Au début des années 2000, la Bolivie a connu deux mouvements de protestation importants, qui critiquèrent le modèle néolibéral du développement économique mis en place par le gouvernement. Il s’agit là de la « Guerre de l’eau » et de la « Guerre du gaz ». Le peuple bolivien protesta pour obtenir une répartition plus équitable des ressources naturelles du pays, et une participation plus importante du peuple dans les décisions relatives à l’exploitation et à la gestion des ressources. Ces deux guerres furent très différentes mais toutes deux soulevèrent des problèmes politiques et sociaux. La population bolivienne, qui est restée pendant de nombreuses années exploitées, n’accepte plus cette situation. De par l’importance de la problématique de l’enclavement de la Bolivie, nous avons décidé de nous focaliser sur cette « Guerre de l’eau ».
L’accès à la mer, une demande très discutée
La Bolivie perdit son accès à la mer à la suite de la Guerre du Pacifique. Le pays devint un état enclavé lors de la signature du traité de 1904. Cependant, ce dernier se bat encore aujourd’hui contre l’injustice de cet accord et tente de dénoncer le gouvernement chilien qui semble-t-il, ne respecte pas ses engagements. Il semblerait en effet, que le Chili n’applique pas le principe du libre transit entre la Bolivie et le Chili, principe figurant dans le traité. En effet, de nos jours, les exportations boliviennes sont taxées et la circulation de ses marchandises à travers les ports chiliens, est payante. Il est évident que de ces faits, la Bolivie perd énormément en compétitivité. Par ailleurs, des discussions ont été entamées entre la Bolivie et le gouvernement chilien au sujet de la privatisation des ports chiliens. Depuis les années 2000, cette tendance à la privatisation a provoqué une augmentation de 300% des coûts pour les exportations boliviennes, ce qui est incontestablement une difficulté pour l’Etat bolivien. De plus, cette décision chilienne fait que la Bolivie doit désormais négocier avec des entreprises privées, et non plus avec le gouvernement. Le conflit de l’enclavement de la Bolivie est donc désormais un problème à résoudre avec le secteur privé. Ainsi, le Chili ne respecte ni le traité de 1904, ni le droit international, selon l’article 27 de la Convention des Nations Unies en ce qui concerne le droit de la mer. Malgré cela, le Chili ne souhaite en aucun cas revenir sur le traité de la Guerre du Pacifique.
Les conséquences pour la Bolivie et le Chili
A l’heure actuelle, la Bolivie est l’un des rares pays à ne pas avoir un accès à la mer. Ceci est forcément très désavantageux pour son commerce dans la mesure où 95% des exportations boliviennes se dirigent vers le Pacifique. Non seulement cet enclavement l’empêche donc de bénéficier des ressources maritimes, mais aussi il l’empêche de développer son commerce international. Les conséquences du traité de 1904 sont donc bien plus que symboliques ; elles sont économiques. Premièrement, la Bolivie perdit la possibilité de bénéficier des ressources naturelles des fonds marins qu’elle possédait plus d’un siècle auparavant. Deuxièmement, ces terres situées en bord de mer étaient très riches en salpêtre – un nitrate autrefois utilisé pour la fabrication de poudre explosive et d’engrais– et en guano. Or ces deux ressources naturelles représentaient 20% des exportations de la Bolivie à l’époque. Ainsi, perdre ces terres signifia une autre perte de ressources financières pour le pays. Par ailleurs, le Chili a découvert il y a quelques années, que cette surface de terre était également une des plus riches en cuivre au monde. Ceci ne fit qu’augmenter le ressentiment de la Bolivie envers l’Etat chilien qui possède désormais une autre ressource pour s’enrichir et développer son économie. Troisièmement, l’enclavement de la Bolivie limite les investissements étrangers pouvant être perçus, dans la mesure où une côte maritime généralement, favorise leur présence. Pour finir, l’absence d’un port appartenant à la Bolivie réduit également ses profits, dans la mesure où le coût des exportations est naturellement augmenté par les taxes imposées par le gouvernement chilien. En effet, les barrières douanières et les restrictions fiscales que la Bolivie doit payer au Chili sont élevées, et sont sujettes à des augmentations imprévisibles. Les conséquences sont donc importantes pour la Bolivie : l’état perd en compétitivité et ne peut rien faire face à tous ces coûts. Ainsi de manière générale, nous pouvons constater que l’enclavement de la Bolivie bénéficie principalement au Chili qui récolte de l’argent sur les exportations boliviennes passant par ses terres, lui permettant de développer son économie. En revanche, la Bolivie paie le prix fort de cet enclavement et continue de rester un pays pauvre. Nous constatons donc qu’il existe une relation importante et inhérente entre l’accès au littoral (pacifique) et le retard économique d’un pays. Il est également important de souligner que ce problème d’accès à la mer possède une dimension sociale et politique. En effet, sans accès à la mer, la Bolivie ne peut pas développer son industrie navale, ni posséder une bonne flotte navale. Les troupes marines sont en effet obligées de s’entraîner sur le lac Titicaca, situé à des kilomètres de l’océan Pacifique et ne permettant pas une mise en situation réelle en cas d’attaque par la mer. Pour finir, la dimension sociale du conflit réside dans le fait que pour les boliviens, avoir un littoral et un port représente l’identité nationale. Ils refusent d’oublier cette idée et ne cesse de la revendiquer chaque année lors du « Jour de la mer », le 23 mars.
Des négociations entre la Bolivie et le Chili
De nombreuses négociations entre la Bolivie et le Chili ont été entamées afin de trouver un compromis et un accord vis-à-vis de cette injustice, devenue très économique au fil des ans. Cependant, les relations entre ces deux pays sont restées très fragiles et trouver un arrangement semble encore peu probable. En 2006, Michelle Bachelet, la Présidente du Chili, et Evo Morales, le Président de la Bolivie, créèrent un programme de discussion basé sur 13 points. Pour la première fois, le thème du « littoral » fut inclus dans les discussions et un rapprochement entre les deux pays a pu être observé suite à ce programme. En effet, il semblerait que depuis 1962, les relations diplomatiques entre les deux états étaient quelque peu gelées, encore et toujours en réaction au traité de 1904.
Cependant ces négociations ont semble-t-il permis de trouver un accord en 2009 quant à l’utilisation du fleuve Silala. Depuis les années 1990, ce fleuve représentait un grand sujet de discussions dans la mesure où il passe à travers les frontières du Chili et de la Bolivie, et que les deux pays ont toujours exigé sa propriété. En se basant sur le fait que le fleuve est utilisé par les deux pays, il serait donc normal que tous deux puissent continuer de bénéficier de son utilisation. Ainsi les négociations ont abouti à un accord : le Chili et la Bolivie possèdent désormais respectivement 50% des eaux du fleuve et les entreprises privées qui l’exploitent, doivent payer pour leur exploitation. Cet arrangement résolut deux problèmes : celui du conflit concernant le fleuve Silala et l’enclavement de la Bolivie. Grâce au fleuve Silala, la Bolivie possède désormais une route pour accéder à l’océan Pacifique. Malgré de nombreux progrès, notamment en termes de dialogues entre la Bolivie et le Chili, ce programme en 13 points ne suffit pas à régler le problème de l’accès à la mer de la Bolivie. En effet, cette difficulté est bien plus complexe et les enjeux politiques et économiques sont très importants. Ainsi en 2009, le Chili apporta une nouvelle solution pour résoudre cette crise diplomatique de l’enclavement de la Bolivie. Il s’agit d’un projet de construction d’un tunnel de plus de 150 km de long. Il partirait de la Bolivie, et déboucherait sur une île artificielle qui serait créée dans une zone maritime trinationale – entre le Chili, le Pérou et la Bolivie :
L’objectif de ce tunnel serait de permettre à la Bolivie d’obtenir un accès à l’océan Pacifique et de pouvoir exporter ses ressources naturelles. En ce qui concerne le Pérou, il aurait d’autant à y gagner dans la mesure où ce projet lui permettrait d’étendre ses eaux territoriales. Et le Chili pourrait résoudre à jamais – si cela est vraiment possible – ses conflits avec la Bolivie et le Pérou. Ce projet semble bien beau sur le papier mais évidemment il faut bien que quelqu’un paye, et le Chili propose que ce soit la Bolivie. Par ailleurs, la Bolivie considère ce projet comme une plaisanterie, comme si le Chili ne prenait pas au sérieux ses revendications d’accès à la mer et se sent insultée par le gouvernement chilien. De plus, une partie du tunnel devrait passer sous le sol péruvien, ce qui pourrait soulever des tensions politiques avec le Pérou. Le Chili n’a semble-t-il pas évalué toutes les conséquences de ce projet… Pour la Bolivie, la problématique de l’enclavement est restée pendant trop longtemps sans solution. Aujourd’hui le gouvernement a décidé de présenter son problème et sa requête à la communauté internationale. Le Chili souhaiterait lui, conserver ce problème entre la Bolivie et lui-même, mais l’Etat bolivien est déterminé à faire intervenir une troisième partie dans ce conflit. En mars 2012, Evo Morales, président de la Bolivie, annonça que la Bolivie devait « se rendre devant les tribunaux et organismes internationaux pour demander selon les droits et la justice, un accès libre et souverain à l’océan Pacifique ». La communauté internationale est donc désormais mêlée à cette affaire, que le Chili le souhaite ou non.
Ainsi comme nous avons pu le constater, l’enclavement de la Bolivie mais encore ses relations complexes avec le Chili l’empêche d’avancer à son rythme et de se développer que ce soit d’un point de vue commercial, économique et politique. Jour après jours, cet enclavement pèse de plus en plus dans les relations de la Bolivie avec ses pays limitrophes. Cependant, avec la découverte d’une nouvelle ressource naturelle sur le sol bolivien, le lithium, l’avenir de la Bolivie sera peut être à jamais changé et les relations entre le Chili et le reste du monde seront peut-être à jamais chamboulées. En effet, grâce à l’exploitation du lithium, la Bolivie pourra peut-être devenir le prochain « Moyen-Orient » de cet or gris, bouleversant ainsi l’ordre mondial.
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