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Article original en espagnol ici

Présentation de l’auteur, du journal et du contexte : La Libye, le chaos après la guerre

La Libye, le chaos après la guerre

Source : El Pais Internacional, le 12 octobre 2013

MAITE RICO

Deux ans après la mort de Kadhafi, il est difficile de dire avec certitude qui dirige le pays. Sans police et sans armée, le pays pétrolier tente de s’organiser entre la violence et la menace djihadiste. El Pais s’est intéressé à 4 points névralgiques, là où la population se débat entre peur, fatigue et espoir.

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Un touareg devant le troisième plus grand puits de pétrole de Libye, en février

Tripoli, la capitale agitée

« La Libye n’est pas un état, il n’y a pas de président, ni de gouvernement. La Libye, ce sont des miliciens qui prennent des décisions pour leur compte. Même le premier ministre peut difficilement se protéger lui-même ! » Ces paroles du journaliste Sami Zaptia résonnaient encore jeudi dans la rédaction du journal Libya Herald, lorsque ce même premier ministre, Ali Zeidan, fut enlevé dans sa chambre de l’hôtel de luxe Corinthia à Tripoli, par un commando armé. Quelques heures plus tard, un autre commando l’a libéré. On ne sait si les miliciens voulaient le forcer à démissionner dans le cadre de vendettas politiques à l’intérieur du gouvernement ou s’ils voulaient l’échanger contre Abou Anas Al-Libi, membre d’Al-Qaïda, capturé, il y a une semaine, dans la capitale libyenne, lors d’une opération dirigée par les Etats-Unis. On ne le sait pas et on ne le saura peut-être jamais.

Comme on ne saura jamais qui est derrière les attentats, les assassinats et autres évènements effrayants ou extraordinaires qui secouent cette puissance pétrolière depuis le renversement, en 2011, de Mouammar Kadhafi. Bienvenue dans la nouvelle Libye. Un chaos certes. Mais un chaos organisé. Peut-être que fonctionner sans gouvernement est un autre héritage de l’ex métropole italienne, comme la pizza et le bon café.

L’agitation règne à Tripoli. La capitale a retrouvé le rythme perdu pendant les 8 mois de guerre, entre février et octobre 2011, qui mirent fin à 42 ans de dictature. Des cafés avec des noms comme Versailles, Véranda, Rome ou Morganti apparaissent soudainement. La maison BMW inaugure une concession luxueuse. Pronovias ouvre à Gargaresh, le quartier chic. Dans la rue principale du centre-ville, Omar Mojtar, les anciens magasins de vêtements présentent des mannequins habillés avec des jeans qui laissent entrevoir la moitié des fesses. Le Souk est à nouveau le lieu d’échanges de brillants tissus venant d’Inde, de bijoux en or et de devises du marché noir.

La ville est un embouteillage permanent. Où vont-ils tous à 11h du matin ? C’est un autre des mystères libyens. « Les gens, ici, ne travaillent pas » affirme Ahmed, un pharmacien. Le taux de chômage a atteint 33% mais le travail est effectué par les immigrants : tunisiens et marocains dans le secteur de l’hôtellerie et des services, égyptiens dans le secteur de  l’agriculture et de la pêche, subsahariens et bangladais dans la construction. La moitié des adultes libyens sont fonctionnaires. Le reste dédie son temps au commerce ou aux entreprises familiales. Le fait est qu’il y a de l’argent et que cet argent circule beaucoup. Personne ne fait confiance aux banques, il n’y a pas de carte de crédit et tout se paie en liquide.

 La nouvelle Libye se sont aussi les collégiennes qui gambadent, les croissants avec du miel, les radios de rock et de RAP qui ont fait leur apparition.

C’est aussi cela la nouvelle Libye. Des jeunes filles qui, à midi, sortent en courant de l’école avec leurs uniformes bleus ou noirs, couvertes d’un hijab blanc. Des gays qui se réunissent le soir sous les ponts des autoroutes, à proximité de la place des Martyrs. Des croissants beurrés,  enduits de miel et panés aux fruits secs. Des stations de radio de rock et de RAP qui ont fait leur apparition ces derniers mois. Ou les nouvelles publications qui remplissent les kiosques.

«Il y a un appétit insatiable pour le savoir et l’apprentissage des langues, choses que Kadhafi avait interdites de son temps» commente Sami Zaptia, codirecteur du Libya Herald, honorable journal numérique en langue anglaise, réalisé par 10 jeunes qui apprennent ainsi le métier sur le terrain et qui compte déjà 1 million de visites. « La Libye n’est pas l’Irak, ni l’Afghanistan, ni la Syrie. Il y a de nombreux défis et problèmes car ce fut un processus très traumatisant. La démocratie est une culture et la majorité des Libyens n’ont connu autre chose que Kadhafi. La dictature est horrible mais offre ordre et stabilité. Maintenant, nous sommes désorientés et avons le droit de l’être ».

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Des militaires devant le tribunal qui juge le chef des Services Secrets de Kadhafi

Du dictateur, il ne reste plus que les caricatures qui recouvrent les murs de la ville et les décombres de son gigantesque quartier général à Bab al Azizia, bombardé par l’OTAN. Un héritage de destructions qui prendra beaucoup de temps à être surmonté.

Les autorités contribuent largement à la confusion citée par Zaptia. Le Congrès Général National, élu en juillet l’année dernière, n’en finit pas de former la commission chargée de rédiger la nouvelle constitution. Les blocages entre les Frères Musulmans et les libéraux sont constants. « Et bien, hier, ils se sont entendus pour interdire la pornographie sur internet, qui, comme tout le monde le sait, est le problème numéro 1 de la Libye », ironise Ali, professeur d’anglais. « Nous sommes dans un vide dangereux. En politique, si tu n’avances pas, tu recules ». A l’entrée du Congrès arrivent chaque jour des centaines de personnes qui ne savent pas à qui s’adresser pour résoudre leurs problèmes. Comme Muna, qui interpelle, en larmes, toute personne entrant ou sortant, représentant l’autorité, pour qu’il  l’aide à retrouver son fils, kidnappé il y a 3 jours. « Nous avons fait la révolution car nous voulions un pays moderne. Mais ceux qui sont en place actuellement font la même chose que Kadhafi. Ce sont des voleurs », commente un homme. « Le budget du gouvernement libyen est plus élevé que celui de l’Egypte. Eux, ils sont 85 millions et nous 6 millions. Qu’en font-ils ? » .

 Le Congrès général, élu en juillet 2012, n’a pas encore formé la commission chargée de la rédaction de la nouvelle constitution.

 Le gouvernement provisoire d’Ali Zeidan, un libéral bien intentionné mais qui ne dispose d’aucune marge de manœuvre, est dépassé par l’ampleur des défis. Tout est à refaire. Et quand on dit tout, c’est vraiment tout. Kadhafi a laissé un pays sans institution et rongé par la corruption. Contrairement à tout ce que prétendait la propagande, la Libye a d’importantes lacunes dans les domaines de l’éducation, de la santé, du logement, ainsi que dans les infrastructures et dans les télécommunications… Le problème le plus grave cependant, est que la sécurité est entre les mains de centaines de miliciens, formés par des civils pour combattre les troupes de Kadhafi, et aujourd’hui armés jusqu’aux dents. Le gouvernement déclare vouloir les inclure dans les nouvelles forces de sécurité. Pour cela, il a été créé 2 corps intermédiaires : celui que l’on nomme le « Bouclier libyen » qui regroupe les milices amenés à incorporer l’armée, et celui que l’on nomme « Comité Suprême de Sécurité », dont les membres finissent par intégrer la police. Mais beaucoup de brigades, appelées Katibas, continuent à fonctionner indépendamment. Ils n’ont aucune confiance dans les autorités. De la même façon que les autorités n’arrivent pas à leur faire confiance. C’est la kalachnikov qui, actuellement, détient le pouvoir.

Et de ce qu’est ce pouvoir, on peut en déduire la situation de Saïf al-Islam, fils et héritier de Kadhafi, enlevé à Zintan par une milice qui refuse de le remettre au gouvernement. Ce sont aussi les Katibas qui contrôlent les prisons, où, selon les organisations humanitaires, la torture sévit. « La police ne fonctionne pas. C’est nous qui combattons le crime, les vols de voitures, le trafic de drogue, la vente d’alcool….et qui arrêtons les Kadhafistes », explique Mourad Hamza, qui, à l’âge de 30 ans,  commande la Katiba Suq al Yumaa, l’une des plus puissantes milices de Tripoli. Environ la moitié de ses 500 hommes aurait réintégrée la vie civile. Le reste espère intégrer l’unité de renseignement de la police. « Nous nous entendons bien avec les autres Katibas. Ce sont les islamistes qui ont le plus lutté contre Kadhafi, mais on ne tolèrera jamais qu’ils s’imposent. S’ils veulent se rendre en Syrie pour combattre, qu’Allah les accompagne. » Hamza a fait des études d’économie mais il semble se plaire en uniforme noir avec un pistolet à la ceinture. Il ouvre un énorme coffre-fort pour montrer quelques-uns des objets saisis : drogues de synthèse, documents, armes blanches. Il fouille et fouille à nouveau et crie à son subalterne : « Qui a pris la bouteille de whisky ? »

Ghadamès, l’oasis oubliée

 A 600 kilomètres au sud-est du bruit, de la conduite folle et de l’agressivité de Tripoli, Ghadamès se languit au milieu du silence. Cette oasis berbère, proche des frontières tunisiennes et algérienne, fut un des centres les plus importants de la route des caravanes qui traversaient le Sahara depuis l’époque romaine.

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Une rue dans le labyrinthe que constitue le centre ville de Ghadamès

Aucun touriste ne se promène dans la magnifique vieille ville, un labyrinthe de petites rues, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. La poussière recouvre les étagères  des quelques boutiques d’artisanat du cuir qui sont encore ouvertes. Plusieurs restaurants et deux des trois hôtels ont fermés. La révolution a frappé cette ville dont Kadhafi prenait soin. Pas en vain, puisque le dictateur y a construit, en 1973, une ville nouvelle pour reloger les 10 000 habitants qui vivaient certainement dans des conditions insalubres. Durant la guerre, l’oasis a été assiégée par les forces rebelles et a fini par tomber, après Tripoli.

Mais personne ne parle de politique. « Kadhafi nous a rendu service, mais nous n’aimions pas son idéologie », se limite à commenter Tahir, professeur et guide touristique, inactif depuis deux ans. Ceux qui  travaillent encore sont les subsahariens, pour la reconstruction de la vieille ville, dans laquelle ils vivent presque en reclus. Ils viennent du Mali, du Tchad ou du Niger, et Ghadamès est pour eux une étape dans leur chemin vers l’Europe. Ils passent à pied à travers le désert, à travers des frontières invisibles, contrôlées par des trafiquants d’armes, d’immigrés et de drogue. C’est justement depuis la Libye qu’est arrivé le commando d’Al-Qaïda  qui a fait irruption sur le sol algérien où se trouve l’usine de gaz d’In Amenas, en janvier dernier.

Accoudé à la clôture du vieux cimetière, Mohammed rêve à un futur prospère pour sa natale Ghadamès,  où il revient pour les vacances. Il en est parti pour faire des études d’ingénieur en aéronautique au Canada et, comme la majeure partie des étudiants boursiers, il ne voulut pas rentrer sous le régime de fous de Kadhafi. « Ghadamès présente des conditions exceptionnelles pour la navigation aérienne. Pour cela et de plus grâce à sa position géographique, nous pourrions nous transformer en un centre névralgique pour les communications avec l’Afrique ». C’est une idée presque poétique : récupérer au XXIème siècle, le rôle qu’elle avait dans le commerce africain depuis des temps immémoriaux.

 Benghazi, otage du découragement

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Résultat de l’explosion du Ministère des Affaires Extérieurs à Benghazi

« Bienvenue dans le berceau de la révolution». Une affiche, à l’aéroport de la capitale de la région orientale de la Cyrénaïque, rappelle le rôle qu’a joué la seconde ville de Libye dans la révolution. Mais les Benghazis tempèrent cette annonce d’accueil.  « Rien ne va » dit l’homme d’affaires Fahmi Igwian, tandis que sa vieille Mercedes sillonne des rues et des quartiers débordants d’ordures.

Ce matin-là de début octobre, un colonel de l’aviation a été tué par balle dans une embuscade alors qu’il amenait son fils au collège. Le garçon, âgé de huit ans, est également décédé dans l’accident de voiture. Ils sont déjà plus de 60 officiers à avoir été assassinés ces dernières semaines par balle ou avec des bombes-ventouses. « Beaucoup n’avaient rien avoir avec la répression. L’un des derniers était artificier. », poursuit Fahmi. « Moi, à huit heures du soir, je m’enferme à la maison. Je limite mes sorties et gère beaucoup de choses par téléphone. J’ai peur. »

Et qui a tué ces militaires ? Une autre chose à rajouter à la liste des grands mystères de la Libye. Et qui a posé la bombe dans le bâtiment du tribunal en septembre ? Et celle qui a détruit, ce même mois, les dépendances que le Ministère des Affaires Etrangères avait à Benghazi ? Et qui a tué l’ambassadeur américain, Chris Stevens, en septembre de l’an passé ? Officiellement, il n’y a pas de réponse. En privé et toujours sous le couvert de l’anonymat, des experts, et surtout des chefs de la milice – dont certaines milices salafistes qui se démarquent de la violence – désignent les cellules djihadistes qui se sont établies dans la Montagne Verte, à côté de Derna, à l’est de Benghazi. Des algériens et des tunisiens se sont unis aux extrémistes locaux. « La chose la plus importante que nous ayons à faire est de nous protéger d’eux. Mais l’Etat ne fait rien et cela augmente le sentiment d’abandon que ressent Benghazi. »

 « Ils sont déjà plus de 60 officiers à avoir été assassinés ces dernières semaines. J’ai peur »,  avoue un homme d’affaires Benghazi.

Pour Yalal al Arasi, l’inaction du gouvernement a une autre explication. « Ils ne les appréhendent pas car qu’il y ait de l’instabilité dans notre région les intéresse ». Yalal a combattu dans une milice à Benghazi et maintenant, il soutient le mouvement fédéraliste qui s’est développé dans l’est. L’ancienne rivalité qui a toujours existé avec Tripoli, encouragée par Kadhafi, s’est ranimée après le triomphe de la révolution. « Nous ne voulons pas l’indépendance, mais un système fédéral comme en Allemagne ou aux Etats-Unis. Ils n’ont donné que 60 sièges à notre région dans le nouveau Congrès contre 100 à la Tripolitaine. Tripoli a tout : les ministères, les ambassades, les entreprises. Ils répartissent l’argent comme ils veulent alors que c’est d’ici, de la Cyrénaïque, que part 75% du pétrole brut exporté. »

Ces derniers mois, les fédéralistes ont bloqué l’accès du pétrole aux ports et aux raffineries. Ces secteurs mais également d’autres en provoquant des dommages divers. La production de brut, qui en 2012 avait récupéré le même rythme d’1,6 millions de barils par jour qu’avant la guerre, a chuté de 90%. Maintenant, les autorités disent qu’ils ont augmenté cette production à 700 000 barils par jour. L’impact économique pour un Etat qui ne collecte pas d’impôts et pour lequel le pétrole représente la moitié de son PIB et presque 100% de ses exportations, est énorme.

A part le pétrole, la Libye ne produit rien. Elle importe 80% des aliments qu’elle consomme et 60% de l’essence, qui se vend à des prix subventionnés et qui coûte moins cher que l’eau : 9 centimes d’euros au litre. A cause de cela, les Libyens ne descendent pas de leur voiture. Le FMI a recommandé à la Libye de diversifier son économie, de développer ses capacités de raffinage,  son secteur pétrochimique et son tissu industriel. Mais la bureaucratie, l’absence d’un système bancaire efficace et quelques lois en cours, comme celle qui impose la banque islamique (qui interdit, par exemple, les intérêts) ou celle qui limite les investissements étrangers, sèment la confusion.

« Je prédis une deuxième révolution. Nous en avons assez de ce système sans contrôle », commente un journaliste.

« Je prédis une deuxième révolution. Les gens en ont marre : les jeunes, les pauvres… Nous sommes tous fatigués de ce système sans contrôle ». Zuair al Barassi, un journaliste actif et présentateur de télévision, ne cache pas sa déception et déplore la poussée islamiste. « Hier, ils ont attaqué l’Université de Damah. Dans le sud et dans l’est, ils ont des bases et du pouvoir. Ici nous n’en voulons pas ». Tout cela est vrai. En septembre, après l’assassinat de l’ambassadeur Stevens, les habitants de Benghazi se sont rendus à la cellule appelée Ansar Al Sharia et ont brûlé leur siège. Mais ils sont revenus, profitant de la vacance du pouvoir.

« Pour le moment, nous ne pouvons compter que sur les forces spéciales du Ministère de la Défense ». Zuair fume son énième cigarillo tandis qu’il nous relate la dernière menace de mort qu’il a reçu. « Je suis désolé de le dire, mais je ne supporte plus cette ville. Je veux partir. Je veux que mon fils ait une vie normale ».

 Misrata, la ville-état

Ne grondent désormais plus les missiles Grad avec lesquels les Kadhafistes ont bombardés Misrata pendant quatre mois. Maintenant, les explosions sourdes, qui résonnent toutes les nuits, sont les pétards et les feux d’artifice qui accompagnent les noces. Il y en a eu 400 en un mois. Si à Tripoli et à Benghazi, il y a des flambées d’impatience et de désespoir, à Misrata le bonheur règne. « Enfin nous vivons en paix », s’exclame Yumaa, commerçante, comme tout le monde dans cette population laborieuse et rebelle. Celle qu’on appelait la ville martyre, qui a résisté héroïquement à un siège brutal, qui a perdu un millier de ses jeunes et qui fut partiellement détruite, s’est transformé en une ville-état, vibrante et fière.

Les cicatrices sont visibles. La fantasmagorique Tour des Assurances, tanière des snippers, préside, criblée de balles, Midan al Nasr. Ce fut, un jour, un très beau quartier historique italien, détruit par Kadhafi. A la place, il a construit une grande et horrible place et y a installé une énorme horloge que personne n’a pris soin de mettre à l’heure.

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Un homme devant un édifice détruit de Misrata

De nombreux édifices de la rue Tripoli sont encore calcinés. Mais dans les rez-de-chaussée, se  sont ouverts de rutilants magasins de meuble, d’articles de sport ou d’habillement. Si les Libyens sont des commerçants nés, les habitants de Misrata sont supérieurs à leurs compatriotes pour leur esprit entrepreneur. L’aéroport détruit durant la guerre, dispose désormais de vols internationaux vers la Turquie, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie. Le port est le plus important de la Libye, sans doute parce que c’est le seul qui outrepasse la loi kadhafiste, encore en vigueur,  qui oblige à travailler uniquement 8h.

Des commerces rutilants ont ouverts au rez-de-chaussée de bâtiments encore calcinés de la rue Tripoli.

Misrata est le laboratoire parfait pour étudier les réseaux de commerce sud-sud. Yumaa importe des chaussures de Chine et des textiles de Turquie, qu’il vend ensuite plus cher aux commerçants du reste de l’Afrique. Misrata est également le lieu le plus sûr de Libye. 230 milices se répartissent la tâche de surveiller la ville. Sur la route de Tripoli, une arche, à l’endroit où se trouvait le front de Dawiniya, marque l’entrée de cette espèce de république indépendante, qui dispose de son propre système de douane. Par terre, par mer ou par voie aérienne, ils contrôlent les documents et passeports. Parfois avec un zèle excessif. « C’est un problème pour le commerce, qui a chuté de 60%. Beaucoup de mes clients du Soudan et d’autres endroits de l’Afrique, ne viennent plus par peur des contrôles. Maintenant, ils vont à Dubaï », explique Yumaa. « Mais je trouve que c’est bien. La sécurité passe avant tout ».

« On ne sait pas organiser, c’est tout », commente Mohammed Salabi, obligé de marcher avec une canne à cause d’une balle logée dans son épaule. « A Benghazi, ils ne savent que pleurer, beaucoup de blabla, mais ils ne font rien ». « Le problème », rajoute-t-il, «c’est que Kadhafi était notre agent unificateur. Actuellement, il n’y a pas de Kadhafi et nous sommes à la recherche de quelque chose contre lequel nous pourrions nous opposer. Jeunes et anciens, nous avons différentes aspirations. Il en est de même entre les laïques et les islamistes. Ainsi qu’entre les Libyens revenus d’exil, occidentalisés et mieux formés et ceux qui sont restés… Nous devons chercher notre propre identité. Cela nous prendra du temps ».


Catégorie : Actualités , Presse étrangère

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