ÉCONOMIE CENTRE-AFRICAINE:
Baisse continue des cours du pétrole, menace sécuritaire et financement des infrastructures en Afrique Centrale Par quels moyens les Etats de l’Afrique Centrale peuvent-ils soutenir leurs économies face à une conjoncture économique morose ? Telle est la question que se sont posées en ce début d’année 2016 les autorités de la sous-région lors de la récente visite en terre camerounaise de la Directrice Générale du FMI Mme Christine Lagarde.
En effet, engagés dans des vastes et ambitieux programmes de modernisation de leur économie respective, les pays de l’Afrique Centrale sont dans leur majorité depuis l’année dernière confrontés à un retournement défavorable de la conjoncture économique mondiale et à une menace terroriste grandissante. Le ralentissement observé de la croissance mondiale (3,1% en 2015) et chinoise (6,8%) alimente la nervosité des marchés. L’indexation des cours du pétrole sur le dollar (la financiarisation), les chocs d’offre et de demande amplifient le cycle (le Brut léger frôle les 29 dollars et le Brent 30 dollars qui rappelle au scénario historique de 1999, où le baril s’était établit à 10 dollars) et sont venus noircir l’embelli des cours du pétrole (120 dollar mi-2014) qui avait tracé une euphorie de la conjoncture et des finances publiques des Etats. Le poids important des recettes pétrolières dans les économies n’étant plus à ignorer, la baisse des revenus tirés de la production pétrolière a alimenté les tensions des trésoreries des pays de la CEMAC. Son impact et son ampleur sur le PIB et sur les recettes publiques sont logiquement proportionnels au niveau de diversification de chaque économie et de leur dépendance vis-à-vis de l’or noir.
Pourtant, à l’exception du Cameroun doté d’une économie plus diversifiée (10% la part des recettes pétrolières dans le PIB du pays), tous les autres pays de la sous-région ont une économie peu, voir même très peu diversifiée et donc extrêmement dépendants des recettes pétrolières. Le FMI et la BM dans leur rapport BP Statistical Review of World Energy de juin 2015 estiment à 85 % du PIB le poids des recettes pétrolières pour la Guinée Equatoriale, 50 % pour le Congo-Brazzaville et 45 % pour le Gabon. En rapportant les recettes pétrolières des Etats sur le budget et sur leurs recettes d’exportation, la dépendance à l’égard du pétrole devient plus qu’alarmante. En effet, selon le même rapport, les recettes pétrolières représentent 20% du budget du Cameroun contre 50%, 75% et 85% respectivement pour le Gabon, le Congo et la Guinée Equatoriale. Elles pèsent pour 50% des recettes d’exportations du Cameroun et respectivement 70%, 80% et 90% de celles des trois autres pays respectifs. Ceci traduit en fait, la place inexorable des revenus du pétrole dans les sources des financements de leurs économies. Logiquement, le financement des grands projets d’infrastructures y est fortement tributaire.
En outre, contrairement à l’année 2015 où ces pays, et même le FMI n’avaient pas anticipé la baisse des cours du pétrole, les prévisions de l’année 2016 sont nettement corrigées. Celles-ci, défavorables à un rebond immédiat des cours, entretiennent un pessimisme certain pour les perspectives régionales. En réalité, la baisse de la croissance économique sous-régionale est de 2% en 2015 contre 2,4% l’an dernier selon la Banque des États de l’Afrique Centrale, la BEAC, le creusement du déficit combiné de la CEMAC porté à 6,5% en 2015 et le faible taux d’échanges commerciaux intracommunautaires en dessous de 5%, handicapent les pays de la CEMAC. Le besoin des ressources pour financer les gigantesques programmes d’infrastructures va se faire sentir. Ils ont d’ailleurs tous fait recours aux avances statutaires de la BEAC en 2015 et ont vu les agences de notation financières baisser leur note souveraine, à l’exception une fois de plus du Cameroun. Celui-ci s’est d’ailleurs lancé en compagnie du Gabon sur le marché obligataire international. Ils ont émis respectivement des euro-obligations pour un montant de 750 millions et 500 millions de dollars sur le marché international de la dette.
Face à cet effet récessif de période de vache maigre, le FMI propose de tracer un nouveau chemin au risque de voir les mêmes causes produire les mêmes effets. Il s’agit des politiques mixtes judicieuses et des reformes structurelles solides orientées vers l’amélioration du climat des affaires et le renforcement de l’intégration régionale. Dans ce contexte, le financement d’un projet doit satisfaire les conditions basiques de la théorie économique et financière. Bien plus, la rentabilité d’un projet à financer doit être supérieure aux couts engagés pour sa réalisation à défaut, le projet est non porteur et doit être évincé par ceux qui le sont. Les financements concessionnels permettent de pallier ce problème d’arbitrage entre les projets en même temps qu’ils permettent de garantir la viabilité de la dette à moyen terme.
De l’autre coté, la sous région sort gagnante si elle pilote une réelle politique d’intégration. L’harmonisation des procédures incitatives permettrait de pallier aux concurrences fiscales entre les pays. Cette concurrence est plus que défavorable à un regain soutenu de l’activité dans la région. Encore que, le chevauchement des institutions communautaires en l’absence d’une volonté et des projets concrets d’interconnexion des pays, paralyse le processus illusoire d’intégration de l’Afrique Centrale puisque à l’évidence, tous semblent multiplier des avantages comparatifs et compétitifs dans les mêmes secteurs d’activités sans une spécialisation porteuse d’externalités positives à l’ensemble de la région.
Au total l’Afrique Centrale : CEMAC, CEEAC, CEPG (Communauté Economiques des pays des Grands Lacs) et CGG (Communauté du Golfe de Guinée) ne s’en tirera qu’aux prix des rationalisations des mécanismes communautaires et des politiques budgétaires saines en diversifiant son tissu économique. Dans cette exercice, priorité est donnée aux infrastructures qui seraient de possibles niches de croissances et pourvoyeuses d’emplois décents.
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