LA MONGOLIE
INTRODUCTION
Connue pour ses vastes étendues de steppe et sa culture atypique, la Mongolie inspire un désir d’évasion et de sérénité. Même si le peuple mongol et l’environnement naturel font la réputation du pays, l’histoire et la géopolitique de la Mongolie restent largement méconnus.
Située au Nord de l’Asie, la Mongolie est un pays bordé par la Russie au nord et par la Chine au sud, dont la capitale et plus grande ville est Oulan-Bator. De par un climat continental plutôt rude et une altitude élevée, ce pays grand comme trois fois la France – 1564120 km² – a la densité de population la plus faible au monde – 2 habitants par km². Cette république démocratique, actuellement présidée par Tsakhiagiyn Elbegdorj, a proclamé son indépendance en 1911 et s’est dotée d’une constitution en 1992. Toutefois, l’histoire du peuple mongol remonte au XIIIème siècle, avec la création du premier Etat mongol en 1206, qui s’est par la suite étendu sur l’ensemble du continent eurasiatique pour développer l’empire Mongol. Peuple unifié, les Mongols sont originairement un peuple nomade, dont l’ethnie majoritaire sont les Khalkas. La pauvreté sévit (un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté), tandis que les richesses créées ne cessent d’augmenter depuis les années 2000, pour atteindre actuellement un Produit Intérieur Brut de près de 12 milliards de dollars.
S’intéresser à la Mongolie revient à s’interroger sur l’étendue de ses frontières. Notre analyse se base sur la Mongolie en tant que pays et Etat souverain, tel qu’il est reconnu par l’ONU, à savoir en excluant la Mongolie intérieure, l’une des cinq régions autonomes de la République Populaire de Chine. Notre étude s’appuie sur des questions d’actualité, même si la compréhension de l’histoire, notamment depuis le début du XXème siècle, est fondamentale pour en saisir les enjeux.
L’intérêt d’étudier la Mongolie repose sur une réflexion autour de la notion d’enclavement, et de la viabilité du développement d’un pays cerné et sans accès à la mer. L’intérêt de ce sujet d’étude réside également en la compréhension de la géopolitique actuelle au regard de l’exploitation des ressources naturelles.
Nos recherches nous ont amené à nous poser la question suivante : En quoi la Mongolie développe-t-elle des atouts stratégiques, malgré une position géographique délicate ? Cette problématique soulève essentiellement la notion de l’enclavement. En regardant une carte géographique, il apparaît clairement que la Mongolie est encerclée par deux grandes puissances mondiales. Il est alors intéressant d’analyser les relations qu’elle entretient avec ces deux pays qui conditionnent son développement. Malgré tout, la Mongolie a acquis son indépendance, mais s’agit-il là d’une indépendance véritable, ou d’un simple titre administratif ? Présente-t-elle une culture à part entière? Finalement cela soulève des interrogations sur la géostratégie de la Mongolie et son évolution récente.
Afin de répondre à cette problématique générale, nous étudierons d’abord les fondements de l’Etat mongol, qui en ont un fait un pays unifié, avec une culture spécifique, permettant un détachement face à ses deux voisins. Cependant, nous verrons ensuite en quoi son enclavement génère tout de même de fortes contraintes, d’autant plus que les deux pays limitrophes sont des grandes puissances à la recherche d’influence mondiale. Pour finir, nous présenterons les ressources naturelles dont elle dispose, modifiant la géopolitique du pays et des autres Etats, et la confrontant à de nouveaux enjeux stratégiques.
I) Un peuple unifié, le socle de l’Etat mongol
Avant d’être un Etat, la Mongolie est avant tout un peuple qui a construit son mode de vie d’après la géographie que son environnement lui imposait. Il est unifié grâce à une histoire forte qui l’a mené jusqu’à l’indépendance, et ses particularités culturelles et religieuses renforcent ce sentiment nationaliste.
A) La géographie à l’origine d’un peuple nomade
Les Mongols sont un peuple attaché à leur culture, et les caractéristiques de leur mode de vie s’expliquent principalement par la géographie du pays. Comptant moins de trois millions d’habitants, le pays est le moins densément peuplé au monde, et un tiers de la population vit dans la capitale Oulan-Bator.
Tout d’abord, la Mongolie est un pays caractérisé par une altitude élevée, de 1580 mètres en moyenne, les deux masses montagneuses étant l’Altaï et le Khangaï. Trois grands ensembles de paysages se distinguent, dominés par la steppe qui s’exprime sous diverses formes : forestière au nord, herbeuse au centre et à l’est, et semi-désertique au sud. Enfin, au sud s’étend le désert de Gobi, vaste désert de cailloux et de sable.
Le climat uniquement continental induit une grande amplitude thermique dans l’année et même dans la journée. De manière générale, le temps est très sec et les vents violents, et les précipitations n’interviennent qu’en été. Même si le pays est éloigné des voies maritimes, il bénéficie de grands lacs salés et d’eau douce.
Ainsi, la rudesse du climat et l’altitude, rendant difficile l’exploitation de terres agricoles, expliquent le nomadisme des mongols. Représentant encore un tiers de la population aujourd’hui, cette culture se base sur le pastoralisme. Ces éleveurs non sédentaires sont ainsi avant tout soudés par le partage de traits identitaires issus du nomadisme et de la géographie.
Finalement, les mongols sont d’abord un peuple partageant un mode de vie et une même culture, mais aussi issu d’une histoire commune.
B) Une acquisition progressive de l’indépendance
En 1206, Tchingis Qaghan a réussi à unifier les tribus nomades rivales et à fonder le premier Etat Mongol. Au milieu du XIIIème siècle, l’empire Mongol couvre alors l’ensemble du continent eurasiatique. La conversion en masse des Mongols au bouddhisme tibétain a ensuite affaibli le pays. Cet affaiblissement a conduit au ballotage de la Mongolie entre la Chine et la Russie jusqu’au début du XXème siècle.
En 1911 lors de la chute de la dynastie des Mandchous, la République chinoise a tenté d’occuper toutes les anciennes dépendances de cet empire, dont la Mongolie. Les Mongols ont alors cherché un appui auprès de la Russie Tsariste qui en a fait un protectorat Russe en 1912. La Mongolie du Nord a bénéficié d’un soutien financier et militaire permettant la reconnaissance de sa souveraineté, pendant que la Russie profitait de frontières moins longues avec la Chine. En 1919, la Chine a profité de la révolution bolchévique pour remettre la main sur la Mongolie mais les Mongols souhaitent rester indépendants. A partir de 1921, ils se libèrent de cette emprise, avec l’aide de l’armée rouge et passe sous l’influence soviétique, à tel point que le pays a failli être intégré à l’URSS. En 1924, la Mongolie devient une république populaire jusqu’à la chute de l’URSS en 1991.
La Mongolie du Nord n’a pas basculé vers la Chine. En effet, pendant que cette Mongolie du Nord a réussi à sauvegarder une certaine indépendance, cela n’avait pas été possible pour les Mongols du Sud qui ont été totalement annexés à la Chine en devenant une région autonome de la République Populaire de Chine. Il y a donc une certaine crainte car la Mongolie du Nord veut conserver son indépendance.
Après des siècles d’influence chinoise et soviétique, les Mongols souhaitaient recouvrer leur indépendance. Dès lors, le parti communiste mongol a assuré la transition en devenant un parti social-démocrate. Depuis, le régime politique Mongol fait figure de démocratie.
C) Une culture homogène
Le peuple mongol se caractérise par son unité permise par une culture plutôt homogène, malgré les diverses ethnies coexistantes. En effet, en-dehors de l’ethnie majoritaire des Khalkhas, représentant 80% de la population, existent également les Bouriates, les Darigangas et les Kazakhs. Néanmoins, toutes pratiquent la langue officielle, le mongol, et l’alphabet cyrillique.
La cohésion se réalise aussi par la religion, un mélange de bouddhisme tibétain et de chamanisme. En fait, le chamanisme est historiquement ancré dans la culture mongole. Il ne s’agit pas d’une religion mais d’un système de croyances, sans liturgie ni textes, basé sur le lien entre le ciel et l’esprit. Le chamane, exerçant ses prérogatives au sein de petites communautés, gère les relations avec le monde surnaturel lorsque son âme monte dans le monde des dieux, pour rapporter des réponses bénéfiques et protectrices à la communauté. Plus tard s’est développé le bouddhisme tibétain, permettant une légitimité religieuse et une assise populaire autour du pouvoir central. Aujourd’hui religion la plus répandue, le bouddhisme tibétain s’est en fait superposé au chamanisme, s’y est même parfois confondu, cette transition en douceur permettant une confiance de la population. Néanmoins, sous la période communiste, avec la mort du dernier « bouddha vivant », le Bogdo Gegen, le lamaïsme est réprimé. En 1994, la Mongolie adopte la loi sur la liberté de croyances, permettant le culte aux autres religions telle que musulmane chez les Kazakhs.
Finalement, la religion participe pleinement à la culture mongole, elle-même symbolique du mode de vie des habitants. Des symboles de cette culture sont répandus dans le pays. C’est ainsi que se pratique le culte des ovoos, des amas de pierres symbolisant le lien entre terre et ciel, près de chaque source sacrée (montagne, lieu historique). Ils sont destinés à la protection des hommes et des troupeaux, et témoignent de la croyance en les esprits et les âmes des morts. La protection de la nature y est donc primordiale puisque les éléments naturels sont des supports de la religion, pour accéder aux esprits. Un autre symbole est la traditionnelle yourte mongole, lieu de vie des familles nomades.
Afin de développer de nouveaux atouts stratégiques, la Mongolie peut s’appuyer sur ce qui a fait son histoire et sur ce qui fait aujourd’hui sa force : son indépendance, sa souveraineté et son désir de former une nation unie. Cependant, le développement de nouvelles forces tactiques passe par une ouverture à l’international, ce qui, à première vue, n’est pas une chose aisée compte tenu de sa situation géographique.
II) L’enclavement, source de fortes contraintes
La Mongolie est un territoire enclavé, situé « entre le marteau et l’enclume » et exposé à des menaces de la part des deux pays limitrophes. Le cas de la Mongolie intérieure est particulièrement illustratif de cette situation, c’est pourquoi la Mongolie recherche d’autre partenaires, or les solutions d’échappatoire restent limitées.
A) Un Etat « entre le marteau et l’enclume »
La situation géopolitique de la Mongolie pourrait se résumer en un terme : l’enclavement. L’enclavement désigne le processus par lequel un territoire est fait enclave, à savoir se situe à l’intérieur d’un autre territoire et est isolé par rapport à ce qui l’entoure. Il s’agira ici d’une définition apolitique de l’enclave, autrement dit qui n’est pas associée à une stratégie de containment, comme ce put être le cas durant la Guerre Froide.
La Mongolie est assurément encerclée, bordée par la Chine et la Russie, et doit faire face par là-même aux difficultés de tout pays enclavé. D’abord, une enclave n’a pas d’accès à la mer, qui représente pourtant 90% du commerce mondial ; elle est donc pénalisée dans son commerce extérieur. Le développement économique est aussi freiné par la restriction des partenaires commerciaux régionaux. Le pays encerclant est souvent à la fois fournisseur, client, et distributeur de biens et services dans le pays. En cas de conflit, l’embargo est dévastateur pour la population, et chercher des débouchés économiques autres que les pays limitrophes est difficile et entraîne des coûts plus élevés ne serait-ce que pour le transport. De plus, les enjeux diplomatique et politique sont particulièrement importants dans une enclave. Le risque d’invasion militaire est élevé et le pays enclavé doit surveiller en permanence ses frontières. La stabilité des relations internationales avec les autres pays est primordiale, le conflit pouvant être destructeur en cas de déséquilibre entre les deux Etats. Enfin, une annexion ou une emprise peut conduire à la répression des droits et de la culture de la population, facteur de crise identitaire.
La Mongolie, par sa géographie naturelle et son histoire, montre des relations vacillantes avec ses deux voisins. Par sa faible densité, le pays a intérêt à entretenir de fait de bonnes relations avec eux. Sous domination politique au XXème siècle, aujourd’hui la supériorité s’exprime plutôt sous forme économique, en faveur essentiellement de la Chine. Cette dernière représente le 1er client, 1er investisseur et 1er partenaire commercial de la Mongolie, autrement dit elle conditionne la survie de l’Etat mongol. Quant à la Russie, elle constitue son 1er fournisseur.
Des facteurs aggravants s’ajoutent à cette situation d’encerclement. D’abord, le réseau de transport, peu développé, freine les échanges internes et à l’étranger. Mais surtout, les deux pays cernant la Mongolie sont deux grandes puissances mondiales. D’un côté, la Russie, plus grand pays au monde, fondant son développement sur l’exploitation de ses ressources naturelles. De l’autre, la Chine, pays le plus peuplé au monde et 3ème en terme de superficie (créant une suprématie militaire inévitable), qui s’est fortement développé ces dernières années. Outre un rapport unilatéral déséquilibré, la Mongolie doit contenir les relations entre ces deux géants, si elle ne veut pas être au milieu du conflit.
Toutefois, la Mongolie est attachée à conserver son identité face à ces deux puissances, notamment depuis le détachement de la Mongolie intérieure en faveur de la République Populaire de Chine.
B) Le cas de la Mongolie intérieure
La Mongolie Intérieure s’étend sur plus d’un million de km². Il s’agit d’un flanc Mongol au Nord de la Chine et au Sud de la Mongolie indépendante. En 1911, lors de la Chute de la dynastie Mandchou, les nombreuses populations chinoises vivant dans la partie Sud du territoire Mongol se sentaient plus proches de la République de Chine et ont donc préféré se rallier à cette dernière.
La Mongolie intérieure est actuellement peuplée de 25 millions d’habitants. Les Mongols représentent environ 17% de la population totale. Les spécialistes s’accordent à penser que la réalité se situe bien en deçà de ces 17% puisque le développement minier très important de la Mongolie intérieure au cours de la dernière décennie a conduit à l’arrivée d’une nouvelle main d’œuvre. En effet, Pékin utilise son droit de déplacer une population et envoie des hommes en colonie de peuplement en Mongolie. Cela engendre de fortes tensions et des révoltes contre le pouvoir central chinois.
Au fil du temps, la colonisation chinoise s’est faite de plus en plus intense. Les Mongols n’avaient ni le droit à l’autodétermination, ni le droit de faire sécession. Ensuite, la Mongolie Intérieure est devenue une région autonome de la République Populaire de Chine. Cependant, l’autonomie n’est qu’une façade puisque la population chinoise est largement dominante et le développement de cette région est absolument indispensable à la Chine, notamment pour des raisons minières.
La dégradation de l’environnement a également conduit au déplacement forcé de centaines de milliers de Mongols dans les banlieues, les villes et les régions agricoles périphériques. Cela a donc marqué la fin d’une nation qui avait une langue, un territoire commun, une histoire commune…
La stratégie de développement de la Chine passe par une mainmise totale sur les régions périphériques desquelles elle veut garder le contrôle afin de pouvoir poursuivre sa croissance. Afin de limiter sa dépendance à l’égard de la Chine, la Mongolie a mis en place un partenariat fort avec un « troisième voisin ».
C) Des solutions d’échappatoire limitées
Les organismes internationaux et les pays donateurs tels que le Japon, la Corée du Sud, l’Europe et les Etats-Unis ont été très présents pour aider la Mongolie démocratique et libérale à émerger. Ces pays ont un intérêt stratégique à devenir l’allié de la Mongolie afin d’éviter que la Chine et la Russie aient la mainmise sur de nombreuses ressources et jouent un rôle trop important sur la scène internationale.
De son côté, la Mongolie a besoin de ce troisième voisin afin de ne pas devenir complétement dépendante des deux grandes puissances qui l’entourent. Les autorités mongoles ont donc fait le choix de s’ouvrir au monde et d’inviter la France, l’Allemagne, la Corée du Sud, le Japon et les Etats-Unis à investir sur son territoire. Cette stratégie est connue sous le nom de « politique de troisièmes voisins » et vise à avoir des relations privilégiées avec ces pays, afin de diversifier son économie et ses zones de débouchés, notamment dans le domaine minier. Ce troisième voisin intervient également en tant que soutien militaire. A titre d’exemple, en 2005, Oulan Bator a reçu une aide américaine de 20 millions de dollars afin de moderniser l’armée Mongole. Ce geste américain avait pour but de remercier la Mongolie qui avait envoyé 130 soldats en Irak pour soutenir les troupes américaines en 2004.
Cela dit, les sources de financement internes à la Mongolie demeurent toujours très limitées et elles ne peuvent pas à elles seules assurer le développement de grands projets d’infrastructures indispensables à l’exploitation des ressources naturelles. Multiplier le nombre de partenaires économiques et stratégiques permet donc à la Mongolie de réduire sa dépendance face à la Chine et à la Russie, mais elle ne permet pas de développer sa propre économie interne.
L’enclavement de la Mongolie génère une crainte liée à la possibilité, pour le pays, de perdre son indépendance et sa souveraineté. De plus, l’impossibilité d’accéder à la mer via ses propres frontières empêche l’Etat de prendre part à une grande catégorie d’échanges mondiaux. Cependant, l’exploitation récente et intensive de ressources naturelles présentes dans les sous-sols Mongols est en train de révolutionner le contexte économique de la Mongolie et de lui donner un nouveau poids stratégique d’envergure mondiale.
III) Les ressources naturelles, à l’origine d’une nouvelle géopolitique
Ces dernières années, la Mongolie, grâce à ses ressources géologiques, est présentée comme un nouvel eldorado. Cela entraîne un bouleversement des rapports de force avec les autres Etats, et également l’émergence de nouveaux enjeux sur son propre territoire.
A) L’émergence d’un nouvel eldorado
Depuis les années 2010, la géopolitique de la Mongolie a été transformée par l’exploitation de ses ressources naturelles. L’abondance de minerais la dote d’un potentiel économique considérable, désormais exploité par de grands groupes.
En effet, la Mongolie constitue la 1ère plus grande réserve mondiale de charbon, soit un tiers de son PIB et deux tiers de ses exportations. Le vaste site de Talvan Tolgoi représente le plus grand gisement de charbon de haute qualité au monde, avec plus de 7 milliards de tonnes de réserves. Il pourrait alimenter l’énorme demande en sidérurgie de la Chine sur deux siècles. Egalement, le pays abonde de cuivre, d’or, d’uranium et autres minerais. Un autre site, Oyu Tolgoi, est une mine renfermant les plus grandes réserves au monde de cuivre (36 millions de tonnes) et d’or (1275 tonnes). Cette dernière est détenue majoritairement par le géant australien Rio Tinto. Ces ressources naturelles ont toujours fourni le sol mongol, mais les investissements et infrastructures pour leur exploitation restaient marginaux.
Forte de ces minerais à grande valeur économique, les axes prioritaires sur lesquels se base la Mongolie sont l’exploitation de ces matières premières, par la croissance de l’extraction minière, la création d’usines de raffinage des minerais, ou encore la liquéfaction du charbon, et l’autosuffisance énergétique et alimentaire.
Si les minerais ont modifié la politique intérieure de la Mongolie, ils ont aussi transformé ses relations avec les autres pays, qui souhaitent les exploiter ou contrôler leurs flux (import-export), tel que les rapports de force en ont été bouleversés.
B) Le bouleversement des rapports de force
La Mongolie, toujours qualifiée de Pays en Développement (PED), se distingue sur le continent asiatique, et même mondial grâce à ce « boom minier ».
Le territoire attire dorénavant les investissements étrangers dans la ligne d’une géopolitique des ressources et matières premières. L’épuisement de ces dernières fait grimper les prix du marché, tandis que la demande mondiale s’accroît en énergies et en produits innovants (high-tech par exemple). Ce pays attire donc les investisseurs étrangers, à l’image du groupe nucléaire français Areva qui a signé un partenariat stratégique pour l’exploitation de deux gisements d’uranium.
L’Etat mongol doit donc se présenter comme un territoire attractif pour que les investisseurs internationaux garantissent des infrastructures et l’exploitation des ressources. Il reste malgré tout sous le joug de la Chine, désireuse de matières premières, et dans une moindre mesure de la Russie, son ancien tuteur. A titre d’exemple, la Chine bénéficie d’un rabais de 30 à 40% sur les produits miniers, grâce au quasi-monopole qu’elle détient sur les exportations mongoles. Néanmoins, la Mongolie a adopté en urgence une loi sur l’investissement étranger. Suite à la tentative de rachat par le chinois Chalco des houillères de South Gobi en 2012, trois secteurs stratégiques – les mines, les banques, les télécommunications – ne peuvent être détenus à plus de 49% par des étrangers.
Finalement, la Mongolie doit désormais faire face à de nouveaux enjeux liés à cette géologie favorable, cette fois sur son propre territoire.
C) De nouveaux enjeux nationaux
L’exploitation intense des richesses minières du pays permet à la Mongolie de bénéficier d’une croissance économique des plus fortes au monde. Son PIB s’est multiplié par 10 depuis 2001 et elle a connu une croissance exponentielle ces dernières années avec un taux de croissance de 17% en 2012. Cependant, cela n’est pas sans retombées négatives. En effet, même si le pays s’enrichit, les inégalités sociales augmentent et les problèmes sanitaires et environnementaux sont plus présents que jamais. Cependant ces problématiques restent ignorées par les autorités qui ont pour principal objectif d’attirer des investisseurs étrangers et d’augmenter les recettes liées au tourisme. Dès lors, la politique de développement doit se montrer davantage cohérente et durable.
De plus, le XXIème siècle a été marqué par un phénomène d’exode rural. La capitale, Oulan-Bator, est ainsi devenue la capitale la plus polluée de la planète. Oulan-Bator devient également une ville saturée en raison des nombreuses migrations (environ 60 000 par an). Dans les zones rurales, l’élevage intensif tend à remplacer le pastoralisme, ce qui conduit à l’abandon par les habitants de vallées entières.
Finalement, l’exploitation de ces ressources minières pourrait être considérée comme un « cadeau empoisonné ». En effet, elle a totalement transformé la culture et la façon de vivre de plusieurs centaines de milliers de Mongols, alors même que l’une des forces du pays reposait sur sa capacité à se comporter comme un peuple uni, face aux grandes puissances qui l’enclavent.
CONCLUSION
Finalement, la Mongolie, loin de n’être qu’une étendue de steppe et de ciel bleu peuplée par des éleveurs nomades, est avant tout un pays fort d’une histoire symbolique, et qui occupe aujourd’hui une place de plus en plus stratégique sur l’échiquier international.
La géographie d’un pays influant systématiquement sur sa politique, la Mongolie réussit tout de même à développer des atouts stratégiques malgré une position géographique peu propice. Le premier atout de la Mongolie réside dans l’unité de son peuple. De tradition expansionniste, il a vu son territoire se réduire jusqu’à se limiter aux frontières de l’Etat Mongol actuel. Soudé autour d’une culture commune, le peuple a progressivement acquis son indépendance. Son désir de vivre ensemble est d’autant plus grand qu’il est menacé par sa position géographique. Effectivement, enclavé entre la Chine et la Russie, il semble destiné à subir les volontés de ces deux grandes puissances mondiales. D’ailleurs, la stratégie de Pékin est de grignoter du territoire comme ce fut le cas avec la Mongolie Intérieure, d’où l’ouverture indispensable vers un « troisième partenaire ». Cependant, le rapport de force n’est plus ce qu’il était grâce à l’exploitation des richesses du sous-sol Mongol. De nombreux Etats développés repensent dès lors leur politique pour orienter leurs capitaux vers la Mongolie. Toutefois, d’un point de vue national, la Mongolie se retrouve confrontée à des enjeux d’ordre sanitaire et social.
Lorsqu’on évoque la Mongolie, il ne faut pas s’en tenir aux évidences, il faut remarquer que ce pays est en réalité fait de contradictions. En effet, lors de notre analyse nous avons été interpellées par les caractéristiques paradoxales propres à la Mongolie. Les Mongols sont un peuple nomade, mais unifié. C’est un pays enclavé mais souverain. C’est un pays à la fois peu gâté par sa géographie mais riche de ressources naturelles et donc porté par sa géologie.
Notre analyse se terminera par une citation de Jan Hansen, chef économiste de l’Asian Development Bank : « Ce qui se passe en Mongolie est unique dans l’Histoire, on n’a jamais vu un pays connaître un tel bouleversement en aussi peu de temps ». Cette situation inédite contraint le gouvernement à s’interroger sur la viabilité de ce renouveau économique. Si les capitaux abondent, en parallèle, l’économie souterraine se développe et la population subit la criminalité. Face à une telle situation, comment favoriser le développement national et le bien-être de la population, en l’intégrant activement dans cette nouvelle économie, tout en continuant d’échanger avec le reste du monde ?
Bibliographie
Ouvrages
BETTEX Emeline, TOUBOULIC Gaëlle, La Mongolie, Les guides Peuples du monde, 2006
LACAZE Gaëlle, Mongolie, Guides Olizane, 2006
MAIRE Antoine, La Mongolie en quête d’indépendance, Une utilisation stratégique du développement minier, L’Harmattan, 2013
Articles
FEIGELSON Kristian, « Mongolie : la démocratie nomade », Etudes, 2003/5, p.597-607, S.E.R., 2003
FRANCOIS Philippe, CAMBACERES Jean-Marie et DESPORTES Vincent, « Géostratégie de la Mongolie : entre le marteau et l’enclume », Politique étrangère, n°4/2008, p.899-909, I.F.R.I., 2008
DE LA GRANGE Arnaud, « La Mongolie, futur émirat des steppes », Le Figaro, 27/06/2012
Webographie
– Emission Le dessous des cartes, « Mongolie, au milieu des empires »
– Arte Journal, 29 juin 2012, « Mongolie, le nouvel eldorado asiatique ? »
http://donnees.banquemondiale.org/pays/mongolie
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique
http://www.lemonde.fr/mongolie
http://www.monde-diplomatique.fr/index/pays/mongolie
CUISY Lucie, PACAUD Alison
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