un nouvel apartheid économique ». Ainsi, 10% de la population blanche vie sous le seuil de pauvreté contre 0% en 2001. Certains estiment que ce n’est qu’un juste retour aux choses après tant d’années ou les riches étaient issus des populations blanche, et les pauvres, des populations noires. 15 ans après l’apartheid, les tensions restent fortes.
Depuis, le nouveau gouvernement de Zuma a décidé d’infléchir sa politique de discrimination positive, conscient de ses faiblesses. La Vice président sud-africaine a déclaré qu’il fallait proposer des salaires attractifs et compétitifs pour favoriser le retour « des forces vives ». La discrimination positive ne doit pas réparer un déséquilibre pour en créer un autre. Elle entend ainsi «recruter des « Skilled White South Africans » résidant en France et à l’étranger dans cette optique de booster la croissance sud-africaine à 6% d’ici 2014. Seulement ces nouvelles mesures servent à attirer les « White South Africans », mais laissent encore une fois de côté, les populations noires les moins aisées.
Cette nouvelle politique ne s’attaque pas aux principaux déséquilibres. Les chiffres restent très parlants : 12 millions de Sud Africains n’ont pas accès à l’eau courante, 20% de la population est illettrée et la mortalité infantile est de 50‰ contre un taux de 4‰ en France.
Elle n’a pas réussi non plus à réduire les écarts de manière significative entre les communautés. La communauté noire reste la plus défavorisée : le taux de chômage atteint les 50%, pour 8% chez les populations blanches. La mortalité infantile est de 70‰ chez les populations noires contre 12‰ chez les blanches. Le revenu moyen est douze fois moins élevé chez les populations noires que chez les blanches.
Les inégalités se sont même creusées au sein de la communauté noire. Ainsi, Guillaume Merveilleux du Vignaux estime ainsi que la politique de discrimination positive n’a fait que « déplacer la fracture sociale, les « nouveaux riches » noirs ont épousé le mode de vie occidental et sont taxés d’égoïsme et de manque de solidarité sociale par les miséreux des bidonvilles qui demandent plus de réformes ».
Desmond Tutu, prix Nobel de la Paix en 1984, pense que « l’Afrique du Sud est une vraie poudrière qui explosera le jour où les pauvres viendront demander leur part du gâteau : « les dividendes de la liberté » ».
B) Des clivages ethniques et religieux difficile à surmonter
Tant que l’Afrique du Sud ne s’impose pas comme une « nation », unie et forte, elle ne pourra exister sur la scène internationale. Elle doit pouvoir parler d’une seule voix, même si cette voix représente une mosaïque d’ethnies, de langues, et de cultures.
Aujourd’hui, l’Afrique du Sud possède plus de 11 langues officielles avec trois langues qui dominent. 25% de la population a comme langue natale le Zulu, 17% le Xhosa, et 14% l’Afrikaner. Néanmoins, plus de 30% parle l’Afrikaner ce qui en fait la deuxième langue du pays. Les programmes de télévisions doivent jongler entre ces multiplicités des langues. Des séries américaines sont doublées en Afrikaner avec des sous titres en Xhosa. D’autres sont simplement en Anglais ou en Xhosa. Il n’y pas d’effort d’unité, ni d’uniformisation.
Or la langue est d’une des trois constantes identitaires avec l’ethnie et la religion. Elle renforce le sentiment d’appartenance à l’ethnie, et non à la nation. Il est évident que l’Etat sud-africain doit composer avec ces multitudes de culture comme le souligne Will Kymlicka dans Multicultural citizenship. A liberal theory of minority Rights, Oxford (1995) “il est impossible de parvenir à une séparation complète entre Etat et ethnicité…. Les décisions gouvernementales concernant les langues, les frontières intérieures, les jours de congé et les symboles de l’Etat, entrainent inévitablement la reconnaissance et le soutien des besoins et des identités de groupes nationaux et ethniques particuliers”. Certes l’Etat ne peut être culturellement neutre, mais il doit faire le choix de promouvoir une culture, une langue pour soutenir l’unité de la nation. Néanmoins, cela reste un des défis majeurs pour cette Afrique du Sud qui veut s’imposer comme un acteur majeur sur la scène politique.
Outre la simple barrière de la langue, les tensions inter-raciales tendent grandement les équilibres politiques de la RSA. 90% des terres sont détenues par 13% de la population. Le problème lié à la redistribution des terres après la fin de l’Apartheid ne semble pas près de se régler et alimente les tensions entre les communautés. L’Afrique du Sud reste l’un des pays les plus violent au monde.
Dix ans après l’Apartheid, il reste encore beaucoup de tensions. En avril 2010, à la mort d’Eugène Terreblanche, leader de l’AWB, abattu par deux de ses employés noirs, les tensions ont ressurgi. De nombreux Afrikaners souhaitent le retour d’un système ouvertement raciste, quand la frange extrême de l’ANC souhaite définitivement éliminer de la scène politique et sociale toute organisation liée à l’ancien régime de l’Apartheid.
Les viols sont récurrents (50 000 en RSA contre 2 000 en France), et les meurtres un événement de la vie quotidienne avec 22 000 victimes par an. La multiplication des sociétés de sécurité privée est la seule réponse que l’Afrique du Sud a trouvé pour palier la corruption policière et la prolifération de la violence. Même la police fait appel à ces sociétés pour protéger les commissariats. Les plus riches s’enferment dans des résidences protégées, les femmes seules au volant ont le droit de passer lorsque les feux sont rouges le soir, les trains sont vides après 20h00, on sort rarement sans sa voiture dans le centre ville, et les bidonvilles sont inaccessible pour les blancs non accompagnés par des habitants voisins.
C) Une situation économique encore fragile
Comme nous l’avons mentionné plus haut, la « fuite des cerveaux » nuit gravement au développement économique de l’Afrique du Sud qui manque de compétence dans des domaines clés, comme la finance et les postes à haute valeur ajoutée. Pour défendre sa position géostratégique, l’Afrique du Sud se doit d’être un pays attractif et freiner les flots grandissants d’émigrants.
Le problème de la répartition des ressources est également vecteur de tensions. Avant 1994 et la fin de l’Apartheid, le système de transfert d’eau douce ne faisait que refléter l’idéologie dominant le pays. Avec la fin de l’Apartheid et les changements politiques l’accompagnant, il a fallu réformer la politique de distribution d’eau, désormais officiellement destinée aux importantes populations de la partie orientale du pays, plutôt qu’aux terres de l’ouest, moins pluvieuses et moins irriguées. La ville de Johannesburg, juchée sur la ligne de partage des eaux, est l’exemple parlant de l’éloignement entre besoins et ressources en eau dans le pays. Alors qu’auparavant, l’Apartheid aboutissait à une absence de débat concernant la distribution hydraulique, censée irriguer les grandes plaines telles que celle de la Great Fish destinées à l’agriculture et propriété des Boers. La nouvelle donne induite par les changements politiques a annihilé la présupposée légitimité de certaines populations concernant l’eau, devenue source de discordes entre besoins des populations, des agriculteurs ou des industries. Nelson Mandela s’est rapidement déclaré contre la loi de 1956 régissant la distribution d’eau, et l’a remplacée en 1998 par une nouvelle loi résumée par le slogan « Some, for all, for ever » (Un peu, pour tous, pour toujours). L’application de cette loi d’apparence révolutionnaire a pourtant dû se faire avec pragmatisme. En 1994, 14 millions de citoyens n’avaient pas accès à l’eau courante. Ce chiffre est encore aujourd’hui de 3 millions.
La relative prospère situation économique cache des problèmes structurels de l’Afrique du Sud. Les pénuries d’électricité sont nombreuses. L’Etat pense même restreindre la consommation par habitant et entreprise pour combler ce déficit structurel. La vieillesse du réseau électrique et des centrales est mis en cause, tout comme le manque d’investissement du gouvernement pour moderniser et donc augmenter la productivité des équipements. La pénurie freine également les autres industries comme la production minière.
L’Afrique du Sud a donc tous les atouts pour s’imposer sur la scène internationale. Elle doit pour cela investir dans l’éducation et les infrastructures pour combattre un déficit structurel qui l’handicape depuis trop longtemps.
Elle doit également composer avec des voisins parfois hostiles. Le développement de l’Afrique du Sud empiète sur celui de ses presque voisins comme la Tanzanie, la République Démocratique du Congo, et l’Angola. La Namibie, la Zambie et le Zimbabwe forment d’ailleurs des accords commerciaux pour créer de nouvelles routes commerciales indépendantes de Prétoria. Le développement sud-africain fait craindre selon Guillaume Merveilleux du Vignaux « une désindustrialisation de ses voisins. C’est normal que ceux-ci résistent et cherchent des moyens de contrer son développement ». La dernière initiative est celle de 20 pays regroupée sous le nom de COMESA qui souhaite l’abolition des droits de douanes pour les pays membres et des liens commerciaux privilégiés. Elle pose une sérieuse menace aux velléités d’expansion de la RSA.
Conclusion
François Lafargue donne une piste sur les obstacles que l’Afrique du Sud doit encore franchir pour renforcer sa position géostratégique dans le monde. L’Etat doit entreprendre des réformes profondes, tant en matière d’éducation, que de système électoral. Le but de l’Apartheid était de partager le territoire pour ne pas partager le pouvoir. Aujourd’hui encore, la délimitation des provinces du pays comme des circonscriptions électorales suscitent de vifs débats.
IV – Cartes
Sources
- Article du figaro sur l’assassinat du leader AWB , 7 avril 2010 http://www.lefigaro.fr/international/2010/04/07/01003-20100407ARTFIG00435-tensions-raciales-en-afrique-du-sud-.php
- Article de présentation de l’Afrique du Sud, www.wikipedia.fr
- Article sur les défis à venir de l’Afrique du sud par http://www.diploweb.com/Afrique-du-Sud-emergence-d-une.html
- « La géopolitique de l’Afrique du Sud », de François Lafargue (2005), édition géopolitique des états du monde
- « L’Alliance Tome 1&2 », James A.Michener
Étiquettes : Afrique du Sud, apartheid, développement, ressources