La Libye contemporaine
Par Mete Basegmez et Justin Fombonne, étudiants en Master 1 à l’IAE de Lyon.
La Libye est un pays du Maghreb, situé donc en Afrique du Nord, entre la Tunisie et l’Algérie à l’Ouest et l’Egypte à l’Est.
Le pays est peuplé de plus de 6 millions 100 habitants répartis surtout sur les côtes puisque sur les 1 millions 800 000 de km2, il y a une grande partie de désert à l’intérieur des terres. Les principales villes du pays sont la capitale Tripoli, Benghazi, Misrata et El Beida. Le pays est découpé en 3 grandes régions que sont : la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan. La Libye est la principale réserve de pétrole en Afrique et le secteur pétrolier représente 70% de son PIB.
La Libye a une population très jeune avec un âge médian de 27 ans et surtout 28% de la population qui a entre 0 et 15 ans. La population est à 97% musulmane, et majoritairement sunnite, le courant principal de l’islam, mais il existe diverses minorités.
La Libye devient une colonie italienne en 1911, puis après la seconde guerre mondiale elle passe sous contrôle Français et Britannique. Elle obtient son indépendance en 1951 et devient le Royaume Uni de Libye avec pour roi Idris 1er. La Libye est à ce moment là un pays où le taux d’analphabétisation est très élevé, le taux de mortalité infantile très élevé etc.
Kadhafi prend le contrôle de la Libye par un coup d’Etat en 1969, il gouvernera le pays jusqu’à sa mort en 2011 suite à une révolution.
Depuis, le pays est dans la tourmente, il se trouve dans une instabilité politique et face à la perspective d’une nouvelle guerre civile.
On peut donc légitimement se poser la question de savoir “Où va la Libye ?”
Dans un premier temps nous verrons l’état dans lequel se trouvait la Libye sous Kadhafi, puis nous nous pencherons sur le printemps arabe avant de faire un état des lieux actuel du pays et de voir les perspectives d’évolutions.
Source :
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/libye/presentation-de-la-libye/
http://www.rfi.fr/economie/20140223-production-petrole-forte-baisse-libye/ (chiffres sur le pétrole)
http://www.statistiques-mondiales.com/libye.htm
I. La Libye de Kadhafi, pays aux 2 facettes
1. Une économie et une société assez développées
Après son arrivée au pouvoir, le colonel Kadhafi a pour volonté de développer la Libye. Pour cela, il développe les infrastructures et construit des raffineries afin d’exploiter le pétrole dont regorge le pays.
Par rapport au petit tableau dressé dans l’introduction, on peut voir qu’en 2010, la Libye a l’Indice de Développement Humain (qui se fonde sur trois critères majeurs : l’espérance de vie à la naissance, le niveau d’éducation, et le niveau de vie) le plus élevé d’Afrique avec quasiment 0,8 ce qui est tout de m��me un indicateur intéressant (devant un pays qu’en France on considère souvent comme en fort développement, l’Afrique du Sud).
La politique économique et sociale menée à partir de 1969 a permis une amélioration notable des conditions de vie des Libyens.
Le taux d’alphabétisation est passé de 20% à l’époque à près de 90% en 2010.
L’espérance de vie a également fortement augmentée en passant de 44 ans à plus de 70 ans.
Le statut des femmes a lui aussi fortement évolué avec notamment des lois sur le mariage et le divorce, l’insertion professionnelle.
Kadhafi faisait également de la laïcité un des objectifs pour son pays, il était pour une séparation de la religion et de l’Etat.
Le PNB par habitant en Libye est de 9500 dollar en 2008 soit le double de ce qu’on trouve chez le voisin Egyptien.
Un article d’Helen Shelesktiuk nommé “Quelques vérités sur la Libye” parle d’importants avantages dont bénéficiait la population Libyenne sous Kadhafi en se basant sur les déclarations de Vladimir Chamov, ex ambassadeur Russe en Libye :
- L’eau et l’électricité seraient gratuites pour l’usage domestique;
- Tous les citoyens bénéficieraient d’un accès gratuit aux soins;
- Il n’y aurait pas d’impôt sur le revenu ni de TVA;
- Les étudiants bénéficieraient de bourses pour aller étudier à l’étranger;
- Les familles recevraient une somme importante d’argent à chaque naissance;
- Les citoyens bénéficieraient également de crédit sans intérêts;
- Les nouveaux mariés recevraient une forte somme d’argent pour acheter un appartement;
- etc.
Donc apparemment, si on en croit cet article et ce témoignage, la Libye semblait être un pays où il faisait plutôt bon vivre au niveau économique et social.
D’ailleurs, même si tout n’est pas forcément avéré, certains indicateurs plus facilement vérifiables et que nous avons exposé juste avant semblent confirmer au moins en partie ce constat.
Kadhafi aurait donc fait profiter à son peuple de l’argent issu du pétrole.
Cela n’est pas un jugement de valeur sur la personne ou la politique du colonel Kadhafi, le seul objectif est de montrer que tout n’était pas noir en Libye à l’époque.
Sources :
http://www.enquete-debat.fr/archives/pourquoi-les-libyens-aiment-le-colonel-kadhafi
http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/libye/indice-de-developpement-humain-idh.html
2. Des difficultés et un manque de libertés
Maintenant que nous avons vu les bons côtés du régime de Kadhafi, nous allons aborder les sujets qui ont fait qu’une partie du peuple a décidé de se soulever.
Pour commencer, il y avait un véritable problème de corruption en Libye qui se classait 146ème sur 180 dans un classement international fait à ce sujet.
Ensuite, le taux de chômage était de 30% en 2009, et ce taux de chômage serait constant depuis des décennies, avec les jeunes particulièrement touchés ce qui a entraîné leur mécontentement.
Nous pouvons ajouter à cela le fait qu’en 2010, le gouvernement a commencé une campagne de censure en interdisant la parution de deux journaux privés qui avaient vu le jour quelques années auparavant. Il n’y avait donc pas de liberté de la presse.
Dès le début des rebellions, le pouvoir décide de couper l’accès à certains sites internets dont Youtube et il interdit également aux journalistes de se rendre à Benghazi qui est le bastion de la rébellion pour ne pas transmettre les informations à l’ensemble du pays et éviter que la rébellion ne se propage.
Le peuple Libyen se sent donc oppressé et ressent un besoin de liberté et de démocratie tout comme ses voisins Tunisiens et Égyptiens.
Sources :
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/les-racines-de-la-revolte-en-libye_964731.html
http://www.cetri.be/spip.php?article1470
II. Le printemps arabe
Le « Printemps arabe » fait référence à l’ensemble des contestations populaires qui ont lieu dans de nombreux pays du monde arabe à partir de décembre 2010.
1. Le commencement
Tout commence en décembre 2010 en Tunisie lorsqu’un citoyen s’immole par le feu. La contestation et la révolte grandit au sein du pays et pousse le président Ben Ali à s’exiler en Arabie Saoudite. Malgré son départ, la situation reste chaotique car les milices continuent à semer la terreur ce qui pousse les Tunisiens à l’exode.
La révolution égyptienne provoque une période de transition avec le départ de Moubarak. Au Yémen, la pression grandissante de l’opposition oblige le dictateur à démissionner. Enfin, en Syrie, Bachar El-Assad reste toujours au pouvoir malgré la contestation grandissante de son pouvoir.
Source :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Printemps_arabe
2. Le printemps arabe en Libye
Cet épisode dramatique débute le 15 février 2011 à Benghazi lorsque la police intervient par la force lors d’une manifestation qui protestait contre le pouvoir en place.
Le conflit entre les fidèles au régime et les rebelles, ajouté à l’acharnement de Kadhafi à rester au pouvoir déclenche le début d’une guerre civile. Ce conflit meurtrier va engendrer des milliers de morts et va pousser des centaines de milliers de personnes à l’exil.
Voici une vidéo qui résume l’évolution du conflit :
http://www.dailymotion.com/video/xltfgt_libye-retour-sur-huit-mois-de-conflit_news
Source :
http://www.sudouest.fr/2011/10/20/libye-du-printemps-arabe-a-la-mort-de-kadhafi-532077-3.php
III. La Libye d’aujourd’hui et de demain
1. Crise politique
Le pays n’a toujours pas retrouvé d’équilibre politique alors que le nombre de violences et d’affrontements se multiplie et que l’économie Libyenne est toujours au point mort.
Même après la mort de Kadhafi, le pays n’a toujours pas réussi à créer une constitution et à former un gouvernement légitime.
Un nouveau gouvernement est formé en octobre 2012 sous la direction d’Ali Zaidan qui s’est appuyé sur deux partis : le Parti de la Justice et de la Construction (PJC), proche des frères musulmans et l’Alliance des Forces Nationales (AFN), un parti considéré comme libéral.
Ce nouveau gouvernement malgré sa création, n’a pas réussi, à son tour à instaurer un semblant de stabilité et garantir la sécurité au sein du pays.
Cette instabilité politique est illustrée par un constat flagrant : plus de 200 manifestations ont vu le jour en 2013 contre le gouvernement et le parlement en vigueur. Evènement plus grave, le premier ministre Ali Zaidan se fait kidnapper dans un hôtel à Tripoli le 10 octobre 2013 et est ensuite relâché. Plus récemment, celui-ci s’est fait limogé en mars 2014 par le parlement. Il a dû s’enfuir en Allemagne pour assurer sa sécurité compte tenu de l’enlèvement dont il a été victime.
De plus, le chef des renseignements Libyen se fait assassiné fin décembre 2013. Ces troubles ont malheureusement continué durant l’année 2013 avec de nombreux assassinats politiques.
Très récemment, à la fin du mois de septembre, un nouveau premier ministre et son gouvernement ont prêté serment ce qui peut à priori sembler être une bonne nouvelle, mais ce gouvernement est immédiatement contesté par un « gouvernement parallèle » à Tripoli qui ne reconnaît pas sa légalité. Cela symbolise le cynisme politique omniprésent dans le pays et face auquel personne ne semble avoir de solution.
Sources :
http://www.lematin.ma/journal/2014/printemps-arabe_quel-avenir-pour-la-libye–/196146.html
2.Crise sociale et économique
Pour maintenir son pouvoir sur le pays, Kadhafi a créé un système politique dictatorial avec la domination des chefs de tribus. En effet, le territoire est partagé en trois régions bien distinctes : la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan. La chute de Kadhafi a marqué une redistribution des rôles par un nouvel équilibre des pouvoirs entre les différentes tribus profitant de la faiblesse politique et sécuritaire du pays. Il n’existe donc pas une Libye unie mais une multitude de tribus et minorités aux revendications très différentes.
La viabilité des finances publiques est trop dépendante de ses revenus pétroliers et ce pétrole n’est plus sous le contrôle de l’Etat mais des tribus. Cela a entrainé une baisse de 20% du budget de l’Etat, soit une perte d’environ 50 milliards de dollar. Cette source de revenus met donc les finances de l’Etat dans un état critique. De plus, les investissements sont au point mort.
Le pays s’enfonce dans l’insécurité, le gouvernement semble incapable de contrôler les milices. Il ne se passe pas une semaine sans que des incidents meurtriers se produisent. Ces conflits et incidents poussent les Libyens à fuir de chez eux.
Selon Human Rights Watch, une organisation engagée dans le respect des droits de l’Homme, les milices retiendraient plus de 8 000 personnes dans les prisons, où la torture serait routinière.
La procureure de la Cour pénale internationale a estimé au mois de Novembre que des crimes de guerre étaient probablement commis en Libye mais qu’il était impossible d’enquêter car cela était trop dangereux.
La situation est telle qu’aujourd’hui certains libyens ayant participé à l’épisode du printemps arabe regrettent la situation actuelle et reconnaissent qu’ils vivaient mieux sous Kadhafi. Ils déclarent qu’ils avaient au moins la sécurité. La liberté leur paraît secondaire au sein d’un pays où règne l’insécurité.
Sources :
3. L’avenir Libyen
La situation future du pays semble très difficile et critique. L’issue qui semble la plus plausible est l’implosion du pays, causée par la fragmentation du territoire entre les différentes tribus qui veulent assouvir leur pouvoir et leur domination. Une unité politique et sociale n’est pas vraiment d’actualité. Les affrontements incessants entre les milices vont sans doute séparer l’Est (Cyrénaïque) de l’Ouest (Tripolitaine), la Cyrénaïque étant considérée durant la révolution comme anti-Kadhafi et la Tripolitaine pro-Kadhafi.
Il paraît incontestable que la situation libyenne nécessite une aide extérieure pour rétablir la sécurité au sein du pays. Nous pouvons regretter que les pays qui se sont préalablement engagés dans le conflit pour renverser le régime de Kadhafi aient abandonné le pays à son propre sort dès la chute du dictateur.
Les défis majeurs du pays sont la gestion de l’insécurité, la diversification économique et la création d’un gouvernement démocratique.
La reconstruction du pays passera d’abord par la reprise du contrôle du territoire et par la consolidation de la sécurité. Le pays pourra ensuite s’investir dans la modernisation de ses infrastructures (transport, télécommunication, services) mais aussi dans le capital humain (formation, éducation).
Voici une vidéo de la chaîne d’information « Itele » qui résume la situation chaotique qui règne en Libye.
hhtp://www.dailymotion.com/video/x228af0_la-libye-au-bord-de-la-guerre-civile_news
Source :
http://www.slateafrique.com/88495/les-defis-de-la-libye-cnt-kadhafi
CONCLUSION
On constate donc, d’après nos recherches, que la situation en Libye semblait, dans bien des domaines, meilleure avant le printemps arabe, et qu’au nom de la liberté et de la démocratie, une partie du peuple a entraîné, sans le vouloir, le chaos dans tout le pays, ce qui a profité à des milices armées. Les conséquences sont dramatiques avec la mort de milliers de personnes et une véritable guerre civile entre les différentes milices face auxquelles le gouvernement n’a aucune solution, sans oublier les conséquences économiques. En Egypte, même si la situation n’est pas aussi grave, les manifestations ne s’arrêtent pas. Par exemple, Mohammed Morsi a été élu à l’été 2012 avant d’être renversé à peine 1 plus tard, suite à des contestations populaires. L’instabilité politique, économique et sociale règne toujours dans ces pays. En Tunisie, les récentes élections permettent d’espérer un retour de la stabilité mais il faut attendre avant de tirer des conclusions.
On peut alors se poser cette question : Ces peuples ont-ils eu raison de se soulever, et sont-ils prêts pour la démocratie ?
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