Mais où en est le Liban ?

French President Emmanuel Macron and Saad al-Hariri, who announced his resignation as Lebanon's prime minister while on a visit to Saudi Arabia, react on the steps of the Elysee Palace in Paris, France, November 18, 2017. REUTERS/Benoit Tessier

Ce mercredi 22 novembre le Liban fête son indépendance. Pourtant un certain nombre d’observateurs se posent justement la question de l’indépendance internationale de ce pays multiculturel et tri-confessionnel. Désormais le pays possède un premier ministre qui n’a démissionné qu’officieusement. Démissionnaire depuis le 4 novembre, Saad Hariri se rendra tout de même à cette fête nationale. Il ne faut pas aussi oublier qu’aux frontières libanaises la guerre syrienne fait rage et qu’elle lui envoi plus d’un million de réfugiés. Le Liban est donc (de nouveau) dans une situation d’instabilité.

Sans revenir sur sa riche histoire, il faut savoir que le Liban est connu pour sa complexité géopolitique dû à son emplacement et à sa composition ethnique. Pour commercer, d’un point de vue géographique elle se situe à un carrefour stratégique entre la Méditerranée, Israël et la Syrie. C’est un pays très petit d’une superficie de presque 10 500 km² soit l’équivalent du gros quart de notre nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes. Pourtant ce pays de 6 million d’habitants continue d’accueillir des réfugiés de la guerre en Syrie au risque de briser son fragile équilibre. Le dernier recensement du HCR ci-dessous, prouve bien le risque d’implosion, déjà défendu par la classe politique et intellectuelle du pays.

http://maps.unhcr.org/en/resource?id=3425

Ce risque de déstabilisation ne s’explique pas que par la proximité de la guerre syrienne. La situation interne reste fragile par « l’entente » qui règne dans le pays depuis l’accord de Taëf de 1989. Pour simplifier, la diversité de ce pays (18 religions reconnues officiellement) se résume à deux grands groupes : les chrétiens d’un côté avec 40% de la population et les musulmans de l’autre avec une représentation de 59%. Concernant ces derniers et en excluant les Druzes, nous retrouvons une proportion de 27,3 % de sunnites et de 67,4% de chiites. C’est sur cette cohabitation que s’exacerbe aujourd’hui les tensions politiques.

Le Liban d’aujourd’hui existe donc grâce à un partage des pouvoirs clairs : le Premier ministre doit être sunnite et il est responsable devant les députés ainsi que le président de l’Assemblée nationale, qui lui doit être chiite. Pour finir le vice-premier ministre et le porte-parole du gouvernement sont des chrétiens orthodoxes.

Ce fragile accord politique aurait pu tenir s’il n’y avait pas sur le Liban de fortes influences externes. Pour commencer, historiquement c’est un pays proche des anciennes forces tutélaires que sont la France et l’Angleterre. Par la suite, la Syrie de Bachar el-Assad a toujours eu une place de choix dans la politique chiite du pays. Aujourd’hui c’est la résurgence des tensions entre l’Arabie Saoudite (sunnite) et l’Iran (chiite) qui entache la politique interne du Liban. Ce dernier fait plutôt parti de la sphère d’influence iranienne. Celle-ci s’heurte au fil de son expansion vers le Liban, la Syrie, Gaza, le Yémen, voire le Bahreïn, aux intérêts de l’Arabie Saoudite. Ryad et Téhéran sont donc clairement en train de mener une guerre par procuration, le Yémen en est le meilleur exemple.

Or, la démission du premier ministre Saad Hariri le 4 novembre a replongé le pays dans une crise internationale. Cette décision surprise s’explique par la situation personnelle de Saad Hariri. Il possède la nationalité saoudienne, libanaise et française. Mais il est plutôt un défenseur de l’arc arabo-sunnite dans un pays convoité par les chiites, avec en première ligne l’Iran et le Hezbollah. Saad Hariri se considère donc comme en danger de mort. Il ne fait effectivement aucun doute que le Hezbollah est aujourd’hui au centre de la crise politique libanaise. Certains pensent que toute solution libanaise excluant ce parti serait inéluctablement vouée à l’échec, puisqu’il représente les chiites. D’autres considèrent que le Liban serait en paix, si on parvenait à une démilitarisation totale du Hezbollah.

Quoi qu’il en soit c’est par ce jeu diplomatique que Saad Hariri s’est retrouvé en danger et a dû démissionner sous la pression de Ryad. Après un passage de deux semaines en Arabie Saoudite considéré comme douteux – le fait qu’il ne soit pas revenu au Liban pour remettre par écrit sa démission au président, comme le veut la tradition, ont fait l’objet d’intenses spéculations – l’ex premier ministre a pu se réfugier en France où le président Macron l’avait convié. Le but de cette manœuvre était d’apaiser les tensions dans la région qui était encore monté d’un cran ce week-end. Saad Hariri a néanmoins quitté la France pour l’Egypte dans l’optique d’y rencontrer le président Abdel Fattah al-Sissi. L’entretien entre Saad Hariri et Abdel Fattah al-Sissi est d’autant plus important qu’il interviendra deux jours après l’adoption de la Ligue Arabe d’un communiqué qualifiant le Hezbollah d’organisation terroriste.

Diplomatiquement la France joue dans cette affaire une place délicate. D’un côté elle est la protectrice des chrétiens orthodoxe présent au Liban mais de l’autre elle se met au milieu d’un conflit millénaire entre les sunnites et les chiites. La France n’a aucun intérêt à se présenter au Liban comme l’ennemi de l’Iran et le soutien de Riyad. C’est même l’avis des Affaires étrangères iraniennes: «Malheureusement, il semble que la France a un regard partial et partisan sur les crises de la région et cette approche, volontairement ou involontairement, aide même à transformer des crises potentielles en crises réelles».

Les observateurs attendent la fête de l’indépendance Libanaise et restent pour le moment tournés vers l’annonce promis de Saad Hariri sur le futur de sa carrière politique. Par sa décision il redéfinira les rapports de pouvoir entre un Ryad de plus en plus belliqueux et un Hezbollah iranien qui tente de prendre le contrôle du Liban. Le temps nous dira donc si Monsieur Chatah, économiste et diplomate libanais mort lors d’un attentat à Beyrouth en 2013, avait bien résumé son pays en déclarant : « Nous glissons de crises en crises avec des phases de calme entre elles ».

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Auteur : Alexandre LAPARRA

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Fiche Pays – Liban

Les conséquences de la guerre civile syrienne au Liban et en Jordanie

Politique & Religion : Confessionnalisme et stabilité politique au Liban

 

 

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