« Mais, comme les ressources vitales s’épuisent […], il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Il est évident que cela entrainera des conflits violents entre ceux qui prétendent se nourrir sur une seule et même portion de territoire ou boire à la même source en train de se tarir, et il est non moins évident que, dans un proche avenir, on ne pourra plus faire de distinction pertinente entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuient leur environnement, parce que de nouvelles guerres seront dues à ce dernier et que les gens fuiront la violence »[1]. Si certaines données, telles que la quantité de ressources disponibles, prêtent à polémique, il n’en est pas moins certain que le réchauffement climatique et la complexification de l’accès aux ressources participeront à la création d’un bouleversement systémique.
Alors que les ressources se raréfient, que le climat se réchauffe, et que les populations se déplacent de plus en plus, quels sont les liens de causalité existant entre environnement et conflit armé ?
L’environnement est-il créateur indirect de conflits, cause du conflit ? Les conflits ont-ils des conséquences directes sur lui ? Trois pistes, trois niveaux de réflexion, démontrant que les enjeux environnementaux sont directement liés à des enjeux humains.
Alors que les façons de faire la guerre ne cessent d’évoluer au rythme du développement technologique, certaines causes ont toujours été et resteront importantes et génératrices de guerre. L’environnement, dans son sens large, en est une : l’espace, les ressources naturelles, l’accès à l’eau, l’alimentation…autant de choses dont l’homme a besoin pour survivre, et dont il ne pourra se passer. Néanmoins, la guerre dite environnementale comporte plusieurs variantes.
L’un des premiers phénomènes générateur de conflits est directement lié au changement climatique. Ce dérèglement planétaire amènera une hausse des températures évaluée à +2°C – une évaluation dans sa forme la plus optimiste, ou moins alarmiste – et donc un certain nombre de bouleversements, tels que la salinisation des terres, la montée des eaux, la recrudescence de catastrophes naturelles de grande ampleur. Certaines de ces conséquences auront donc un impact direct pour les populations sur leur alimentation, pouvant provoquer disettes, famines et pénuries. De la même façon, l’augmentation du nombre et de la fréquence des catastrophes naturelles de grande ampleur dévastera certaines villes, principalement côtières. Tout cela participe donc à engendrer un nouveau phénomène : le déplacement des populations pour des causes environnementales, apportant un nouveau statut, celui de « réfugié climatique ». On peut aussi y adjoindre le déplacement de certaines espèces animales (et notamment certains insectes), pouvant également pousser des populations à migrer. On observe d’ailleurs d’ores et déjà les prémisses de futurs vastes mouvements migratoires en la personne de Ioane Teitiota, un homme originaire des îles Kiribati dans l’Océan Pacifique, espérant devenir le « premier réfugié climatique ».
Dès lors, la question d’éventuels réfugiés climatiques rejoint directement les enjeux actuels des migrations de populations, en provenance de Syrie par exemple. Si les causes du déplacement sont différentes, les solutions à adopter sont sensiblement proches. Ainsi, les États seront confrontés aux mêmes problèmes vis-à-vis des réfugiés climatiques que par rapport aux réfugiés de guerre : capacité d’accueil, moyens disponibles, ressources disponibles, etc… Plus encore, cela provoquera très certainement des problèmes d’exacerbation des nationalismes. En effet, un trop grand nombre de réfugiés aura pour effet ou une abolition du concept même de Nation (lien entre l’État et une identité culturelle commune), ou bien l’effet inverse, un renfermement des peuples et communautés sur eux- mêmes, inspirant rivalités et conflits. La question de ces réfugiés apporte donc une certaine instabilité, puisque si leur déplacement et leur prise en charge sont évidents, une adaptation culturelle de toutes les parties sera nécessaire. A cela, on peut encore ajouter l’impact économique. Les catastrophes naturelles et le déplacement des populations vont bouleverser des systèmes et marchés économiques jusqu’ici bien en place, apportant également de nouveaux problèmes et de nouvelles sources de conflit.
L’insuffisance en ressources, à la fois alimentaires mais également énergétiques, provoquent des crises et pénuries débouchant parfois sur des conflits. La situation du lac Kivu, reliant le Rwanda et la République Démocratique du Congo nous en livre un témoignage morbide. Actuellement, près de 80% de la population rwandaise n’est pas reliée au réseau électrique, et ceux qui y ont accès paient le prix fort. De la même façon, en RDC, la crise énergétique est sans précédent. Bien que le pays possède d’importantes ressources hydroélectriques, le potentiel des chutes d’Inga sur le fleuve Congo est estimé à 40 000 mégawatts, « soit près du double de la plus grande station hydroélectrique du monde, celle du barrage des Trois gorges en Chine ». Pourtant, actuellement, la capacité de la RDC représente à peine 5% de cette valeur. Aux abords du lac Kivu, l’insuffisance énergétique participe à la création d’un climat conflictuel. Le développement du réseau d’électricité favoriserait le développement des villes et de l’économie, et réduirait l’influence de groupes armés qui recrutent auprès d’une jeunesse défavorisée et désabusée.
Alors que la première partie était destinée aux causes intrinsèques des conflits liés à l’environnement, celle-ci entend démontrer que l’environnement constitue également une cause au conflit. Autrement dit, il s’agit de mettre en lumière le fait que la guerre n’est pas forcément une conséquence indirecte de situations environnementales critiques, mais peut également être une conséquence de l’utilisation de l’environnement par les États. Un exemple, sur lequel nous ne reviendrons pas ici, se constitue autour de la polémique ayant suivi l’intervention américaine en Irak, selon certains dires motivée par la volonté de mettre la main sur l’Or Noir plus que par celle de promouvoir la démocratie et amener la paix. On recense ainsi 4 écoles déterminant quels sont les liens de causalités entre guerre et environnement :
– L’école américaine détermine que l’état de criticité de l’environnement et les changements qu’il subit influencent énormément le risque de conflit, et positionnent l’environnement comme cause de la guerre ;
– Le groupe de « Toronto » s’apparente à la situation présentée aux abords du lac Kivu : la situation de l’environnement se combine aux contextes économiques, politiques et sociologiques pour renforcer la pauvreté et créer de l’insécurité ;
– L’école suisse détermine que le conflit environnemental est le résultat d’un enchevêtrement de causes : démographie, identité, migrations, accès et exploitations des ressources ;
– Enfin, pour le groupe « d’Oslo » il s’agit avant tout de répartition géographique. C’est la situation environnementale et sociopolitique d’une population A qui impulsera le fait d’entrer ou non en conflit avec une population B, revendiquant les mêmes privilèges.
L’environnement peut donc être un prétexte à la guerre. Cette guerre peut être la cause d’une volonté d’acquérir des biens ayant une forte valeur économique, comme nous venons de le signifier, ou des ressources nécessaires à la vie telles que l’eau. Il existe donc de nouvelles menaces, lesquelles s’accompagnent de nouvelles armes. En effet, alors que le monde tend à instaurer des dispositifs de lutte contre la prolifération des armes et diverses réglementations visant à limiter leurs utilisations, il n’en reste pas moins que le développement technologique et les avancées scientifiques impulsent de nouvelles façons de penser et de concevoir la guerre, notamment chez les armateurs. Ainsi, à titre d’exemple, le développement de l’intelligence artificielle fait aujourd’hui débat, liée à la très polémique question des « robots tueurs » et autres « drones autonomes ». Pire encore, cela donne lieu à un nouveau type de menace : le bioterrorisme.
Qu’est-ce que le bioterrorisme ? « On peut décrire le bioterrorisme comme étant l’usage d’un micro-organisme dans l’intention avouée de causer une infection afin d’atteindre certains objectifs ». En d’autres termes, il s’agit de l’utilisation à des fins meurtrières d’organismes biologiques, naturels ou modifiés. Il s’agit d’une forme de terrorisme par empoisonnement direct, par diffusion et propagation de maladie, ou par infection de l’environnement (contamination d’aliments par exemple). Mais si le bioterrorisme existe, c’est avant tout car les avancées scientifiques lui en ont donné les armes. Il s’agit d’armes dites de « destruction massive », l’armement NRBC : nucléaire, radiologique, biologique/bactériologique, et chimique. Ici seules nous intéressent les armes biologiques et bactériologiques, car il s’agit d’instruments de mort directement conçus et dérivés depuis l’environnement. Les agents biologiques nécessaires à la conception de ce type d’armement sont des toxines ou des organismes vivants. Les toxines sont communément appelées «poisons», il s’agit d’organismes non-vivants, mais issus d’organismes vivants, tels que les plantes (toxine botulique, ricine). La plupart d’entre elles sont cependant d’origines chimiques, amincissant la frontière avec les armes de type chimiques. A l’inverse, les organismes vivants utilisés pour la conception de telles armes sont variés :
– Les bactéries, sont à l’origine de nombreuses maladies épidémiques, telles que la peste ou l’anthrax
– Les virus véhiculent des maladies et se propagent à grande vitesse, comme c’est actuellement le cas pour Ebola en Afrique ou la fièvre jaune.
– Les champignons ont des effets dévastateurs au niveau environnemental, et plus particulièrement sur les cultures agricoles.
– Les rickettsies sont des bactéries parasitaires intracellulaires également à l’origine de certaines maladies
Le recours à ces bactéries et toxines provoquent de graves catastrophes humanitaires, et par conséquent, le développement des armes biologiques est strictement réglementé à travers la « CONVENTION SUR L’INTERDICTION DE LA MISE AU POINT, DE LA FABRICATION, DU STOCKAGE ET DE L’EMPLOI DES ARMES CHIMIQUES ET SUR LEUR DESTRUCTION » de 1972, bien que des négociations sur ce sujet aient vu le jour dès 1925. Pourtant, malgré les risques que comportent de telles armes, certains États comme les États-Unis ou la Russie continuent d’en développer à profusion, en particulier sous forme de gaz neurotoxique, particulièrement létal.
L’apparition de nouveaux types de conflits, et in extenso de nouveaux types d’armes, débouche inévitablement sur de nouvelles menaces, auxquelles la sphère politique doit pallier. Avant tout, le danger est humain, les guerres dues à la raréfaction ou à la difficulté d’accès aux ressources ne pouvant déboucher que sur un partage ou sur une extermination, sous peine de voir les conflits perdurer. Plus inquiétant encore, le développement de la science permet le perfectionnement des armes biologiques et bactériologiques. De grande ampleur, ces armes peuvent facilement annihiler toute la population d’une grande ville, et rapidement. Elles sont souvent moins chères que des armes traditionnelles, simples d’utilisation et plus discrètes.
Pourtant, l’homme n’est pas la seule et unique victime de la guerre et du développement de nouvelles armes. Ironie du sort, l’environnement qui a servi à créer ces armes est également directement touché par leur utilisation. Revenir sur les effets de l’utilisation de l’arme nucléaire serait futile, tant les dégâts que peuvent causer cette arme sont explicites depuis que « Big Boy » a heurté Hiroshima. C’est « la fin acceptée de l’humanité » comme l’exprimait Théodore Monod. En revanche, s’inquiéter du nucléaire est dérisoire au regard du fait que chaque jour des scientifiques manipulent des agents biologiques capables de décimer la planète entière. De la même façon, les armes chimiques ont des conséquences désastreuses sur l’environnement : pollution de l’eau, pollution de l’air, pollution des sols… tout cela contribue à contaminer les produits agricoles, que nous retrouvons ensuite dans nos assiettes. Les dioxines par exemple, constituent un groupe d’éléments chimiques particulièrement néfastes pour l’environnement, puisqu’elles s’accumulent à la fois dans les végétaux et les animaux, ensuite ingérés par l’homme. Elles sont hautement toxiques, et provoquent des effets dévastateurs sur l’homme : cancers, troubles immunitaires et hormonaux, et pire, un impact important sur la procréation.
L’Histoire nous livre l’un des témoignages les plus explicites des dangers de la dioxine, un cas d’étude qui illustre parfaitement notre propos : la guerre du Vietnam. Avec ses jungles luxuriantes et son climat tropical très humide, combinés à une culture de la guérilla vietnamienne, le Vietnam s’est révélé être un territoire particulièrement hostile aux déploiements américains destinés à combattre le Viet Minh. N’ayant pas l’avantage du terrain, ceux-ci ont largué approximativement 80 millions de litres d’ « agent orange », un composé chimique, puissant défoliant, initialement utilisé comme herbicide, et employé dans ce contexte afin de détruire l’épaisse végétation dans laquelle les Viêt-Congs se cachaient. Cependant, des études ont révélé une présence importante de dioxine dans cet agent, le rendant particulièrement toxique. Ainsi, 40 ans après la fin de la guerre, le Vietnam souffre encore de ses conséquences : on relève encore actuellement des traces de dioxine dans les cultures et produits alimentaires, le nombre de cancers ne cesse de croître, et de plus en plus d’enfants naissent avec des malformations. Les États-Unis refusent d’admettre une quelconque responsabilité.
Autre cas d’étude, le recours aux armes à « uranium appauvri » durant la Guerre du Golfe de 1991. Des bilans environnementaux soulèvent encore aujourd’hui des traces dans l’environnement, témoin d’une contamination des sols et de l’eau. De plus, ces armes ayant servi à incendier des puits de pétroles au Koweït, les fumées se sont envolées pour stagner dans l’atmosphère, accentuant encore un taux de pollution dont les effets se font toujours ressentir. Enfin, il convient de souligner l’existence d’une autre arme, dont l’utilisation créé une polémique conspirationniste : l’arme climatique. La théorie des chem-trails (traînées chimiques), consiste en la maîtrise du climat. Il s’agit d’une théorie complotiste déterminant que, suite à de lourdes recherches ayant démarré durant la Guerre froide, le gouvernement et les militaires américains répandraient dans l’atmosphère des produits chimiques : des métaux lourds notamment, ainsi que d’autres éléments chimiques néfastes pour la santé et pour l’environnement. Les fins supposées du recours à de telles armes seraient de pouvoir contrôler l’économie, la démographie et le climat, soit s’octroyer un droit de regard sur qui peut survivre, ou non. S’il ne s’agit que d’une théorie, elle est révélatrice d’une croyance qui tend à se populariser, celle que l’homme utilise des techniques qu’il ne maîtrise pas, en somme, qu’il joue à être Dieu.
« L’anthropocentrisme moderne, paradoxalement, a fini par mettre la raison technique au- dessus de la réalité, parce que l’être humain « n’a plus le sentiment ni que la nature soit une norme valable, ni qu’elle lui offre un refuge vivant. Il la voit sans suppositions préalables, objectivement, sous la forme d’un espace et d’une matière pour une œuvre où l’on jette tout, peu importe ce qui en résultera »[2].
Auteur: Léo Coqueblin
Junior Analyst en Intelligence Stratégique à Entreprise & Diplomatie (Groupe ADIT)
Licence d’Histoire – Sciences-po ; Master 1 Relations Internatione Sécurité et Défense, Lyon 3 ; Master 2 PSAPI Expertise Internationale, Lyon 3.
Notes de bas de page:
[1] WELZER H., Les guerres du climat, Folio Gallimard, Francfort, 2008 (trad. 2009), p. 15-16
[2] Pape François, « Lettre encyclique Laudato’ Si », Chapitre 3, Article 3
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L’avènement de l’Anthropocène pourrait de prime abord annoncer la réalisation des idéaux positivistes et libéraux contenus dans le progrès des Lumières. Principale force géologique et évolutionnaire, l’homme serait enfin devenu maître en son domaine et des éléments, un héros qui pourrait prétendre au rang d’un Dieu, même si prothétique. Malheureusement, au lieu de nouvel âge d’or, cette nouvelle ère se caractérise pour l’instant par la dévastation produite par ses activités industrielles et ce, sous toutes les latitudes, dans tous les milieux et contre tous les êtres humains et non-humains. Ses phénomènes sont multiples et hétérogènes : gaz à effet de serre, augmentation de l’acidité des océans, désertification, extinction massive des espèces et bien d’autres encore. Pourtant ils sont tous interdépendants, formant des réactions incontrôlées, non linéaires et rétroactives. Ils signalent un dérèglement général des paramètres de la vie terrestre telle que nous la connaissons. Il ne s’agira pas cependant d’en faire un exposé complet mais d’analyser leur porté géopolitique, celle d’une réaction politique et militaire à un choc écologique et énergétique ou en d’autres termes, d’exposer les conséquences de l’emprise de l’imprévisible sur le rapport de l’Homme à la Terre et des États à leur Territoire. L’Anthropocène, force de déstabilisation, est elle de fait, synonyme de conflit ? Le comprendre par la géopolitique permettra non pas comme disait Lacoste de « faire la guerre » mais bien au contraire en adoptant l’approche polémologique, de souligner les nouvelles conditions de la bellicosité qui s’esquissent pour l’éviter.
L’Anthropocène représente une véritable révolution copernicienne. La Géopolitique fondée sur les relations de domination, de maîtrise de l’environnement est confrontée à la disparition du territoire, support d’une autorité politique, parallèlement à la réaffirmation du sol, espace non clairement défini car fragmenté, disputé, chaotique. En effet, cette nouvelle ère semblerait ainsi incarner à ce titre la quatrième « blessure narcissique » au sens freudien du terme, d’une humanité désormais mise en orbite, appartenant au règne animal, irrationnelle et finalement (re)devenue simple entité dépendante d’un écosystème. Elle symbolise le « retour de Gaïa » comme l’exprime Bruno Latour : la fin de l’extériorité de la Nature. La Terre, d’objet neutre, « d’espace » façonné par la volontés des hommes, divisé ainsi en « territoires », sceaux de leur propriété, est redevenue un sujet. En effet la fin du « Grand Partage » entre Nature et Histoire s’est accomplie. Hannah Arendt, déjà, dans Crise de la Culture exprimait la radicalité nouvelle de la maitrise de l’atome qui en altérant directement la structure de l’univers, brisait l’éternité de la Physis ou Physique, à l’immuabilité cyclique, en introduisant l’éphémère et la mortalité du Politike, c’est à dire le domaine sublunaire où s’accomplit l’action de l’Homme. Au sein des lois de la nature s’immisce désormais le hasard de la Praxis humaine dans une relation hybride et chaotique : celle de l’habitabilité. « L’homme n’est plus « dans » la Nature mais participe de sa qualité à contenir la vie[1]. Au lieu d’être le récit d’une émancipation, l’Anthropocène est bien celui d’une appartenance réaffirmée à son milieu terrestre, non perçue comme la possibilité d’une nouvelle condition humaine universelle, permise par ce nouveau critère de retour « à » la Terre, mais plutôt comme une aliénation par le retour « de » la Terre. En effet cette occultation du sol était le fondement de la civilisation occidentale et de celle « mondialisée » d’aujourd’hui. La théorie économique en est un symptôme éclairant : ayant écarté la terre des moyens de production pour n’en faire qu’un simple produit du Capital et du Travail, elle alimenta par la même l’idée d’un Progrès « hors-sol », limité par la seule créativité humaine, c’est à dire la technologie. L’Homme dès lors libéré des contraintes matérielles, se plaçait dans une position transcendante oubliant, pour paraphraser le titre du livre de Daniel Cohen, que le monde est clos malgré son désir infini.
Dès lors, ce retour du sol refoulé, parce qu’il symbolise une perte de contrôle inaugure une géopolitique non plus comme expression de la puissance ou des rivalités humaines, c’est à dire de contrôle territorial mais bien une géopolitique de sa vulnérabilité et en un sens réactionnaire. Au contraire de permettre une communauté cosmopolite, l’Anthropocène risque de réactualiser l’appel au sang et au sol : Blut und Boden, le repli sur soi pour préserver ses gains matériels et sociaux et l’accusation de tous. Or le sol n’est pas défini par une autorité, c’est un espace pour lequel on se bat, un espace fantasmée, idéologique, en danger, précaire et qui n’a donc d’existence spatiale que celle occupée par ses sympathisants. Il épouse moins les formes d’un État que des rapports de force divers. L’Azawad par exemple, le projet sécessionniste Touareg dans le Nord Mali en est emblématique. Des populations du Sahel, confrontées à la désertification croissante de leur terre, à un stress hydrique important et se sentant abandonnés voire discriminés par l’État central proclament leur indépendance et prennent les armes. S’esquissent dès lors une géopolitique des sols, diluant les territoires où les vulnérabilités écologiques de certaines populations ou groupes d’intérêts pourront devenir des revendications politiques dans des mouvements d’auto-défense accusant l’extérieur d’exploitation et de destruction de leur héritage. Si pour l’instant la forme majoritaire est interne aux États et non-armée, comme en France avec le mouvement Zadiste, une internationalisation voire des conflits interétatiques sont prévisibles, notamment par leur instrumentalisation à des fins de déstabilisation par des États hostiles. De plus l’hypothèse de l’éco-terrorisme n’est pas à écarter.
Cette logique cependant s’exprime actuellement dans la géopolitique des conférences sur le climat. En effet L’Anthropocène alors qu’elle nécessiterait un « nouvel âge institutionnel »[2] à même de régler un dérèglement global et transnational, connait une gestion multilatérale au sein de la CCNUCC[3] s’apparentant à une « fabrique de lenteur » selon Stefan Aykut et Amy Dahan. L’absence d’un front commun Nord-Sud en est la principale raison car la responsabilité de l’Anthropocène n’a pu être tranchée. Déjà certains proposent de parler d’Anglocène[4] où Américains et Anglais seraient donc, les principales forces géologiques de la Planète. Les objectifs d’atténuation de l’anthropisation et d’adaptation à ses effets sont par conséquents inconséquents. La COP 21 elle-même, malgré qu’elle soit un accord universel, reste conditionnée à la promesse des pays développés de délivrer un soutien financier et technologique aux émergents. Enfin elle propose des objectifs de réduction jugés à la fois irréalistes et insuffisants[5].
Le dérèglement du climat et de l’habitabilité caractéristique de l’Anthropocène pose la question de la résilience de l’État comme principe d’organisation des collectivités humaines. En effet cette ère géologique nous plonge dans une « longue urgence »[1] où les instances politiques et les populations seront soumises à des suites de chocs continues et indéfinis, systémique dont seuls l’intensité et le rythme varieront. Ces chocs découlant du changement climatique sont d’abord des causes d’insécurité directes, tels que les phénomènes naturels « extrêmes » : baisse ou hausse drastique des précipitations, cyclone, etc. avec un renforcement de la létalité du fait de la concentration des populations sur les littoraux. Cependant ils sont aussi sources de risques, qui, s’ils sont plus « indirects » n’en sont pas moins des « conflict multiplier » tels que les migrations climatiques ou « réfugiés climatiques » qui entre 2008 et 2012 représentaient plus de 140 millions de personnes et dépassaient le nombre de réfugiés politiques (16,7 millions selon le HCR)[2] mais aussi la contamination de l’environnement par des catastrophes industrielles étrangères : Fukushima, Tchernobyl, etc. Enfin, ces chocs peuvent être des menaces, telles que des guerres pour les ressources pour assurer sécurité, qualité et quantité de ses approvisionnements en matière premières mais aussi les stratégies de résilience des autres États comme l’achat de terre ou Land Grabbing qui peuvent opérer une inflation du prix des denrées alimentaires comme en 2006 pour le riz[3]et la Géo-ingénierie. Cette dernière, même si ses utilisations militaires ont été interdites par la convention ENMOD[4] rendra potentiellement toute catastrophe naturelle susceptible d’être un acte hostile.
L’État, acteur et victime, confronté à des risques imprévisibles et constants devra dès lors intégrer les stratégies de résilience pour continuer de dominer et assurer son autorité, notamment en réduisant l’empreinte énergétique de ses armées et industries de défense sans impacter leur efficacité opérationnelle mais aussi en les formant aux interventions humanitaires, plus nombreuses et qui requièrent des compétences différentes[5]. La modernisation de l’armée russe en cours, qui s’appuie explicitement sur le déploiement rapide de troupes « humanitaires », n’est pas innocente et intimement corrélée au succès de la prise de la Crimée[6]. L’argument environnemental pourrait ainsi devenir potentiellement l’alibi d’intervention armée en territoires souverains étrangers. L’État enfin peut ne pas résister et sombrer. Jared Diamond dans « Effondrement » liste ainsi 5 collapsus, les facteurs décisifs de l’autodestruction d’une société et d’un État. Le premier concerne des dommages irréparables à l’environnement infligés par l’Homme : des écocides, renforcé par le second facteur : un changement climatique perturbant l’équilibre écologique. Les facteurs trois et quatre consistent en la pression militaire des voisins hostiles et le délitement des alliances commerciales ou militaires. Enfin, le cinquième est lié à l’incapacité d’une prise de décision par les élites, que ce soit par esprit de castes ou par manques des outils intellectuels nécessaire pour identifier le problème[7]. Si Diamond parle essentiellement de la disparition des Mayas ou des Vikings du Grand Nord, son analyse est malheureusement de plus en plus d’actualité. Plongé dans ce que Baumard appelle le « vide stratégique » [8] et enfermé dans notre conception traditionnelle d’une Nature distincte de l’Histoire, il nous est difficile de penser sur le temps, d’où notamment l’apparition de cette « longue urgence » que nous n’arrivons pas à résoudre. L’Ecocide semble pour le moins bien avancé et le système international, fondé sur le respect des souverainetés étatiques voit ses frontières voler en éclat sous l’action des entités transnationales voire directement par des politiques révisionnistes comme aux îles Sakoku/Diaoyu et bien sûr en Ukraine. L’Anthropocène est donc une menace existentielle pour les États et les îles de Micronésie qui disparaissent sous les flots sont bien là pour nous le rappeler.
La géopolitique selon Kjellen qui se devait être « la science de l’État en tant qu’organisme géographique, tel qu’il se manifeste dans l’espace » semble de fait menacée si ce n’est dépassée. En effet l’État comme autorité ou pouvoir institutionnalisé sur un territoire voit l’irruption du sol fragmenter son domaine souverain et se retrouve menacé d’effondrement en tant qu’organisation des collectivités humaines. La géopolitique si elle veut identifier la charge conflictuelle de l’Anthropocène, se doit ainsi d’évoluer, passer d’une étude de l’inscription de la puissance de l’homme sur la Terre à celle de la configuration spatiale de ses vulnérabilités afin d’aider à bâtir la résilience des sociétés humaines. Elle qui a toujours reconnu l’impératif matériel de la géographie représente un merveilleux outil d’exploration de ces nouvelles lignes de fractures et dangers. Comme le chantait le poète Hölderlin : « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve ».
Auteur: Tourret Vincent
Étudiant en Master 1 : Relation Internationale Sécurité et Défense de l’université Lyon 3 en échange à l’étranger à Georgetown University. Journaliste au Journal International. Stagiaire Assistant-Chercheur à la « Potomac Foundation », Virginia, think tank traitant de « security studies ». Double Diplômé en Droit et Science Politique à Lyon 3.
Notes de bas de page:
[1] VALENTIN, Jean-Michel, « Le soutenable et l’insoutenable. Résilience et Géostratégie », Annales des Mines – Responsabilité et Environnement, 04/2013, n°72, consulté le 03/02/2016, url : http://www.cairn.info.ezscd.univ-lyon3.fr/article.php?ID_ARTICLE=RE_072_0022&DocId=85183&hits=2560+2378+1447+1429+1297+, La Longue Urgence fut théorisée par Kunstler et James Howard.
[2] GEMENNE, François, « L’Anthropocène et ses victimes. Une réflexion terminologique », CERISCOPE Environnement, 2014, consulté le 05/02/2016, url : http://ceriscope.sciences-po.fr/environnement/content/anthropocene-et-ses-victimes-une-reflexion-terminologique
[3] SEO, Kihwan et RODRIGUEZ, Natalia, « Land Grab, Food Security and Climate Change : A Vicious Circle in the Global South », consulté le 04/02/2016, url : http://www.intechopen.com/books/human-and-social-dimensions-of-climate-change/land-grab-food-security-and-climate-change-a-vicious-circle-in-the-global-south
[4] ENMOD : Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles adopté le 10 décembre 1976.
[5] ALEX, Bastin, « Préserver la sécurité à l’Anthropocène », Vraiment Durable, 01/2014, n°5, consulté le 03/02/2016, url : http://www.cairn.info.ezscd.univ-lyon3.fr/article.php?ID_ARTICLE=VDUR_005_0177&DocId=92502&hits=5177+5173+4903+4535+4468+4176+4136+4008+3092+1157+1125+1038+115+22+6+.
[6] BRUUSGAARD, Ven Kristin, “Crimea And Russia’s Strategic Overhaul”, Strategic Studies Institute, (2014), url : http://www.strategicstudiesinstitute.army.mil/pubs/Parameters/Issues/Autumn_2014/11_BruusgaardKristin_Crimea%20and%20Russia’s%20Strategic%20Overhaul.pdf, et GRAU, W. Lester, “Restructuring the Tactical Russian Army for Unconventional Warfare”, Red Diamond, volume 5, issue 2, (Kansas, Fort Leavenworth: February 2014).
[7] JOIGNOT, Frédéric, « L’Homme, cet animal suicidaire peint par jared Diamond », Le Monde. 27/09/2012, consulté le 03/02/2016, url : http://abonnes.lemonde.fr/culture/article/2012/09/27/l-homme-animal-suicidaire_1766966_3246.html.
[8] Czakon Wojciech, « Philippe BAUMARD (2012) Le vide stratégique. Paris : CNRS.. », M@n@gement 2/2012 (Vol. 15) , p. 226-233, consulté le 03/02/2016, url : http://www.cairn.info/revue-management-2012-2-page-226.htm.
[1] « Bruno Latour pense autrement la crise écologique », Le Monde, 28/10/2015, consulté le 03/02/2016, url : http://abonnes.lemonde.fr/livres/article/2015/10/28/bruno-latour-pense-autrement-la-crise-ecologique_4798557_3260.html
[2] Ibid.
[3] Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques
[4] BONNEUIL, Christophe et FRESSOZ, Jean-Baptiste, « l’Événement Anthropocène », Seuil, 2013.
[5] AYKUT, Stephan, « COP21 : les ombres d’un accord », Le Monde, consulté le 03/02/2016, url : http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2015/12/16/cop21-les-ombres-d-un-accord_4833210_3232.html
BIBLIOGRAPHIE.
ALEX, Bastin, « Préserver la sécurité à l’Anthropocène », Vraiment Durable, 01/2014, n°5, consulté le 03/02/2016, url : http://www.cairn.info.ezscd.univ-lyon3.fr/article.php?ID_ARTICLE=VDUR_005_0177&DocId=92502&hits=5177+5173+4903+4535+4468+4176+4136+4008+3092+1157+1125+1038+115+22+6+.
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Article soumis par Idriss Naoui dans le cadre du concours Geolinks sur la Géopolitique de l’Anthropocène.
Dans son Manifeste pour la terre et l’humanisme, Pierre Rabhi a tenté d’appeler les consciences à s’insurger, d’un point de vue socio-environnemental. « Nous entrons dans une ère où, face aux planifications de l’Homme, la nature décidera et mettra des limites ». Nous serions à quelques secondes symboliques de l’émergence d’une réalité qui aurait dépassé la dystopie. Une nouvelle ère s’est précisée dès lors que l’Homme, dans une course effrénée vers le progrès, a donné vie à la révolution thermo-industrielle. L’Anthropocène, un concept scientifique encore discuté et de plus en plus médiatisé, transcende la simple crise environnementale. Ce néologisme popularisé dès 2000 par le météorologue et chimiste de l’atmosphère Paul Crutzen (Prix Nobel en 1995), traduit l’émergence d’une nouvelle époque géologique. Celle-ci aurait débuté à la fin du XVIIIème siècle, succédant à l’Holocène, et représenterait la période durant laquelle l’influence de l’être humain sur la biosphère serait majeure.
Le concept est théorique et attend d’être officialisé lors de la rencontre de chercheurs qui aura lieu du 24 au 28 avril 2016 à Oslo. Toutefois, les traces de l’Homme sur la lithosphère ne sont pas fictives et font l’objet de débats, notamment lors des Sommets de la Terre. Vouloir élaborer un terme nouveau corrobore le besoin de se montrer diacritique par rapport à tous les discours sur les crises passagères. L’Homme moderne, consumériste par nature, a laissé son empreinte sur la Terre de manière indélébile, sur des milliers, voire des millions d’années. Bien que l’on puisse prendre conscience du comportement humain face à l’environnement, tout en tentant d’atténuer les potentiels effets catastrophiques qui se présentent pour la postérité, à l’instar d’un Jeremy Rifkin, la machine reste lancée et le Deus ex machina se brûlera tout de même les ailes. Avec des expérimentations chimiques, nucléaires, ou des réaménagements territoriaux, l’Homme a voulu changer l’Histoire en faisant de la science une terra nova pour son développement. Mais le développement est devenu insoutenable, exhortant les sociétés à être plus praxéologiques d’un point de vue politique. Ce Prométhée qu’est le progrès industriel a fait de l’Humanité une force géologique majeure, mais avec un impact inexorable sur le système terrestre. Les activités humaines ont entrainé des changements brutaux perturbant tant les cycles bio-géochimiques que les organisations humaines face à des problèmes nouveaux. L’agriculture intensive et la surpêche, la déforestation et les forêts artificielles, les pollutions de l’air, des eaux et de la terre, les industries et les transports, l’évolution de la démographie et l’urbanisation, l’augmentation exponentielle de la consommation et donc de l’extraction des ressources fossiles ou minérales, la fragmentation écologique, la réduction ou destruction des habitats, et les conflits armés, figurent parmi les activités les plus modificatrices de l’environnement terrestre.
Les perturbations multiples émanant de nos sociétés sont hétérogènes et il y a une imprédictibilité notoire des écosystèmes et de la Terre. Toutefois, des faisceaux d’indices nous laissent penser que si aucune mesure n’est prise pour assurer un avenir plus durable, alors celui-ci sera loin d’être édénique. L’Anthropocène devient clairement un enjeu politique mais souvent minimisé au profit de considérations technocratiques déplacées. L’idéal resterait d’arbitrer les différents groupes humains dans leurs choix techniques et industriels, et de repenser la société de consommation. D’un point de vue réaliste, chercher à refonder de «nouvelles humanités environnementales», pour paraphraser Christophe Bonneuil, Jean- Baptiste Fressoz, tout en s’interrogeant sur notre conception de la liberté de consommer, de l’économie globale, apparaît comme une utopie.
L’Anthropocène n’est pas une ère fortuite dans l’Histoire : fruit d’une longue série de mutations, il implique des questionnements tant rétrospectifs que prospectivistes sur l’éthique environnementale. Le défi homérique de la protection de la biodiversité, de la nature, la recherche de développements durables sont des thématiques de plus en plus exploitées, notamment depuis le rapport Brundtland. Les thuriféraires de l’écologie, longtemps ignorés dans un monde libéral et capitalistique, voient leurs arguments de plus en plus pertinents aujourd’hui. Il est primordial de concevoir des outils normatifs comme une justice internationale centrée sur la cause environnementale, d’assurer des sommets internationaux comme la COP21, etc. Les changements climatiques, la dette et les crises écologiques, le besoin urgent de trouver des énergies renouvelables, la mise en place de responsabilité sociale des entreprises, l’échec du protocole de Kyoto, sont autant de problème à résoudre à l’ère de la mondialisation et de l’économie post-industrielle. Mais en plus de vouloir réduire les émissions de gaz à effets de serre en dressant un bilan carbone, il est aussi important d’avoir un œil critique sur la manière dont les polities conçoivent leurs relations entre elles par rapport aux changements de leurs cadres de vie.
L’évènement « Anthropocène » n’est pas qu’une porte d’entrée dans « l’âge des déchets » : c’est aussi une époque qui sera de plus en plus marquée par les conflits interhumains pour des raisons écologiques, sources de pénuries et donc d’émulations vis-à-vis des plus nantis. Allons-nous vers un catastrophisme inévitable ? Si Tolstoï vivait à notre époque, il écrirait « Guerre, Paix et Nature », étant donné que l’écologie devient une variable essentielle par rapport aux échanges sociétaux. En outre, la guerre porte une atteinte considérable à la Nature. Alors, à l’aune de l’Anthropocène, l’Homme peut-il rester consumériste et ignorer l’environnement, sachant que son comportement peut devenir un casus belli d’autant plus ravageur pour la nature ?
Comprendre le phénomène Anthropocène, et vouloir y survivre, ne doit pas impliquer seulement des graphes ou des statistiques qui simplifient la dynamique du monde. D’un autre côté, il convient de ne pas graviter autour d’un récit réducteur qui rend coupable l’humanité du fait de ses activités. Les cultures sont diversifiées et toutes ne participent pas à la pollution massive de la planète. Ce postulat présuppose tout de même un certain darwinisme social. Philosophiquement, peut-on imaginer que l’Homme des pays les moins avancés puisse ne pas accorder de crédit au progrès industriel et de l’amélioration de son être, même s’il en avait les moyens scientifiques ? L’instauration des humanités environnementales qui atténueraient les disparités des classes sociales, serait-elle voulue ou forcée ?
D’un point de vue réaliste, si Homo homoni lupus, alors il y aurait intrinsèquement un caractère égoïste qui formule les constructions politico-économiques, articulées autour du besoin de richesses. Le souci sincère d’un monde « plus propre » serait, en soi, marginal. Néanmoins, sa recherche est inévitable, même si pour l’instant la puissance humaine reste écocide, faisant du CO , une sacro-sainte notion. La puissance et la naturalisation du désir consumériste, via la création des marchés aimantés par la notion de productivité et de séduction, font fi de la Nature, si bien que des phénomènes, comme l’obsolescence programmée, sont entrés dans les mœurs. Le fétichisme de la marchandise, dans un monde inspiré par l’American Way of life, entraine toutefois des mouvements sociaux réactionnaires face aux multinationales comme Monsanto. Les puissances hégémoniques sont de plus en plus contestées vis-à-vis de leurs choix politiques, militaires et idéologiques. La domination des énergies fossiles, la périurbanisation et la motorisation des sociétés occidentales nécessitent une refonte politique, sous un angle plus écoresponsable.
La modernité a conduit l’Homme à accomplir des prouesses naturelles indéniables, mais elle l’a aussi porté sur la pente de l’aberration existentielle. L’ère industrielle périclite dans l’espoir de donner une importance franche aux alternatives marginalisées. L’essentiel n’est pas de savoir comment éviter une mutation planétaire inexorable, mais bien de savoir comment limiter la dégradation matérielle de la planète. L’idée n’est pas de suivre un paradigme comme le marxisme, mais pour éviter les catastrophes, survivre à la phase du phagocène en abandonnant les institutions capitalistes et productivistes, les dominations et les imaginaires aliénants reste la grammaire de réflexivité la plus sensée … La culture de l’éphémère doit se substituer une culture de valeurs et de modération. Celle-ci n’émergera, pragmatiquement, que lorsque la Terre arrivera à un point de saturation. L’écosophie et les modes de vie des peuples autochtones restent moqués par les adeptes de l’hédonisme aveugle qui conduisent le monde à l’Anthropocène. In concreto, nombreuses sont les personnes qui conservent un mode de vie surdimensionné, même celles qui parlent d’écologie en Occident.
De nombreux exemples, comme celui de l’île de Nauru, dans le Pacifique sud, ravagée par l’exploitation des phosphates et subissant la hausse du niveau des mers, peuvent légitimement incriminer l’extractivisme, la conteneurisation, la non-taxation des carburants d’avion, etc. Une guerre globale s’est déclarée contre la nature au moment où s’est manifestée la brutalité de l’exploitation des hydrocarbures. Rares sont les visionnaires comme Orson Welles qui, en 1942, avec son film La Splendeur des Amberson, dressait déjà avec pessimisme, une chronique sociale concrète montrant un capitalisme absurde et destructeur. La solution la plus simple reste encore d’amorcer un mouvement translatif vers des humanités environnementales « pro-Gaïa », sans pour autant avoir des allures New Age.
Au regard de la géopolitique, l’anthropocène est consubstantielle à la thanatocène. L’Homme est animé par une pulsion de mort au sens freudien qui le conduit aux guerres mondiales, à la place des complexes militaro-industriels – nonobstant la nécessité des politiques de défense –, la brutalisation de la nature, à la culture de l’annihilation… Paradoxalement, l’impact est double : les changements écologiques peuvent être belligènes, et les potentiels conflits qui en résultent, portent, in fine, davantage de conséquences sur la Nature. Les Guerres mondiales l’ont prouvé en laissant la pollution chimique des munitions remplies d’arsenic, de mercure, de perchlorates, des obus parsemés sur les champs de bataille, ou dans les mers et les lacs. Dès le siècle dernier, un théâtre guerrier inédit s’est installé sur le village global. Si le Vietnam s’en est relativement remis, des terres comme le Rwanda, l’Irak, le Darfour, l’Afghanistan, en conservent des stigmates environnementales flagrants… Le recours manu militari entraîne forcément des catastrophes écologiques et humaines, en plus d’un déploiement dantesque de matériels déjà polluants par leur fabrication, sans compter l’atome. Ces substances mortifères sont parfois utilisées à des fins perverses, notamment au regard de la période entre 1964 et 1975, où les Américains et leurs alliés ont utilisé « l’agent orange », un défoliant qui aurait porté atteinte à 14% des forêts du Vietnam méridional, entraînant pour les populations, malformations, maladies de la peau et cancers. Les épisodes guerriers ont ravagé les forêts, les fleuves et littoraux, les milieux naturels divers, l’atmosphère… Les eaux du Golfe Persique, en 1991, étaient souillées et les incendies volontaires d’un millier de puits de pétrole laissèrent des traces dans l’atmosphère. Les animaux aussi paient le lourd tribut à la guerre, à l’instar de ces nombreux gorilles des montagnes au Rwanda, ou des cétacés, requins et autres poissons, perturbés par les ondes émises par les sonars des sous-marins qui peuvent les tuer.
Paradoxalement, plus l’Homme accède au progrès pour améliorer son cadre de vie et plus il en profite pour se détruire. Au vu de l’essor massif de la guerre asymétrique, avec la montée de Daesh, et des tensions interétatiques, cette épée de Damoclès qu’est la Troisième Guerre mondiale plane au-dessus de l’humanité, incitant les Hommes à recourir à l’arme nucléaire, initialement tolérée que pour la dissuasion. Cependant avec la prolifération de cette technologie au sein de cultures aux idéologies extrêmes et centripètes, la population mondiale met son avenir en sursis. « Je ne sais pas avec quelles armes sera menée la Troisième Guerre mondiale, mais je sais que la Quatrième le sera avec des bâtons et des pierres » disait Einstein. Noam Chomsky le soulignait, l’impact écologique d’une guerre nucléaire serait dévastateur et les deux bombes sur Hiroshima et Nagasaki, ou les « accidents » de Tchernobyl et Fukushima, ne sont que des échantillons.
Telles les deux faces d’un même Janus, l’environnement peut aussi être la cause des guerres. Par exemple, 67 conflits armés sur les 328 recensés dans le monde avaient pour origine, en 2007, les ressources naturelles. Les premières zones touchées sont l’Asie et l’Afrique. Le Moyen-Orient a aussi été le théâtre de guerres de ce type, notamment avec l’invasion du Koweït par l’Irak pour saisir les réserves de pétrole du pays. Cette énergie fossile en voie d’extinction entraînera, à l’avenir, davantage de conflits, à l’instar de biens précieux comme l’eau, la terre, ou les minéraux. Le cercle est d’autant plus vicieux qu’un pays déjà fragilisé par la guerre aura besoin de compenser ses pertes de ressources naturelles ; ce qui entraînera au court ou au moyen terme d’autres conflits. En soi, une guerre, ce terrorisme écologique, est un drame que l’on doit éviter pour ne pas aggraver les relations diplomatiques des États ou pour ne pas accentuer le processus de pollution mondiale. D’après Alain Joxe, il y a également des risques de militarisation durable en étroite connexion avec l’environnement. Mais comment penser à soigner la planète lorsque les forces armées n’hésitent pas à déployer l’oriflamme ?
Si la guerre est inévitable, peut-elle être propre en limitant les dégâts ? Doit-on incorporer une « Halte à la Croissance » avec le vice serait de réfléchir à la guerre, id est de la préparer avec des normes écologiques en temps de paix ? L’absurdité du credo mieux armé pour « sauver » la planète dénote toute la vacuité des comportements humains en sociétés. L’Anthropocène est une époque de caricature qui mêle des avancées savantes à des tournures triviales galvanisées par la violence. À des fins de productions ou de destruction, l’activité humaine entraine des conséquences funestes d’ampleur planétaire. Ainsi, sans être nihiliste, qu’elle est la finitude de notre monde si l’humain n’est pas capable de redéfinir ses paramètres pour mieux l’habiter ? Penser l’écologie est un dessein urgent que l’on doit saisir tant qu’on le peut, c’est-à-dire en période de paix relative.
« La face entière de la Terre porte aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme » écrivait Buffon dès 1778. Si le concept anthropocène ne fait pas encore l’unanimité, il reste l’outil le plus adapté pour expliquer le processus vers lequel nous avançons. Il a le mérite de confronter l’Homme à sa responsabilité. Lui qui voulait être un maestro de la Nature, se retrouve impuissant malgré sa puissance. « La seule question qui se pose désormais à nous, c’est : que voulons-nous faire de ce monde dont nous sommes devenus dans le même temps les fossoyeurs et les gardiens ? » disait Lorius.
Auteur: Idriss NAOUI
Diplômé de Master 2 mention Science politique Relations internationales, Francophonie et mondialisation suite à un Master 1 mention Science politique, Relations internationales Sécurité et Défense, à l’Université Jean Moulin Lyon 3.
Crédits image: globaia.org, anthropocene_fr_FINAL.jpg, consulté le 7 mars 2016.
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L’anthropocène serait la période succédant à l’holocène, durant laquelle l’influence de l’être humain sur la biosphère a atteint un tel niveau que l’Humanité est devenue une force géologique majeure capable de marquer la lithosphère. L’homme serait donc devenu la principale force de transformation du système. Le défi de cette période est de préserver l’habitabilité de notre planète. Cette cause ne contient pas seulement des problématiques environnementales, mais porte bien des enjeux économiques et géopolitiques. Le changement climatique d’origine anthropique est un problème global, au sens géographique, comme au sens littéral. Si le dérèglement climatique est une problématique d’envergure civilisationnelle (changements de nos habitudes et modes de vie et de production), sa résolution aura inévitablement des implications géopolitiques. La transformation de modes de vie, déjà bien inégaux, ne se fera pas sans tensions.
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Ce sont là uniquement des exemples et des pistes de réflexion. D’autres problématiques sont les bienvenues.
L’anthropocène se réfère à la caractérisation, qui fait encore débat, d’une période de la terre où les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l‘écosystème terrestre. Plus spécifiquement, l’anthropocène serait la période durant laquelle l’influence de l’être humain sur la biosphère a atteint un tel niveau qu’elle est devenue une force géologique majeure capable de marquer la lithosphère. L’anthropocène est une ère géologique qui succèderait à l’holocène. C’est une catégorisation qui fait encore débat, quant à son affirmation même « d’ère géologique » mais aussi quant à sa date de commencement.
D’autres discussions émergent mais tous les tenants des débats reconnaissent la responsabilité de l’Homme. Si tous admettent son impact sur la planète, sa capacité à maîtriser son changement ne fait nullement l’unanimité. En prenant conscience de son empreinte sur la planète, l’Homme devrait en accepter la responsabilité.
Il est trop tôt pour pouvoir juger concrètement de l’empreinte de l’Homme sur la planète. Cependant, certains signes pointent indéniablement sur une origine humaine des transformations environnementales. La question est donc de savoir si nous prenons en mains nos responsabilités et que nous agissions aujourd’hui pour demain. Toutefois, les obstacles politiques liés à des enjeux géopolitiques sont une menace certaine pour aller dans le sens d’une coopération globale pour la préservation de l’environnement.
Les obstacles géopolitiques
L’homme serait donc devenu la principale force de transformation du système. Le défi de cette période est de préserver l’habitabilité de notre planète. Cette cause ne contient pas seulement des problématiques environnementales, mais a bien des enjeux économiques et géopolitiques. Le changement climatique d’origine anthropique est un problème global, au sens géographique, comme au sens littéral. Si le dérèglement climatique est une problématique d’envergure civilisationnelle (changements de nos habitudes et modes de vie et de production), sa résolution aura inévitablement des implications géopolitiques. La transformation de modes de vie déjà bien inégaux ne se fera pas sans tensions.
Une des explications des sources de ces tensions provient du fait que la géographie des émissions ne correspond pas à la géographie des impacts. Nous avons une double injustice qui instille les frustrations. Les États les plus exposés ne comptent pas obligatoirement parmi les plus riches (ni parmi les plus pollueurs), et ne seront pas tous en mesure de mettre en place les politiques nécessaires à la protection de leur territoire, des populations et des activités économiques.
Le changement climatique conditionne donc l’apparition de problématiques géopolitiques en lien avec la nécessité d’éradication de ses causes. Le fait que la géographie des émissions ne corresponde pas à celle des impacts a alors, de ce point de vue, deux implications : l’existence d’une géopolitique de l’atténuation résultant de l’expression de rapports de force internationaux dans le partage du fardeau et celle d’une géopolitique de l’adaptation découlant pour sa part des décisions que prendront les États pour réduire leur vulnérabilité.
Qu’y a‐t‐il de plus dangereux pour un État, quel qu’il soit, que de sentir menacé le modèle selon lequel il est bâti ? Refondre notre approche de la croissance et repenser l’organisation de nos économies mondialisées – qui reste la seule façon d’obtenir un résultat dans la lutte contre le changement climatique – ne se feront donc pas sans heurts, car cela soulève des enjeux colossaux. Ces enjeux engendreront des modifications des rapports de force internationaux, voire des problématiques sécuritaires. De ce fait, si l’énergie, la mondialisation, l’agriculture, le transport ont leur géopolitique, celle du changement climatique se situe au point de confluences.
Trois conséquences du changement climatique sont susceptibles de provoquer des troubles sécuritaires : les migrations écologiques, la compétition pour les ressources (existantes ou à découvrir) et la fragilisation des États.
On sait que des migrations soudaines et importantes conjuguées à des antagonismes historiques suffisent à provoquer un drame humain qui peut dégénérer en affrontement voire en conflit (Darfour). Le chiffre de 200 millions à 1 milliard de migrants « climatiques » d’ici 2050 est avancé, mais reste bien difficile à évaluer.
La raréfaction des ressources (hydriques notamment) sur un territoire, en lien avec les manifestations du changement climatique, peut produire des tensions.
Le potentiel crisogène du changement climatique doit encore faire l’objet d’étude. La définition la plus raisonnable semble être aujourd’hui celle du CNA (Center for Naval Analyses) qui, en 2007, parlait de « threat multiplier » ou multiplicateur de menaces.
L’adaptation au changement climatique fait désormais partie des préoccupations, plus particulièrement la question de son financement, deuxième blocage majeur du processus onusien. En effet, les oppositions Nord/Sud se nourrissent également des lancinants débats autour de cette problématique.
La principale conséquence des négociations ralenties reste la difficulté de faire émerger un front commun Nord‐Sud regroupant des pays responsables et volontaires face aux États récalcitrants à prendre des engagements ambitieux comme les États‐Unis, le Canada, l’Australie, la Russie, mais aussi au Sud comme la Chine ou l’Inde.
Les politiques d’adaptation aux changements climatiques font indéniablement partie de la solution. Toutefois, la volonté de se préserver des manifestations déjà observables du changement climatique peut conduire au développement de politiques aux effets potentiellement néfastes : l’accaparement des terres et la géo‐ingénierie
L’agriculture étant l’activité économique la plus dépendante du climat, l’accaparement des terres peut se concevoir comme une politique d’adaptation au dérèglement climatique. Le phénomène de captation des ressources agraires par certains états soucieux de conserver leur indépendance alimentaire provoque déjà des tensions entre pouvoirs publics, entreprises et communautés locales.
La géo-ingénierie, ou ingénierie climatique consiste pour sa part en la manipulation délibérée de l’environnement via des moyens techniques et technologiques pour contrecarrer le changement climatique d’origine anthropique. Les solutions qu’elle préconise s’appuient essentiellement sur deux méthodes : l’extraction du dioxyde de carbone de l’atmosphère et la modification du rayonnement solaire. Le problème réside dans le fait que les conséquences sur le climat d’un recours massif à ce type de solutions – dont l’efficacité n’est pas démontrée – sont inconnues. Si tous les États commençaient à organiser des expérimentations, la situation pourrait rapidement devenir incontrôlable. Cela pourrait, selon le contexte, provoquer des tensions diplomatiques, voire militaires.
On constate donc que les conséquences géopolitiques potentielles du changement climatique ne manquent pas : tensions entre États, remise en cause du modèle économique dominant, compétition pour les ressources, crises liées aux flux de migrants, conflits découlant des politiques d’atténuation et/ou d’adaptation. Il apparaît de plus en plus évident que l’accord qui sera peut-être signé lors de la COP21 ne proposera pas, en raison des blocages évoqués supra, de réductions drastique des émissions.
Sources :
La convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) a estimé que 41,2 % des terres émergées sont actuellement classifiées comme désertes ou dites terres sèches. À l’échelle planétaire, environ un quart de la terre en surface serait en constante dégradation[1]. La désertification n’épargne aucun continent et nous concerne donc tous, directement ou non.
Souvent, à tort, le mot désertification est assimilé à une avancée naturelle du désert justifiée par le réchauffement climatique. Notamment l’extension du désert du Sahara vers le Nord, atteignant les pays sud-européens. Nous allons donc solidement définir les termes qui seront employés avec récurrence au cours de cette synthèse afin d’éviter les confusions.
L’UNCCD, considérée comme la première organisation internationale destinée à combattre ce problème social et environnemental décrit le processus de la manière suivante :
Le terme « désertification » désigne la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines.[2]
Nous remarquons donc que l’homme est en partie responsable de la désertification, et que ce terme est souvent confondu avec le phénomène suivant:
Le terme « sécheresse » désigne le phénomène naturel qui se produit lorsque les précipitations ont été sensiblement inférieures aux niveaux normalement enregistrés et qui entraîne de graves déséquilibres hydrologiques préjudiciables aux systèmes de production des ressources en terres.[3]
De ce fait, notre démarche consistera à répondre aux questions suivantes : comment peut-on expliquer le phénomène de désertification? Et quelles en sont les conséquences selon les contextes?
Nous nous intéresserons dans un premier temps aux différentes causes établies du fait observé, qu’elles soient naturelles ou humaines. En second lieu nous aborderons les particularités du processus selon les régions. Pour finalement justifier l’importance, parfois sous-estimée, d’une lutte contre la désertification, à toutes les échelles.
Les Nations Unies emploient le terme de dégradations des terres dans l’explication du processus :
L’expression « dégradation des terres » qui désigne la diminution ou la disparition, dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches, de la productivité biologique ou économique et de la complexité des terres cultivées non irriguées, des terres cultivées irriguées, des parcours, des pâturages, des forêts ou des surfaces boisées du fait de l’utilisation des terres ou d’un ou de plusieurs phénomènes, notamment de phénomènes dus à l’activité de l’homme et à ses modes de peuplement, tels que : l’érosion des sols causée par le vent ou l’eau, la détérioration des propriétés physiques, chimiques et biologiques ou économiques des sols et la disparition à long terme de la végétation naturelle.
Nous savons grâce à certaines traces humaines anciennes que des zones, actuellement occupées par le désert du Sahara, étaient encore humides il y a environ 2000 ans. Ces zones humides étaient donc riches en faune.[4]
Ces peintures rupestres sont l’une des différentes raisons qui ont poussé certains analystes à examiner le lit du fleuve Congo, en extrayant des carottes sédimentaires. Cette méthode permet de retracer les climats traversés par la région centrafricaine pendant environ 40 000 ans.[5]
Durant plus de 35 000 ans, les relevés illustrent un couplage logique entre érosion, intensité des intempéries et humidité ou assèchement. La zone a ainsi connu successivement des périodes plus ou moins arides et étonnamment une période appelée le « grand humide » il y a environ 10 000 ans.
En arrivant aux environs de l’an 1000 avant J.C, les études montrent cette fois un découplage entre les facteurs naturels de sécheresse, et la dégradation des terres. En cette période, le climat semble ne pas avoir été l’unique responsable de la désertification.
Les scientifiques ne peuvent pas avancer avec certitude une implication humaine[6], mais nombreux avancent la thèse d’une combinaison de facteurs favorables[7]. Il est prouvé que le climat connaît des cycles de réchauffement et d’autres de refroidissement. Le découplage pourrait donc être expliqué par la culture et la déforestation par écobuage et brûlis. Les techniques sont similaires, la première consiste en un défrichage permettant de laisser sécher les végétaux, que l’on va ensuite brûler pour fertiliser les terres, la seconde revient directement à bruler la végétation présente pour libérer de l’espace sur des terres humides et fertiles.
Des études récentes prouvent que les espaces cultivés ne retiennent pas autant l’humidité que la végétation naturelle, plus enracinée, qui permet à la terre d’accumuler des sédiments et de garder en fertilité. La terre est alors plus exposée aux aléas climatiques, à la chaleur, à l’érosion conduisant à une rapide dégradation. L’irrigation conduit également à l’accélération de la salinisation.
Ce pourrait donc être la culture entreprise par les Bantous qui aurait conduit à une exposition des sols. L’incapacité de retenir l’humidité, couplée à un cycle de réchauffement climatique, aurait donc pu expliquer cette forte dégradation des terres, et la surface actuelle du désert du Sahara.
Néanmoins la véridicité de cette thèse n’est pas partagée par toute la communauté scientifique. Bien que l’implication humaine dans l’histoire antique ne soit pas certaine, les causes contemporaines sont plus facilement vérifiables.
De nos jours, l’implication humaine est irréfutable.
La désertification est causée par une combinaison de facteurs qui évoluent dans le temps et varient selon le lieu. Ceux-ci comprennent des facteurs indirects, tels que les facteurs socio-économiques et politiques, la pression démographique et le commerce international, ainsi que des facteurs directs, comme les modèles et pratiques d’utilisation des sols et certains processus liés au climat.[8]
La désertification accuse ainsi les exploitants qui utilisent des techniques de culture non durables, par opposition à la jachère par exemple. Ces pratiques, peut-être plus productives à très court terme, conduisent toutefois à une dégradation continuelle des sols et une diminution de la qualité et de la quantité des récoltes du fait de l’appauvrissement constant de la terre.
Les différents facteurs économiques et démographiques contraignent parfois les habitants à exacerber ces situations. En effet, les terres sèches et menacées de désertification comptent une population conséquente, mais confrontée à au dilemme de la survie à court terme. Dans les pays d’Afrique subsaharienne par exemple, qui sont les plus touchés par le phénomène, les habitants pratiquent le surpâturage. La taille des élevages n’est pas modérée, le bétail mange donc toute la végétation présente. Cette dernière n’est pas replantée ni épargnée cycliquement. Les sols se retrouvent donc déprotégés et exposés à l’érosion et à l’appauvrissement comme vu précédemment. On retrouve ce qu’on appelle un cercle vicieux.
La carte suivante illustre les zones menacées de désertification. Une première expose les climats, parmi lesquels, les extrêmement arides sont représentés en gris, à l’exclusion des pôles. À leur périphérie se retrouvent les zones arides, puis semi-arides, ici en rouge, puis subhumides en orange voir jaune. Les zones vertes et bleues quant à elles représentent les zones humides ou froides et sont donc, pour le moment, épargnées par le phénomène.
Il serait pertinent de la fusionner avec une carte économique, puis probablement une carte des forêts. Les facteurs humains sont ignorés sur cette carte. Nous remarquons que les zones grises les plus imposantes, considérées comme sèches, sont en résumé, le Sahara, l’Asie centrale, et les alentours du Tibet, sur le pourtour du désert de Gobi.
L’inclusion du facteur économique montrerait que ces zones sont généralement victimes de sous-développement et frappées par la pauvreté. Les populations se retrouvent contraintes au surpâturage et à l’agriculture continue sous réserve de satisfaire leurs besoins primaires, à savoir manger. Le rythme de désertification en serait alors accru, combiné à un appauvrissement des sols, qui ne ferait qu’empire la situation. D’autres populations choisissent alternativement de migrer vers d’autres zones plus fertiles, plus urbanisées. Ces flux migratoires, dont les populations sont surnommées « réfugiés climatiques » concernent aussi les populations menacées par la montée des eaux, le réchauffement plus généralement, et sont de plus en plus nombreux.
La désertification se résume à la dégradation des terres, conduisant à une disparition de la végétation à sa surface. Les zones les plus menacées par le phénomène sont en grande partie dans une situation économique défavorable, poussant à accélérer le processus. Le caractère alarmant de ce processus a été notifié aux grandes institutions internationales. Il est intéressant de se pencher sur les différents moyens mis en œuvre pour lutte contre ce problème. En Afrique par exemple, qui est considérée comme la zone la plus menacée du fait de la combinaison des facteurs, la lutte contre la désertification montre un désir d’unification des efforts, de sensibilisation et l’émergence de méthodes parfois « low-tech » et efficaces. Tout doit être mis en œuvre pour inverser la tendance et entrer dans un cercle vertueux, qui pourra permettre à ces pays de répondre à leurs besoins physiologiques.
La désertification est donc une question de premier ordre dans notre société contemporaine, évidemment corrélée à la sphère géopolitique.
POUR ALLER PLUS LOIN
Ces différents sites/documents sont très complets et permettront de mieux comprendre la question de la lutte contre la désertification, ses enjeux, son institutionnalisation, etc…
— http://www.unccd.int/en/Pages/default.aspx
— http://www.greenfacts.org/fr/desertification/
— http://www.millenniumassessment.org/documents/document.797.aspx.pdf
— http://www.cairn.info/revue-hommes-et-migrations-2010-2-page-42.htm
— http://www.csf-desertification.org/combattre-la-desertification/item/desertification-degradation-des-terres
— http://hommesmigrations.revues.org/1239
— http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9sertification
[5] Science 9 March 2012 : Vol. 335 no. 6073 pp. 1219-1222DOI:10.1126/science.1215400
La source de l’article n’est pas un journal mais un site web. Il provient du site de Greenpeace, une organisation pacifiste non gouvernementale qui lutte pour la protection de l’environnement. Elle est présente dans une quarantaine de pays à travers le globe. Greenpeace a été fondée en 1971 à Vancouver par Jim Bohlen et Irving Stowe pour s’opposer aux essais nucléaires des USA en Alaska, les considérant comme étant la plus grande menace pour l’environnement qui puisse exister. Elle se bat donc pour la préservation de l’environnement avec pour principe fondamental le principe de non-violence, soit manifester son opinion par les mots et non par les violences.
L’article a été écrit en 2012 par son auteur Rex Weyler. Celui ci est un journaliste, auteur et écologiste américain/canadien. Il a été au service de Greenpeace entre 1973 et 1982 en tant qu’un des directeurs à l’origine de la fondation de Greenpeace et comme photographe reporter. Cet article a été écrit suite à la guerre en Irak, permettant ainsi de faire un constat sur la guerre du pétrole entre les pays pendant cette guerre et les précédentes guerres du XXème siècle.
Les guerres du pétrole
Quand vous entendez les politiciens clamer que la prochaine guerre n’est pas « celle du pétrole », soyez assurés : elle l’est bien.
Bien que les révoltes du Moyen Orient entrainent de véritables conflits entre les nations – Egypte, Lybie, Syrie – les supers puissances – USA, OTAN, Chine, Russie –utilisent ces conflits comme guerre de substitution afin d’avoir accès aux ressources d’énergies rares.
En Avril, durant la première d’une série de réunions, les cinq membres de conseil de sécurité de l’ONU – Chine, Russie, France et les USA, tous les Etats possédant l’arme nucléaire sur leur territoire – ont insisté pour que l’Iran respecte le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de l’ONU (TNP), qu’Israël a refusé de signer. Israël possède fort probablement l’arme nucléaire mais refuse de se positionner.
Ces nations, avec leur allié Israël, ne veulent pas que l’Iran rejoigne le club de l’arme nucléaire. Ils insistent pour que l’Iran respecte le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de l‘ONU. Certains observateurs trouvent cela hypocrite de la part des puissances nucléaires, ce qui rend difficile de faire accepter la situation au peuple iranien et au reste du monde.
Pendant ce temps, les familles des scientifiques iraniens tués ont poursuivi en justice les USA, l’Angleterre et Israël pour une guerre clandestine présumée non déclarée au sein de l’Iran, assassinant des scientifiques du nucléaire, faisant exploser des installations nucléaires et terrorisant la population. D’après le New York Times, les USA et Israël seraient à l’origine du virus Stuxnet qui a mis hors service les usines nucléaires iraniennes.
Pour sa part, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a enflammé le conflit en dénigrant Israël, en niant l’holocauste et en ne reconnaissant pas l’état d’Israël. L’Iran est aussi prétendument lié aux attaques du Hezbollah sur les civils Israéliens comme l’assassinat des touristes Israéliens en Bulgarie en Juillet dernier.
Le directeur général international de Greenpeace, Kumi Naidoo, a écrit une lettre ouverte à Ahmadinejad et au premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, les pressant d’abandonner conjointement la technologie nucléaire et de se joindre au monde du développement d’énergies renouvelables. Greenpeace, fondé en 1971, en tant que groupe pacifiste naviguant dans les zones de tests nucléaires, a toujours reconnu que la guerre est à la fois un problème de droits de l’homme et d’environnement. « La posture autoritaire des principaux accusateurs de l’Iran requiert un examen précis » écrit Naidoo. « Ensemble ils représentent quatre décennies de mauvaise foi. Conformément au NPT, ils ont promis de désarmer…mais n’ont pas tenu leur promesse ! ».
La guerre persistante à l’Irak, l’Afghanistan, la Lybie et la Syrie n’a qu’un seul but – un but partagé par les USA, la Russie la Chine et les nations européennes – contrôler l’appauvrissement des réserves de pétrole.
Les guerres de ressources
Les dirigeants des entreprises de pétrole qui parlent d’énormes réserves de pétrole ont faux sur toute la ligne. Le pic pétrolier est indéniable, et il est maintenant. Pas en 2050. Pas en 2020. Maintenant.
La production de pétrole est restée stable depuis 2005. Ce n’est pas par choix. Les producteurs ne peuvent pas augmenter la production parce que les nouveaux gisements ne peuvent pas compenser la baisse de production des anciens gisements. Chaque gisement produisant du pétrole sur Terre est en baisse à moins qu’il soit complètement en début d’exploitation et les pics de découverte soient loin derrière nous. Le graphique ci-dessous, d’Exon Mobil, montre le pic pétroler actuel et le pic de découverte d’il y a 50 ans.
À cause de l’épuisement des gisements de pétrole, maintenir une production de pétrole mondiale à son niveau actuel dans le futur nécessiterait la mise en place d’une nouvelle Arabie Saoudite (trois milliards de barils par an) en production normale tous les trois ans. Il n’existe pas sur Terre un seul gisement de pétrole permettant d’approcher un tant soit peu ces besoins.
Photo 02/25/2012 : L’actrice Lucy Lawless et les activistes de Greenpeace de Nouvelle-Zélande durant leur deuxième jour de protestation pour empêcher un navire de forage financé par Shell de quitter le port Taranki pour aller en Arctique, où son programme exploratoire de forage pétrolier menace de détruire le côte de l’Alaska.
Durant le dernier siècle, la population humaine a brûlé la plus grosse moitié d’hydrocarbures extractibles, ce qui équivaut à l’énergie solaire émise sur Terre ces 500 derniers millions d’années). Les sociétés passives ont gaspillé cette énergie avec des courses de dragsters, des embouteillages, des jets privés, des maisons qui s’étalent et des immeubles de bureaux surchauffés. Mais pire que n’importe quel gâchis, le grand empire de l’industrie a gaspillé cette unique réserve de carburant de grande qualité en se battant pour ce carburant. Nous n’allons pas « manquer de pétrole » parce que nous n’aurons simplement jamais tout, mais le pic pétrolier est là, les plus grandes et meilleures réserves du monde sont toujours au Moyen Orient, et les régimes militaires du monde – qui tournent autour du pétrole – le savent.
Le sang et le pétrole
En 2010, les forces jointes militaires des USA aux commandes ont prédit la fin du « surplus de capacité de production de pétrole » et ont mis en garde contre « le déficit de production pour presque atteindre dix millions de barils par jour ». L’armée des USA est concernée. À puissance maximale en Irak et en Afghanistan, les USA ont déployé environ 190000 soldats utilisant environ dix millions de gallons de carburant par jour, l’équivalent de la quantité de carburant consommée chaque jour par une ville de vingt millions d’habitants.
Le pétrole a alimenté et dirigé les guerres du siècle dernier. En 1912, à la veille de la première guerre mondiale, Winston Churchill a catégoriquement dit, « vous devez trouver le pétrole…acheter régulièrement et peu cher en temps de paix, et acheter de manière certaine en temps de guerre ».
Le pétrole se trouve être la principale ressource stratégique pendant la seconde guerre mondiale. Pendant la guerre, les USA ont construit le plus long oléoduc du monde – depuis le Texas jusqu’à l’Atlantique – et ont produit aux alentours de 6,3 milliards de barils de pétrole. En comparaison, l’Allemagne a produit un petit 200 millions de barils, soit 3% de la production des USA ; la grande majorité étant du « pétrole synthétique » plus cher et produit à partir de charbon.
Prête à tout pour trouver du pétrole, l’Allemagne est entrée en Afrique du Nord et en Russie en 1941 pour atteindre les gisements de pétrole de Bakou dans les contreforts caspiens. Le ministre de la production de guerre allemand, Albert Speer, a reconnu durant son interrogatoire d’après guerre, que le pétrole « était la principale motivation » de ces invasions. Prévoyant une victoire à Bakou, Hitler a déclaré « Maintenant j’ai du pétrole ! Continuons vers l’Inde ! ». Mais l’armée d’Hitler s’est littéralement retrouvée à court d’essence. Les camions de ravitaillement allemands avaient la moitié de leur consommation normale de gaz au milieu des terrains boueux sans chemins praticables. Rommel a abandonné des tanks ayant leurs réservoirs de gaz vides dans le désert Egyptien à l’ouest d’El Alamein. « Nous avons les hommes les plus braves », a t-il déclaré, « mais ils sont inutiles sans pétrole suffisant ».
Le Japon désespérait de trouver du pétrole pour alimenter les guerres impériales en Asie. Ils ont fabriqué de l’essence à partir de pommes de terre et de racines de pin, envahi les Indes Néerlandaises de l’est (Indonésie) pour s’emparer des gisements de pétrole et ont abandonné des avions et pilotes en mer par manque de carburant pour rentrer chez eux. Le Japon a également été à court d’essence. Une fois que les bateaux américains et anglais eurent coupés l’approvisionnement en essence du Japon depuis l’Indonésie, la guerre du Pacifique fut finie. Les bombes sur Hiroshima et Nagasaki avaient été motivées par le zèle expérimental américain et comme une course aux armes, pas comme un besoin militaire.
Les guerres privatisées
Les nouveaux conflits du Moyen Orient – Irak, Afghanistan, Egypte, Syrie, Lybie, Iran – sont toujours dus au pétrole. L’Amérique possède des gisements de pétrole étrangers et sécurise l’acheminement par oléoduc pour réponde à ses besoins en pétrole et récolter tous les profits. Les alliés de l’OTAN, également désespérés pour récupérer les derniers sous-sols de la Terre, autrefois de grandes réserves d’hydrocarbure, jouent avec les USA.
Avant la première guerre du Golfe de 1990, le président d’Halliburton et son bras droit Dick Cheney ont révélé, « Nous sommes ici parce que…cette partie du monde contrôle l’approvisionnement en pétrole du monde, et quiconque contrôle l’approvisionnement en pétrole…aura la main mise…sur l’économie mondiale ».
Voilà, vous savez. Toute cette effusion de sang accélère la diminution des réserves de pétrole. Pendant ce temps, la guerre est devenue le plus grand business sur terre, valant des milliards de dollars, euros, roubles et yuan chaque année. La majorité de la population pense que le phénomène de guerre est un terrible dysfonctionnement de la société, mais pour les armées modernes profiteuses, la guerre est une opportunité pour s’enrichir.
L’armée américaine a commencé à privatiser les productions militaires en 1985 avec le « programme d’augmentation de la logistique civile » et a en premier utilisé sa propre armée pour construire, maintenir et sécuriser deux oléoducs de pétrole en Asie du sud-ouest.
En 2005, le secrétaire de la défense des USA, Donald Rumsfeld a déclaré, « Il est clairement rentable d’avoir des partenaires pour une variété de choses pour lesquelles les militaires ne peuvent être déployés ». Il apparaît maintenant que ces taches privatisées incluaient la torture, des abus sexuels, des assassinats politiques et des meurtres de citoyens ordinaires. Le journaliste lauréat du prix Pulitzer, Seymour Hersh, a révélé/affiché au grand jour les notes de Rumsfeld qui « encourageaient des violences physiques et humiliations sexuelles sur des prisonniers iraquiens ».
En 2002, Rumsfeld a menti au public et au congrès américain clamant que : « nous savons que le régime iraquien possède des armes chimiques et biologiques ». Ce prétexte justifie l’invasion américaine qui a tué ou blessé presque un million d’habitants, la plupart étant des citoyens iraquiens. L’ancien ministre de la santé iraquien Ali Al-Shemari a déclaré le passage à la morgue de Bagdad d’une centaine de corps par jour.
Les morts des civils comprenaient des meurtres déclarés par des entreprises de « sécurité » privées américaines comme Blackwater.
Les entreprises privées CACI et Totan Corp étaient à l’origine des tortures dans la prison Abu Ghraib en 2003 et 2004. Cependant, à l’inverse des militaires, les compagnies privées ont évité les poursuites judiciaires pour ces crimes.
Quand une entreprise comme Blackwater – et son fondateur Erik Prince se font prendre, ils vendent tout simplement l’entreprise et disparaissent. Les employés de Blackwater ont du faire face aux accusations de la cour fédérale des USA pour meurtres de citoyens iraquiens innocents, pour contrebande d’armes illégales, pour blanchissement d’argent, pour évasion fiscale et crimes de guerre. En 2010, Prince – qui a fièrement comparé ces tueries aux croisades chrétiennes – a vendu ses entreprises, négocié une amende de 42 millions de dollars avec le gouvernement des USA et a déménagé à Abu Dhabi. L’amende de 42 millions de dollars représentait moins d’1% des dépenses du gouvernement, en termes de dépenses publiques, un moindre coût en comparaison des actes commis). D’après le procès pour infraction à la loi RICO (US Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act) contre les actions de Dyncorp en Bosnie, DynCorp et Halliburton – les anciennes entreprises de l’ex vice président des USA Dick Cheney – étaient toutes deux engagées dans des comportements pervers, illégaux et inhumains et achetaient illégalement des femmes, des armes, de faux passeports et participaient à d’autres actes immoraux, » prétendument incluant des abus sur enfants. Les Chicago Tribune a déclaré en 2005 que les groupes de pression représentaient « des milliers d’entreprises, incluant…DynCorp International et la filiale d’Halliburton KBR ; les deux étant liées à des trafics, » ont tenté d’enrayer la législation qui bannirait le trafic humains par des entreprises privées.
Les survivants de guerre payent le prix de la proximité avec la guerre, la destruction, la cruauté et la tragédie. En Mars 2008, un psychiatre de l’armée américaine, le colonel Charles Hoge, a informé le congrès américain que presque un tiers des troupes souffrait de maladies mentales à partir de leur troisième déploiement. Une étude des archives de la médecine interne des USA a montré une similarité avec un tiers de vétérans revenus des guerres d’Iraq et Afghanistan souffrant de troubles psychologiques, d’un stress post-traumatique, de dépression, du mal du pays et des problèmes de couples, incluant des violences domestiques. En 2007, 121 soldats américains se sont suicidés et 2000 autres ont essayé et se sont grièvement mutilés.
Les civils d’Iraq et Afghanistan ont également ressenti ces effets sociaux, de la guerre. En Afghanistan, dix mille villages, leurs champs et abords ont été anéantis, les infrastructures d’eau et d’énergie ont été détruites, et l’eau a été contaminée par des toxines et bactéries. La population s’est retrouvée livrée à elle même face à la maladie, sans abri, affamée et sans ressources.
Les impacts environnementaux de la guerre
Par dessus tout, l’environnement lui même a été victime de la guerre. Les forêts d’Afghanistan ont été directement détruites par les bombes et le feu, et indirectement par des réfugiés ayant besoin de bois pour se chauffer et par les armés qui vendaient du bois de charpente pour acheter des armes à feu et du matériel. Les populations d’oiseaux migrateurs ont baissé de 85%. Les léopards de montagnes ont perdu leurs habitats, sont maintenant en danger, et ont été abattus par des réfugiés qui les échangeaient contre de la nourriture ou une traversée sans danger.
La guerre pollue l’air, le sol et l’eau avec des toxines comme la cyclonite, des fusées à propulsion, et des munitions appauvries en uranium qui ont entrainé des lésions rénales et des cancers. Les enfants des victimes des guerres modernes – civils et soldats- montre/sont victimes d’un accroissement des anomalies congénitales à cause de l’uranium appauvri, des produits chimiques et des agents neurotoxiques. Des champs de mines abandonnés partout dans le Moyen Orient tuent et mutilent hommes, femmes et enfants.
Pendant la guerre du Golfe de 1991, l’armée iraquienne en fuite a déversé un million de tonnes de pétrole brut dans le Golfe Persique, tuant quelques 25000 oiseaux migrateurs et causant du brouillard, des pluies acides et des fumées toxiques. Quand les usines de traitement des eaux ont été détruites, les eaux usées non traitées se sont directement écoulées dans le tigre et dans la rivière Euphrate, augmentant les cas defièvre typhoïde par dix. La mort, la mutilation, l’esclavage, les abus sexuels, la dépression, les sans abris et la destruction à la fois de la société civile et des écosystèmes : ce sont les conséquences de la guerre non assumées par les responsables. La guerre demeure les plus grands désastres écologiques et tragédie humaine sur Terre.
BIBLIOGRAPHIE :
http://www.greenpeace.org/international/en/news/Blogs/makingwaves/oil-wars/blog/40030/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Greenpeace#Valeurs_fondamentales
http://www.greenpeace.org/france/fr/connaitre-greenpeace/
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