La Dissuasion

 

 

Introduction :

 

Le mot dissuasion est aujourd’hui associé systématiquement à la dissuasion nucléaire, mais la dissuasion n’est pas née avec l’arme atomique. En effet, depuis l’antiquité cette notion existe, on peut le prouver avec le proverbe latin « Si vis pacem parabellum » (qui veut la paix prépare la guerre).  La dissuasion trouve ses sources dans le mot latin dissuadere qui signifie « déconseiller quelque chose » ; la dissuasion est le fait de dissuader : « De faire renoncer quelqu’un à son intention de faire quelque chose, l’en détourner ». Il s’agit en d’autres termes d’influencer un acteur à ne pas agir, il n’y a donc pas forcement emploi de la force.

La dissuasion « consiste à prévenir un acte en persuadant l’acteur concerné que les coûts d’une telle action excèdent ses bénéfices. » Il existe deux types de couts, les coûts directs : dissuasion par interdiction (par exemple dans le système judiciaire, il est interdit de tuer sous peine d’être emprisonné), ou des coûts indirects : dissuasion par représailles (la dissuasion nucléaire et le mort qui tient le vif).

La dissuasion peut prendre plusieurs formes qui n’ont pas beaucoup changé avec le temps, en voici quelques exemples : dans l’antiquité, les romains avaient compris que de laisser des hommes en garnison dans des villes stratégiques permettait de diminuer le risque d’attaque. La dissuasion n’est pas présente seulement au niveau militaire et des relations internationales mais elle est présente dans nos différentes sociétés : une enfant apprend que lorsqu’il effectue une action interdite il risque d’être puni, c’est donc une forme qui permet dissuader l’enfant de faire cette action.

On va donc se poser la question est-ce que la dissuasion est un moteur de la paix mondiale ?

 

I)                    La dissuasion comme moteur de paix

Dans la culture occidentale la dissuasion permet de conserver la paix mondiale, et plus particulièrement grâce à la dissuasion nucléaire. Les défendeurs de cette théorie prennent l’exemple de la guerre froide, les Etats-Unis et l’URSS ne se sont jamais attaqués directement dans la crainte de représailles et d’attaque nucléaire. On parle alors de « paix par l’atome », qui selon les défendeurs de cette théorie explique la paix qui existe entre tous les pays souverains possédant aujourd’hui l’Arme.

Mais il existe bien d’autres formes de dissuasion, autre que la dissuasion nucléaire pour la paix. Cette forme de dissuasion permet d’éviter d’avoir à se battre, tout simplement en se préparant à se battre (Paix armée). Le service militaire est un parfait exemple de la préparation à la guerre en temps de paix. On peut prendre l’exemple de pays comme la Suisse neutre historiquement mais qui se prépare à la guerre en formant sa population (service militaire toujours obligatoire). Si de préparer la guerre permet d’espérer la paix, on se bat donc pour la paix. Ce système de dissuasion permet de montrer au monde que si on attaque le pays, ici la Suisse, il est prêt à se battre et à se défendre.

La dissuasion n’est pas forcement faite dans un contexte de supériorité numérique ou technologique (arme nucléaire) mais aussi dans la détermination des individus. Comme le recommandait Sun Tzu au général, pour améliorer l’efficacité des soldats il faut utiliser la technique de « retirer l’échelle ». Ce qui implique de rendre matériellement impossible la retraite ; l’ennemi est donc dans une situation de dilemme : d’attaquer quand même, malgré sa supériorité numérique mais de faire face à un ennemi qui n’a plus rien à perdre et qui ne peut fuir (qui n’a que deux choix la victoire ou la mort) ou de renoncer au conflit.

Cet exemple montre que la dissuasion peut prendre de nombreux aspects et que le résultat final reste le même, éviter le conflit et une minimisation des coûts.

 

II)                  Les limites de la dissuasion

 

La dissuasion n’est pas parfaite et possède de nombreuses limites.

La dissuasion, pour qu’elle soit efficiente, repose sur le principe de rationalité des acteurs (un individu cherche à satisfaire au mieux ses besoins, l’individu évalue les coûts et les avantages de ses choix dans le but de maximiser ses bénéfices). Cependant, la rationalité est limitée en termes d’accès à l’information et sur la capacité cognitive des individus. C’est donc la rationalité limitée des individus qui explique pourquoi, certaines fois, les individus ne sont pas raisonnables car d’autres facteurs entrent en jeux : l’honneur, l’égo, le prestige …

Par exemple, Anouar El-Sadate (président Egyptien) et Hafez el-Assad (président Syrien) décident d’attaquer Israël en 1973 pour reconquérir le Sinaï perdu par l’Egypte en 1967. Les deux armées syrienne et égyptienne savaient qu’elles ne faisaient pas le poids contre la puissance de feu d’Israël (forme de dissuasion l’armée Israélienne étant plus nombreuse, les deux armées n’avaient pas intérêt de l’attaquer, risque de représailles) mais décident d’attaquer dans le but de restaurer le prestige et la fierté du monde Arabe.

Le principe de préparer la guerre pour obtenir la paix montre bien des limites ; la véritable paix n’est pas seulement l’absence de conflit mais aussi l’absence de menace des deux parties (la préparation de la guerre pour obtenir la paix peut être vu comme une menace par les autres pays). Il faut que cette paix soit perpétuelle et non pas de courte durée sinon elle s’apparente plus à une trêve entre belligérants plutôt qu’une paix durable. On peut le vérifier avec l’histoire et la prolifération de l’arme nucléaire durant la deuxième partie du 20ème siècle, nous n’avons pas parlé de paix entre le bloc occidental et le bloc soviétique mais bien de guerre froide.

Pour qu’une dissuasion soit efficace, il faut une bonne compréhension de « l’ennemi », ce qui est rarement le cas, au vu d’un manque d’informations et du caractère irrationnel de certains individus. Ainsi les différences culturelles influencent la mauvaise compréhension des enjeux et des intérêts de l’autre partie. Par exemple, l’incompréhension du monde musulman dans la volonté du monde occidental de défendre leurs intérêts au-delà de leurs territoires nationaux, par des opérations militaires couteuses en dollars et en hommes.

Dans l’histoire on peut prendre l’exemple de la première guerre mondiale pour illustrer l’échec de la dissuasion à cause d’une mauvaise compréhension des deux parties. La Russie tsariste (de Nicolas II) décide la mobilisation générale du pays, pour dissuader l’Allemagne de l’attaquer et donc d’éviter la guerre. L’Allemagne prend cette mobilisation générale comme une menace et s’empresse de riposter en déclarant la guerre à la Russie.

La dissuasion n’est donc pas forcement parfaite pour maintenir la paix ; elle suppose la rationalité et une bonne compréhension des acteurs, ce qui n’est généralement pas le cas, surtout durant une crise mondiale, où les acteurs doivent prendre rapidement des décisions et où la dissuasion peut être utilisée.

 

 

Conclusion : la dissuasion aujourd’hui ?

 

Aujourd’hui les conflits entre les états possédant l’arme de dissuasion atomique ont largement diminué. Sauf peut-être dans la région du Cachemire entre l’Inde et le Pakistan, mais on peut dire que les conflits ont été minimes, localisés dans cette région notamment grâce à la peur de l’Arme. En effet, les deux pays ne sont pas rentrés dans un conflit direct qui aurait pu conduire à la destruction d’un des deux pays. L’arme atomique est la nouvelle forme de dissuasion qui permet une paix due au règne de la terreur et non pas à la paix perpétuelle, comme l’énonçait Kant.

On voit bien qu’aujourd’hui, la dissuasion nucléaire n’est plus tellement efficace, certes on peut prendre l’exemple de l’Inde et du Pakistan, mais en général, les mutations des guerres sont géo localisées voire même régionales. Il est donc impensable pour un Etat rationnel d’utiliser l’Arme contre ses propres ressortissants et sur son propre territoire national.

Par exemple, la montée de l’islamiste et plus récemment de l’Etat Islamique prouve la faiblesse de la dissuasion et de manière plus générale « des Etats ou des individus de culture non occidentale, ou qui sont marqués par certaines traditions spirituelles ».  Les Etats occidentaux et leur volonté de dissuasion à outrance ont montré une certaine faiblesse dans leur volonté de protéger leurs intérêts, leurs territoires nationaux et leurs ressortissants tout autour du monde (par crainte de l’affrontement direct) notamment en comparaison avec des cultures qui préfèrent se battre avec le risque de la défaite plutôt que la reddition ou encore le déshonneur de ne pas avoir su préserver le prestige.

Cependant on peut donc dire que la dissuasion dans toute ses formes, au vu de l’histoire, reste un système de défense efficace et un moyen de garantir la paix entre les Etats même si aujourd’hui elle doit être en perpétuel mouvement et adaptée à chaque situation : guerre entre Etat ou guerre interétatique.

 

Sitographie :

MINISTERE DE LA DEFENSE. La dissuasion nucléaire. http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/la-dissuasion-nucleaire (06/12/14)

CLES. La prolifération nucléaire aujourd’hui. http://notes-geopolitiques.com/la-proliferation-nucleaire-aujourdhui/ (06/12/14)

 

La dissuasion, une stratégie de communication http://www.comprendreetappliquersuntzu.com/2008/03/la-dissuasion-une-strat%C3%A9gie-de-communication.html (06/12/14)

 

Senat La dissuasion nucléaire : quel rôle dans la défense française aujourd’hui ? http://www.senat.fr/rap/r06-036/r06-0364.html (06/12/14)

 

Wikipédia & Wiktionnaire : Dissuasion Nucléaire

 

Larousse : Dissuasion et Dissuader

 

La logique de dissuasion est-elle universelle ? (Bruno Tertrais) Rapport commandé par la fondation pour la recherche stratégique (06/12/14)

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