Pakistan : Une démocratie incomplète

Les Généraux Ashfaq Parvez Kayani et Raheel Sharif.

Le présent article a été publié le 22 octobre 2013 dans la rubrique « International Opinion » du site web du New York Times. Le New York Times est un quotidien américain prestigieux créé en 1851 et distribué internationalement. Son orientation politique est assimilable à celle du parti Démocrate américain. Michael Kugelman, l’auteur de l’article, est chercheur au Centre international Woodrow Wilson basé à Washington DC et associé du programme concernant l’Asie. Il a notamment écrit de nombreux livres sur la situation géopolitique du Pakistan.

Traduction :

 WASHINGTON – L’armée Pakistanaise continue de propager sa longue et persistante ombre sur le pays. Donc quand le Président Obama rencontre le premier ministre Pakistanais, Nawaz Sharif, ce Mercredi, il doit utiliser cette occasion pour renforcer le rôle relatif du gouvernement face à l’état-major.

Le Pakistan, dirigé par l’armée depuis la moitié de sa vie de 66 ans a certes pris des mesures pour s’avancer vers une démocratie, mais la procédure est loin d’être finie.

En mars, pour la première fois, un gouvernement élu démocratiquement a achevé un mandat complet. Il a transféré son pouvoir à l’administration actuelle, dirigé par M. Sharif, dont le parti (la Ligue Musulmane du Pakistan) a gagné les élections en Mai.

De nouveaux amendements constitutionnels ont réduit le pouvoir de la présidence et transférés l’autorité et les ressources du gouvernement fédéral (base de pouvoir traditionnel de l’armée) aux autorités provinciales.

Plus tôt ce mois, le chef de longue date de l’armée, Ashfaq Parvez Kayani, annonçait qu’il se retirerait en Novembre et qu’il n’étendrait pas son mandat comme il le fut en 2010.

M. Sharif n’a pas peur de mettre à mal la formidable armée du pays – une intrépidité qui a conduit à sa dépossession au rang de favori à la fonction de premier ministre. Il a envoyé un signal fort plus tôt durant son terme actuelle en refusant de nommer les ministres des Affaires Etrangères et de la Défense, souhaitant garder les portfolios des zones contrôlées depuis longtemps par l’armée, pour lui seul.

Il a aussi affirmé son intention de porter plainte contre Pervez Musharraf, ancien chef et président de l’armée qui renversa M. Sharif par un coup d’état en 1999, pour trahison.

Mais la récente histoire du Pakistan met en garde contre la pensée vertigineuse de la démocratie. Avant que M. Sharif soit renversé en 1999, de nombreux observateurs pensaient que la démocratisation était sur la bonne voie ; ils avaient tort.

Aujourd’hui, l’armée n’est pas forcément tenter par un nouveau coup d’état, mais continue d’exercer une immense influence, et ce, souvent dans l’impunité la plus totale. Ses pouvoirs sont renforcés par la constitution Pakistanaise qui empêchent les tribunaux de grandes instances se remettre en question ses actions. Les nombreuses participations économiques de l’armée, allant du céréale au ciment sont rarement sujettes à scrutin.

Pendant des années, les citoyens ont reportés la mise en place d’une politique sécuritaire en raison de problèmes de la même nature – et cela n’a pas changé durant les premiers mois de mandat de M. Sharif. Malgré une série d’attaques terroristes mortelles, son gouvernement n’a offert aucune stratégie claire en termes de sécurité ou de contre-terrorisme. Cependant, il autorisé une augmentation de 15% du budget de la Défense, l’année prochaine.

Cet été, une évasion massive libéra une centaine de prisonniers et la capitale due se barricader en anticipation d’éventuelles attaques. L’armée fut déployé et pris les devants pour pourchasser les terroristes – même si elle sauvait des citoyens bloqués par les eaux.

Les Etats-Unis perçoivent largement le Pakistan à travers ses 12 ans d’intervention militaire en Afghanistan, donc ses relations avec le Pakistan sont dominés par des considérations sécuritaires : sanctuaires pour les soldats dans les zones tribales, près de la frontière afghane ; la sécurité des routes d’approvisionnement de l’OTAN au Pakistan ; et l’influence du Pakistan sur les Talibans d’Afghanistan. Quand le Secrétaire d’Etat John Kerry visita en Août, il rencontra le chef des armées, Général Kayani – ce qui serait rare dans des visites diplomatiques de haut rang dans d’autres démocraties.

Le gouvernement Américain peut aider à réduire la dominance de l’armée Pakistanaise en renforçant les institutions civiles clés, en particulier le Parlement et la police. Il doit renouveler son programme d’assistance civile principale au Pakistan, qui était financé seulement jusqu’en 2014.

Chaque année, avant qu’il puisse fournir de l’aide en matière de sécurité, le gouvernement des Etats-Unis est requis par la loi de certifier que les forces armées pakistanaises rencontrent certains critères contre-terroristes. L’année dernière, cependant, l’administration Obama a discrètement déroger à cette règle – en citant les besoins la sécurité nationale – qui permis à la procédure de certification d’être contournée. De tels laissez-passers sont une mauvaise idée.

Un plus fort gouvernement civil au Pakistan ne signifie pas nécessairement une plus forte démocratie. Le gouvernement de M. Sharif, par exemple a appelé au dialogue avec les fondamentalement anti-démocratiques Talibans Pakistanais. Il ne fait aussi pas grand-chose par rapport au sort horrible des minorités religieuses du Pakistan. En fait le parti politique de M. Sharif a été associé à des organisations armées telles que le groupe sunnite extrémiste Lashkar-e-Jhangvi.

Mais l’alternative – un gouvernement civil plus faible et risquant un autre coup d’état militaire – serait bien pire, non seulement pour les Pakistanais, mais pour la paix de la région. Le gouvernement de M. Sharif apparait être plus pro-Inde que l’armée Pakistanaise. Une réconciliation avec l’Inde pourrait aussi stopper la politique Pakistanaise du support des groupes armés anti-Indiens comme les talibans Afghans et Lashkar-e-Taiba.

Des officiels Pakistanais dissent parfois que leur pays est “trop gros pour échouer”. L’implication est que sa puissante et bien huilée armée a besoin d’un afflux constant de bras et de capitaux étrangers – et d’un colossal rôle en politique. Mais dans une vraie démocratie, aucune institution, peu importe à quel point elle est essentiel, ne devrait jouir d’un tel pouvoir sans contrôle.

Source : http://www.nytimes.com/2013/10/23/opinion/international/an-incomplete-democracy.html?ref=international&_r=0

En conclusion, Michael Kugelman nous décrit, selon son point de vue d’expert, la nature de la situation politique entre le gouvernement et l’état-major au Pakistan, un pays que l’on tend à oublier sur la scène internationale, mais qui est au cœur d’enjeux clés, et encourage le Etats-Unis à agir pour renforcer la démocratie dans le pays.

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