Plus que jamais auparavant, la place de l’Arctique dans les relations internationales grandi. Toutefois, il serait prétentieux de considérer l’Arctique comme n’importe quel autre enjeu géopolitique. L’appât de ses ressources doit être relativisé par l’ensemble des contraintes qui font de ce milieu un lieu unique.
Les pôles ont toujours été l’objet de curiosités de la part des hommes, par leur éloignement et par les conditions extrêmes qui y règnent. Aujourd’hui, les scientifiques, politiques, économistes et les multinationales du monde entier préparent le terrain pour les affrontements futurs que vont être amenées à subir ces régions du fait du réchauffement de la planète et de l’accessibilité à des ressources convoitées par tous. Toutefois, les spécificités de ce milieu méritent que l’on s’y attarde afin de comprendre comment sa géographie et ses conquêtes ont pu nourrir l’intérêt des grandes puissances. Par ce que les intérêts y sont nombreux et que les enjeux y sont grands et complexes : problématiques juridiques, sur les ressources, environnementales ou concernant les populations autochtones, il faut prendre le temps de les peser un par un pour comprendre quelles seront les évolutions de cette région et qui y prendra part.
GEOGRAPHIE ET HISTOIRE DE L’ARCTIQUE UNE TERRE D’EXPLORATION TOUJOURS MECONNUE
Un territoire extrême en mouvement perpétuel :
L’océan Arctique s’étend sur près de six fois la superficie de la Méditerranée. Il s’agit d’un bassin bordé par cinq pays : le Canada et la Russie principalement mais aussi les États-Unis par l’état d’Alaska, le Danemark via le Groenland qui et la Norvège via l’archipel du Svalbard et l’île Jan Mayen. Le fond sous-marin Arctique contient des bassins profonds (de 3000 à 5000m) et est parcouru en son centre par une dorsale océanique, la dorsale de Lomonossov (de la longitude du fleuve Russe Lena, elle passe par le pôle nord et s’étend jusqu’à l’île Canadienne d’Ellesmere au nord-ouest du Groenland). Le fond de l’océan Arctique contient des plaines abyssales et des plateaux continentaux (peu profonds en Sibérie et en Alaska, plus profond en Europe et au Canada). Les eaux peu salée viennent du Pacifique par le détroit de Béring, de l’Atlantique via la mer de Norvège et tournent autour du pôle dans le sens des aiguilles d’une montre. La banquise mesure entre 3 et 5 mètres de profondeur et il ne faut pas confondre les icebergs, qui sont de grands blocs détachés du Grand Nord Canadien et du Groenland des glaces dérivantes pouvant heurter les navires. Chaque année, 400 Iceberg atteignent la latitude de Terre-Neuve au Québec (48° de latitude).
La délimitation géographique de l’Arctique est floue, entre les espaces de banquise, les espaces maritimes et terrestres. Il existe toutefois deux approches permettant de représenter géographiquement l’arctique : l’approche extensive qui se base à la fois sur des données physiques : ligne de Koppen[1], limite de la salinité des mers, du pergélisol[2] (permafrost) ou de la présence des arbres et des données démographiques : présence de peuples autochtones. L’autre approche dite traditionnelle se base sur les limites de la banquise, en évolution permanente, et de l’océan glacial arctique. Une autre approche utilisant le cercle polaire arctique est utilisée (66° de latitude nord). Les températures au dessus du cercle polaire vont de -5 à -35° en Janvier (-30 à -35° aux pôles, les températures les plus extrêmes étant atteintes dans les terres russes et canadiennes) et il y fait nuit 6 mois de l’année.
L’histoire de la découverte de l’Arctique : le sacrifice des pionniers.
Les pôles sont restés longtemps inaccessibles aux hommes : distances, sols gelés, dangers de la fonte et de la glaciation, difficultés techniques liées aux températures et à l’utilisation de la boussole en se rapprochant du pôle magnétique, manque de protection des vêtements et affaiblissement des organismes associés à des difficultés de récupération, alimentation déficitaire etc…Vont entraver de nombreuses expéditions. Encore aujourd’hui, les déplacements sont difficiles malgré les progrès technologiques et les secours sont difficiles à déployer dans certaines zones. Ainsi, jusqu’au 15ème siècle, on restait dans le domaine de l’exploration périlleuse.
L’objectif des premiers explorateurs était de trouver une ouverture vers les « Grandes Indes » via le passage du Nord-Ouest. Beaucoup de ces expéditions étaient sans retour car le froid pouvait piéger les bateaux contraignant les marins à un hivernage forcé, ce qui altérait grandement leur santé et favorisait l’apparition de maladies (l’apparition des conserves grâce à la stérilisation, inventée par Nicolas Appert [3]ne se fera qu’après 1795). L’intérêt scientifique ne viendra qu’au 19ème siècle, suscité par les progrès techniques réalisés dans la navigation maritime. La conquête des pôles a longtemps mis en exergue les rivalités entre les hommes et entre les états mais l’héroïsme était aussi remarquable. Ainsi, partait pendant des années à la recherche d’expéditions perdues, quelques fois avec de grandes promesses de récompenses mais souvent par simple esprit héroïque. La coopération interétatique n’aura lieu qu’à partir de la fin du 19ème siècle car les latitudes plus clémentes s’ouvrant au commerce[4], l’exploration des pôles n’incitait plus les états à prendre autant de risque et le partage des dangers apparaissait comme la meilleure option. Les russes ne sont pas sans restes dans la conquête du grand nord. En 1725, Pierre le Grand charge le Danois Vitus Béring [5]d’établir le tracé du commencement du continent américain. Béring découvrira ainsi en 1728 le détroit qui porte son nom mais sans apercevoir l’Alaska. L’objectif géoéconomique des russes était aussi de mettre en valeur leurs fleuves principaux de Sibérie (l’Ob, l’Ienisseï et Lena) via l’exploration du grand nord afin de promouvoir le commerce fluvial à l’intérieur du continent.
Sur le plan aéronautique, nombre d’expéditions et de voyages ont été entrepris pour conquérir l’arctique. Le Suédois Salomon-Auguste Andrée lança son dirigeable depuis l’île Norvégienne de Svalbard avant de se poser en catastrophe après 65h de vol. On ne retrouvera en 1930 que leur dernier campement et quelques corps. La difficulté des voyages en avion venait principalement de la glace. En effet, cette dernière pouvait se former sur les enveloppes des ballons ou sur les bords d’attaque des avions et les endommager. Enfin, la construction de pistes de décollage, étant donnée les conditions de température et le poids des chargements, nécessitait de longues distances et pouvait durer plusieurs semaines quand les conditions météorologiques devenaient défavorables.
Ainsi, la conquête de l’Arctique fut lente et difficile, éprouvante pour les hommes, mortelle et sans rétribution réelle autre que la conquête et la survie contre les éléments. De nombreuses avancées ont été faites grâce à ces conquérants, tant sur le plan technologique que biologique, humain et géographique. Au fil du temps, l’exploration et la connaissance se faisant de plus en plus profonde, des rivalités et des revendications ont émergées.
LES ENJEUX DE L’ARCTIQUE
Les enjeux politiques et juridiques :
- La convention de Montego Bay :
La convention de Montego Bay sur le droit de la mer est issue de la conférence de Genève de 1958 et de négociations entre 1973 et 1981 suite aux mouvements de décolonisation. Cette convention succède à l’ensemble du droit coutumier et est fondée sur le principe de la liberté des mers. Elle définit les « espaces maritimes normatifs » des états contenant les eaux intérieures, la mer territoriale et la zone contigüe (de 12 milles marins chacune, soit 24 milles marins en tout) ainsi qu’une zone économique exclusive de 200 milles marins (370 km) qui comprend les deux espaces précédents. Cette convention a des conséquences sur l’exploitation des ressources naturelles (minerais, pèche…) et sur la délimitation des frontières maritimes des pays riverains, ce qui fait naître certains litiges, en particulier la délimitation des plateaux continentaux. Seule l’ONU est compétente pour délimiter leurs étendues, sur la base de critères géologiques (via la Commission des Limites du Plateau Continental, CLPC) et chaque pays dispose de 10 ans pour constituer un dossier de contestation afin de délimiter les frontières de son droit et demander une éventuelle extension de son plateau de 150 milles (350 milles en tout). C’est ce point qui pose précisément problème car si tous les riverains de l’arctique en bénéficiaient, cela laisserait peu de place à la haute mer aux abords du pôle qui serait lui-même inclut dans la ZEE Russe.
Figure 2 – frontières maritimes et revendications
- Les routes maritimes : Canada vs Russie
En comparaison avec la traditionnelle route des trois caps (Cap Horn, Cap de Bonne Espérance et Cap de Tasmanie) très éloignée des grands centres humains et économiques, Les passages du Nord Ouest Canadien et du Nord Russe représentent un gain de distance et de sécurité non négligeable pour le trafic commercial. En effet, ils sont éloignés des zones de piraterie du Golf d’Aden et pour un trajet entre l’Europe et l’Asie, la distance pourrait être raccourcie de 30 à 40% comparée aux passages de Suez, du Panama ou du Cap Horn. Un trajet Rotterdam Yokohama serait raccourci de 7000km, 3300km de Londres à Vladivostok et 6600km de Hambourg à Vancouver par le Canada. Le passage du Nord permettrait quand à lui d’économiser 8700km entre Rotterdam et Yokohama et 6170km de Londres à Vladivostok. Cependant, les contraintes et les conditions nécessaires pour les emprunter sont nombreuses. Le gain de distance risque d’être annulé par la lenteur des bateaux dans ce type d’eau : 14 nœuds (26km/h) contre 21-24 nœuds (39 à 45km/h) dans les eaux tempérées. les bateaux devraient être renforcés, les équipages plus expérimentés et donc plus couteux (Il en va de même pour les assurances souscrites par les armateurs). Les bâtiments devront se méfier des glaces dérivantes et du brouillard, une réparation dans ces zones étant rendue très difficile par les froids extrêmes.
Le Canada, dont 40% du territoire se trouve en Arctique (30% de l’Arctique est canadien) a longtemps été en conflit sur les délimitations juridiques du passage du Nord Ouest. Les Etats-Unis qui y ont longtemps fait passer des bateaux (superpétrolier en 1969 et 1970, brise glace Polar Sea en 1985) et qui ont toujours considéré cette zone comme un lieu sensible (stratégie des 3 océans, acquisition de sous-marins nucléaires d’attaque, réseau d’alerte avancé), militent pour l’obtention du statut juridique de détroit pour le passage du Nord-Ouest. Ce statut permettrait le « droit de passage inoffensif », c’est-à-dire sans accord préalable pour quelque pavillon national que ce soit.
Or, le pays manque aujourd’hui de ressources pour maintenir sa souveraineté dans la région et est géopolitiquement très exposé : Litige juridique sur le passage du Nord Ouest avec les Etats-Unis, contentieux territorial en mer de Beaufort, litige avec les Russes sur la dorsale de Lomonossov (la Russie et le Canada s’y disputent l’appartenance de la dorsale à leur plateau respectif et donc l’extension de leur ZEE). Le pays a ainsi annoncé en 2007 un renforcement de sa présence aérienne et maritime dans la région car ces dernières étaient devenues trop rares (26 patrouilles dans les années 1980 et 4 en 2000). L’acquisition de nouveaux brise-glaces plus puissants est aussi à l’ordre du jour, de même que le lancement d’un satellite de surveillance maritime et environnementale (Radarsat-2).
Les intérêts de la Russie sur le passage du nord sont d’une tout autre nature que ceux des Canadiens. Sa géographie et son histoire l’obligent à avoir une représentation différente de l’Arctique. La façade Russe est très spécifique car elle couvre 140 degrés de longitude (la Russie traverse 11 fuseaux horaires) et représente une grande partie des 43000 kilomètres de côtes du pays, ce qui permet de la considérer comme une agglomération de sous-ensembles régionaux distincts. Ainsi, les Russes ont très tôt établi une réglementation sur les tarifs de transit, renforçant leurs prétentions à faire de la route du Nord des eaux intérieurs. Le pays nourrit de grands espoirs sur l’augmentation du trafic dans les années à venir : 1 million de tonnes par an en 2011, 20 millions vers 2018. Cependant les obstacles y sont très nombreux : sur 5700km, les détroits sont exigus et vite pris par les glaces, la mer côtière est peu profonde et les hauts fonds sont redoutés car proches des glaces dérivantes. Cependant, le pays pourra profiter du dégel estival permettant aux fleuves de commercer entre eux, au profit des ports de mer et des ports fluviaux. La mise en valeur de ce passage nécessitera une grande et puissante flotte de brise-glace que Moscou possède déjà et qu’elle s’emploie à moderniser. Elle est le seul pays au monde à disposer de brises glace à propulsion nucléaire qui sont régulièrement loués par des compagnies étrangères (pour un prix de 5 dollars par tonne, pour un navire de 25000 tonnes en 2012).
Ainsi, l’arctique représente aujourd’hui 20% du PIB Russe et 22% des exportations. Même si ses fonds littoraux sont plus profonds, le passage du Nord-Ouest Canadien restera plus complexe de part sa multiplicité de chenaux alors que le passage du Nord deviendra une route transocéanique entre l’Atlantique et le Pacifique. Les deux pays partagent néanmoins la même vision concernant les eaux intérieures alors que les Etats-Unis, la Norvège et l’Union Européenne soutiennent l’idée d’en faire des détroits internationaux.
Figure 3 – la route du Nord-Ouest
Les enjeux économiques et commerciaux : l’accès aux ressources :
- Les ressources halieutiques :
Actuellement, les réserves halieutiques du bassin Arctique sont inconnues (nombre, habitudes, capacités de reproduction et d’adaptation) et aucune réglementation internationale ne régit les eaux internationales Arctiques contrairement à la plupart des autres régions. 6 espèces de poissons sont convoitées : la morue, le colin, l’aiglefin, le merlan bleu, le hareng et le capelan. La convention sur le droit de la mer de 1982 organise les pêcheries par accords régionaux et un certains nombre existent : coopération régionale en Atlantique Nord-est, gestion des stocks imposée par l’ONU, Accord des Nations Unis sur la pêche en 2001…Mais rien n’est prévu pour réglementer les pêcheries en Arctique central, ce qui laisse craindre l’introduction d’une pêche intensive, notamment de la part des pécheurs d’Asie Pacifique. Pour empêcher cela, certains scientifiques se sont exprimés en faveur d’une interdiction de la pêche dans l’attente d’une meilleure connaissance des réserves de la région et d’une réglementation adéquate. A ce titre, plusieurs pays riverains ont déjà joué un rôle de gendarme comme les Etats-Unis et l’URSS (puis la Russie) en 1980 pour amener la Chine, le Japon et la Pologne à accepter l’interdiction de la pêche à la morue au centre de la mer de Béring. En 2009, les Etats-Unis ont aussi interdit la pêche commerciale en mer de Beaufort. Seule une organisation régionale manque aujourd’hui à l’appel alors que c’est ce que prévoyait la convention de Montego Bay.
- Les ressources énergétiques :
La recherche et l’extraction de matières fossiles en Arctique ont toujours été difficiles à cause du climat, des conditions de vie hostiles pour l’homme et des moyens techniques exceptionnels à déployer. De plus, l’abondance des ressources au Moyen Orient n’a pas rendu nécessaire la recherche aux hautes latitudes. En effet, les réserves prouvées de pétrole sont situées pour la moitié dans les pays arabes et les deux tiers dans l’ensemble des pays musulmans. De plus, l’essentiel des réserves se trouveraient près des côtes, c’est-à-dire à l’intérieur des ZEE des pays riverains. Cependant, une étude de l’United States Geological Survey a montré que 22% des réserves énergétiques non découvertes mais techniquement exploitables se trouveraient en Arctique (officiellement 50%). Ainsi, l’Arctique contiendrait 13% des réserves mondiales de pétrole, soit 90 milliards de barils, 30% des réserves de gaz naturel (47 000 milliards de mètres cubes) et 20% du gaz naturel liquide, principalement en Russie. Cette dernière exploite principalement ses ressources arctiques terrestres mais c’est la part maritime de son pétrole qui est la plus prometteuse. Le gisement de Shtokman découvert en 1988 (frontalier du gisement norvégien de Snohvit) a des réserves prouvées considérables en gaz (3700 milliards de mètres cubes) mais se situe à 540km des côtes, ce qui pose des problèmes liés à l’agitation des mers et aux glaces dérivantes. La Norvège, 6ème exportateur mondial de pétrole et 2ème sur le gaz (elle assure 20 à 30% de la consommation gazière de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni) dispose de réserves dont l’épuisement rapide (40% des stockes sont déjà exploités, en diminution de 5% par an) amène le pays à se pencher sur des permis d’exploration en Alaska et au Groenland. A propos de l’Alaska, cet état des états unis d’Amérique (1 530 000 km2, soit presque 3 fois la France) est responsable de 17% de la production américaine d’hydrocarbures. Ayant connu son apogée dans les années 1980 (début d’extraction en 1961 dans la péninsule de Kenai), la manne est aujourd’hui en déclin, la production étant passée de 744 millions de barils en 1988 à 233 millions de barils en 2011. Enfin, au Canada, 3ème exportateur mondial de gaz et 6ème sur le pétrole, les ressources arctiques sont extrêmement volumineuses. Elles seraient d’environ 1.7 milliards de barils de pétrole et de 880 milliards de mètres cubes de gaz. L’exploration prend un temps considérable compte tenu des contraintes climatiques, à la méconnaissance des territoires et à la prise en compte des droits des autochtones. Plusieurs bassins apparaissent très prometteurs : celui de Sverdrup (entre le 75° et le 80° de latitude) avec près de 500 milliards de mètres cubes de gaz estimés et le bassin du détroit de Lancaster (74° de latitude).
- Les minerais :
Le place des minerais stratégiques est bien méconnu mais de plus en plus importante dans les rapports géopolitiques actuels et futurs de l’arctique. Il s’agit ici de tous les minerais ayant une application directe dans les domaines de l’informatique, de l’électronique, de l’électricité ou encore de la défense. A titre d’exemple, la Russie et l’Afrique du Sud possédaient jusqu’à récemment la quasi-totalité de certains d’entre eux (90%). Aujourd’hui ils sont aussi associés aux terres rares, minerais dont la rareté n’est plus due qu’à son accès géopolitique. C’est la Chine qui en possède et en commercialise le plus (95%), imposant des quotas toujours plus faibles. A ce titre, Tien Xiaoping avait prononcé en 1992 : « Le Moyen-Orient a du pétrole. La Chine a des terres rares ». En Arctique, l’éloignement des sites de minerais pose le problème du coût pour des pays comme le Canada mais parait plus prometteur en Russie car les sites sont littoraux et faciles d’accès : mines de Nickel, cuivre et Palladium à Norilsk par exemple. Leur transport reste cependant difficile à cause des conditions (courte fenêtre de transport pour les bateau, transport sur route soumis à la fonte des glaces qui pose de nombreuses contraintes).
Nous l’avons bien compris, l’Arctique devient de plus en plus un véritable bassin plus qu’un milieu gelé en permanence. Ces modifications font apparaître des intérêts divergents de la part des pays riverains et exacerbent la convoitise autour de ressources qui se font de plus en plus rares. Or, les modifications que connait le milieu Arctique sont accentuées par les activités anthropiques et celles-ci ont des conséquences, tant sur le plan scientifique et environnemental que sur la protection des populations autochtones.
Les enjeux climatiques et sociaux :
- Des changements climatiques profonds :
Depuis la révolution industrielle, les activités humaines ont accentué le phénomène de réchauffement climatique planétaire (30% de gaz carbonique en plus par rapport à l’aire préindustrielle). Au niveau des pôles, il a longtemps été difficile d’évaluer précisément l’impact de ce réchauffement. Il a fallu attendre l’arrivée de moyens modernes (photos satellites, brise glaces, bateaux d’exploration polaire, sous marins nucléaires) pour connaître l’étendu des évolutions aux hautes latitudes. De plus, il faut souligner que la présence de glace a un impact non négligeable sur le réchauffement climatique, dans le sens où cette dernière réfléchit près de 80% du rayonnement solaire alors que l’océan n’en renvoi que 10%. De plus, la présence de poussières et de polluants dans l’atmosphère limitent encore davantage la réflexion des rayons solaires, ce qui accentue le réchauffement. Entre 1979 et 2005, la banquise estivale de mi septembre, dont l’épaisseur ne dépasse jamais les 5 m (entre 3 et 5 m en moyenne) serait passée de 7.5 à 5.9 millions de km2 et le 16 septembre 2012 elle n’était plus que de 3.41 millions de km2. Malgré tout les scénarios qui varient considérablement d’un groupe d’expert à l’autre (le GIEC prévoit une disparition de la banquise estivale pour 2080, d’autres entre 2040 et 2060), on estime que la disparition de la banquise estivale aura bien lieu. Le Groenland est un exemple particulier, de part son ancienneté et ses dimensions. Il perd chaque année 300 milliards de tonnes de glace à cause de l’effondrement des glaciers, et on estime que pour une hausse de 2°C, la fonte de la calotte prendrait 50 000 ans et seulement 2000 ans pour une augmentation de 8°C. De plus, la fonte du pergélisol libère elle aussi des quantités importantes de carbone (1700 milliards de tonnes de carbone sont prisonnières du sol gelé). En 2008, des marins ont observé un panache de méthane remontant à la surface provenant de glaces fondant à 400m de profondeur. La Chine en est particulièrement demandeuse.
Ce phénomène a des conséquences dramatiques sur l’écosystème. La survie de l’ours est menacée par la fonte des glaces qui les oblige à nager plus loin pour trouver de la nourriture, augmentant le risque d’épuisement et de noyade. Les rennes sont eux aussi menacé par l’augmentation du niveau des rivières rendant l’accès aux pâturages plus difficile.
- La place des peuples autochtones
Il existe en arctique une trentaine de populations autochtones qui représentent 12.5% des 4 millions d’individus vivant au dessus du cercle polaire, soit 500 000 individus. On en dénombre 250 000 en Russie, 50 000 en Alaska américain ainsi qu’au Canada (Inuits, Esquimaux, Indiens), 57 000 au Groenland Danois (Esquimaux et Inuits). On peut aussi citer les Sami de l’ancienne Laponie (environ 85 000 individus), 50 à 60 000 en Norvège, 20 000 en Suède et 7000 en Finlande. Malgré la vision œcuménique de l’occident à propos de ces populations, il faut reconnaître que leur rapprochement ne s’est fait que très récemment et qu’elles partagent autant de dissemblances que de ressemblances. En effet, leur éloignement géographique n’a jamais favorisé leur rapprochement culturel et social et il aura fallu attendre les premiers bouleversements internationaux pour qu’elles décident de tisser des liens respectifs. Les états ont montré leurs intérêts envers ces peuples, par la mise en place d’associations : Assemblée des premières nations au Canada (1982), Association Russe des peuples indigènes du Nord, de Sibérie et d’Extrême Orient (1990)…Toutefois, les peuples autochtones, bien que présents au sein du conseil de l’arctique n’y ont pas de droit de vote. Les compagnies étrangères se sont-elles aussi manifestées, notamment les compagnies pétrolières, avec des conséquences plus ou moins bonnes : urbanisation dans des villes « entrepôts », propagation d’alcool, exposition aux dangers des chantiers à ciel ouvert de minerais, de gaz et de pétrole…Ces populations jouissent de droits différents d’un pays à l’autre. Ils apparaissent dans les constitutions Canadienne et Américaine (Alaska Native Claims Settlement Act aux états unis, possession des terres et des mines au Canada). En Russie en revanche, le profil du régime ne permet pas de distinguer de droits politiques spécifiques. Toutefois, certains mouvements de fonds apparaissent, comme l’indépendance du Groenland qui est appelé à devenir un état de droits (droit à l’autodétermination des peuples autochtones promulgué par les Nations Unis). Ces mouvements annoncent peut être le signe d’une plus grande implication des autochtones dans l’avenir de leur région.
En Conclusion, nous pouvons dire que l’Arctique est une région dont les bouleversements sont essentiellement dus aux modifications récentes, à la fois environnementales (réchauffement global) et économiques (mondialisation, économies émergentes). Il s’agit de plus en plus d’un bassin dont les ressources vont être convoitées mais qui restera toujours hostile à l’homme. En effet, même si les températures augmentent, le bassin arctique sera toujours aussi glacial et il y fera nuit 6 mois de l’année. De plus, le « club » des pays riverains de l’Arctique, bien que montrant des signes de divergences politiques et commerciales sur certains points, continuera de s’entendre sur la défense de leurs intérêts communs dans la zone. Nous ne pouvons donc que spéculer sur un avenir incertain. Ce qui est cependant devenu une certitude, c’est que l’Arctique est et demeurera toujours un lieu de fascination et que sa place dans les mouvements géopolitiques futurs ne fera que grandir.
BIBLIOGRAPHIE :
Thierry, Garcin. Géopolitique de l’Arctique. Economica, 2013. 186p. ISBN 978-2-7178-6575-2
SITOGRAPHIE (à partir de celle utilisée par l’auteur de l’ouvrage ci-dessus) :
Arctic Council:
http://www.arctic-council.org/index.php/en/
Arctic Net:
http://www.arcticnet.ulaval.ca/index-fr.php
Inuit Circumpolar Council:
http://inuitcircumpolar.com/section.php?Nav=Section&ID=16&Lang=En
Observatoire de la politique et de la sécurité de l’arctique:
[1] La ligne de Koppen délimite l’isotherme 10°C atteint durant le mois le moins froid. Au-delà de cette ligne, les arbres ne poussent plus, c’est le début de la Toundra ou steppe arctique.
[2] Sol gelé durant au moins 2 ans. On distingue le pergélisol permanent du pergélisol saisonnier.
[3] Le procédé de stérilisation, appelé Appertisation, fut inventé par Nicolas Appert en 1795, l’ouvre boite manuel date de 1858, l’ouvre boîte « à décollage » par clé de 1894, et l’ouverture verticale facile de 1966. Ce dernier mourra démuni et sera jeté au fond d’une fosse commune.
[4] Le canal de Suez sera percé en 1869, désenclavant la méditerranée et celui de Panama en 1914.
[5] Vitus Béring (1681-1741), explorateur Danois.
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