les conséquences du wahhabisme en Arabie Saoudite

Introduction

L’Arabie Saoudite, appelée souvent les clefs du Moyen Orient, s’appuie sur une légitimité historique : le mouvement wahhabite, branche de la religion islamique. La compréhension de la société ainsi que l’approche géopolitique renvoient à l’interprétation historique de ce mouvement religieux, fondement de la nation saoudienne. Aujourd’hui, on pourrait s’interroger sur l’application de l’interprétation wahhabite du Coran à travers l’économie, la société et la géopolitique en Arabie Saoudite.

Quelles sont les conséquences actuelles du lien historique entre Etat et religion au sein de l’Arabie Saoudite ?

Fondée sur la branche wahhabite, le pouvoir politique saoudien se base sur cette légitimité historique pour diffuser un islam autoritaire et intolérant. Cependant l’arrivée des américains suite à la découverte du pétrole va bouleverser l’économie, la propulsant dans les premiers rangs mondiaux et attirant ainsi le regard des occidentaux sur ce pays riche en or noir. Une société alors emprisonnée par un islam stricte qui bafoue les droits de l’homme et un gouvernement dont les véritables intentions vis-à-vis du terrorisme restent suspicieuses sont alors au cœur des débats et suscitent les critiques virulentes de la part des pays occidentaux.

 

Le wahhabisme, un mouvement islamique historique, base de la politique de l’Arabie Saoudite

Le wahhabisme est un des mouvements extrêmes sunnites de la religion musulmane qui se caractérise par une application stricte de la Charia, ensemble de lois dictées par le Coran, dans la tradition de la Sunna. En Arabie Saoudite, le lien entre islam et Etat est très fort et est à placer dans un contexte historique propre au Moyen Orient : l’ère musulmane.

Au Vème siècle, la situation de l’Arabie Saoudite change avec l’arrivée du prophète Mahomet passant  ainsi d’un ensemble de clans antagonistes et polythéistes à un religion islamique monothéiste. Grâce à sa popularité, Mohamet diffuse la religion islamique à travers le Moyen Orient puis devient le législateur et administrateur de l’Etat de la future Arabie Saoudite. Cependant le véritable état saoudien s’est formé des siècles plus tard. En effet, ce n’est qu’en 1744, alors que le territoire est disputé entre l’empire Ottoman,  la famille Al Saoud et la famille El Rachid, que le premier état saoudien est établi. L’unique religion d’Arabie saoudite s’est alors édifiée sur la coopération entre le patriarche des Saoud et le religieux Abdelwahhab, fondateur du mouvement wahhabiste.

Au travers de l’histoire, malgré des conflits avec la famille Al Rachid, soutenue par les ottomans et l’expatriation de la famille Al Saoud, les ennemis de la famille fondatrice de l’Arabie Saoudite ne sont pas parvenus à éradiquer les racines religieuses et nationales du pouvoir saoudien. Ainsi, sous pression ottomane et face à la famille Al Rachid, la famille Al Saoud se réfugie d’abord dans le désert, puis au Koweït ( alors protégé par l’empire britannique) où Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud mène la rébellion. En 1914, reconnu comme préfet du Nejd. De Riyad, capitale de l’état, il reprend un à un les territoires perdus. En 1927, l’Arabie Saoudite signe le traité du Djeddah avec l’empire britannique où il renonce à tout extension du territoire au détriment des pays protégés par Londres. Ainsi, en 1932, Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud fonde officiellement le  royaume d’Arabie Saoudite.

Ces différents épisodes de l’histoire de l’Arabie Saoudite montre un état qui s’est finalement construit sur l’islam et grâce à la famille Al Saoud, adepte du mouvement du wahhabisme. Ce lien a d’une part fondé un Etat, mais le wahhabisme s’est également diffusé suite à la découverte du pétrole et reste aujourd’hui la base d’une société et d’une culture qui reposent sur des règles très spécifiques que nous allons voir par la suite.

 

Un mouvement qui prend son essor avec la découverte du pétrole et le pacte de Quincy

Cependant, la tradition islamique de l’Arabie Saoudite est ébranlée par la découverte de gisements de pétrole dès 1933. Outre l’angle économique de l’exploitation des puits de pétrole, la société est alors influencée par un raz de marée de culture occidentale.

En effet, la famille Saoud et le wahhabisme vont prendre leur essor suite au pacte « pétrole contre protection » ou pacte de Quincy entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis en février 1945. Ce pacte est  le fondement de l’alliance entre les Etats-Unis et le Royaume d’Arabie Saoudite. Le président Roosevelt propose aux saoudiens le soutien militaire américain et la garantie de la sécurité du territoire contre l’exploitation des ressources pétrolières, reversant un certain pourcentage à l’Arabie Saoudite, faisant ainsi converger les intérêts entre les deux pays. Ce pacte, toujours d’actualité, a cependant été de nombreuses fois critiqué, notamment dû aux changements de présidents américains, et aux différentes interventions des Américains dans les conflits du Moyen-Orient. En 2013, la non intervention des américains en Syrie a refroidi d��avantage les relations entre les deux nations.

Suite à ce pacte, l’Arabie saoudite va connaître une très grande croissance qui va bouleverser la société. Ainsi, la richesse du pays augmente puisqu’entre 1973 et 2002, la famille Al Saoud a reçu quelque 2000 milliards de dollars de revenus pétroliers. Les ressources tirées du pétrole vont être un catalyseur de développement de l’Arabie Saoudite et vont inonder le pays de culture occidentale. Les revenus générés financent la modernisation du pays. Les conditions de vie augmentent, la population peut enfin avoir accès à l’éducation et la santé. Aujourd’hui, par exemple, l’IDH de l’Arabie saoudite se place au 5ème rang mondiale. Ainsi, le pétrole a permis quelques mutations profitables au pays et à la population. Cependant, il faut souligner que cette nouvelle richesse a également ébranlé les institutions et pousser à la dépendance à l’argent et savoir-faire étrangers. De plus, on s’aperçoit que les disparités sociales engendrent un appauvrissement de la classe moyenne.

Enfin, l’accès à la culture occidentale n’a absolument pas influencé la structure du pouvoir qui reste entre les mains du roi et des hommes qui gravitent autour. Le mouvement extrémiste ancré dans la politique du pays s’est alors vu renforcé avec l’influence américaine. Nous verrons les conséquences sur la société plus loin dans cet article.

Brutalement dépendant de l’Occident et des bénéfices de l’extraction du pétrole, le gouvernement n’a cependant pas su faire face à une dette qui pèse de plus en plus lourd dans le budget de l’Etat. En effet, l’Arabie Saoudite est soumise à des dépenses incroyables qui augmentent de 10% chaque année.

De plus, depuis le printemps arabes dont le pays a miraculeusement été épargné, grâce à une politique intérieure très répressive, le roi a décidé de reverser 130 milliards de dollar afin d’apaiser la population. Nous pouvons ajouter à cela les 25 milliards de dollar promis au conseil de coopération du golfe, un tiers du budget de l’Etat dans la défense et un soutien militaire et financier à la rébellion en Syrie actuellement.

Ces dépenses excessives vont de pairs avec une baisse mondiale des réserves de pétrole, d’une soi disant découverte de gisements de pétrole au Yémen et des réserves connues de pétrole américain qui pourraient à long terme influencer l’économie ainsi que le société de l’Arabie Saoudite.

Une société prisonnière du wahhabisme et un gouvernement vivement critiqué par l’Occident

Aujourd’hui, depuis l’accès au pouvoir du roi Abdallah en 2005, le royaume est confronté à de nombreux défis dont une paupérisation de la classe moyenne, une situation précaire à l’emploi, des attentes des modernistes qui veulent une société plus ouverte et plus tolérante, d’une aspiration de la jeunesse (qui représente 65% de la population), d’un chômage de 10% (il frôlerait plutôt les 25%) et également la place des minorités chiites (15% de la population).

Le roi a donc pris quelques mesures (notamment des actions anti-terroristes qui sévissent depuis le Yémen) et politiques de reformes qui sont cependant très légères afin de ne pas bouleverser les équilibres ancrés dans la société. Actuellement, l’organisation de la conférence islamique tente de diffuser un islam plus tolérant et ouvert à la modernisation. Cependant, dans les faits, l’Arabie Saoudite fait peu de progrès et reste critiquée par les pays occidentaux.

Tout d’abord, malgré des tentatives d’ouverture depuis ces dernières années, l’Arabie Saoudite reste un des exemples du non respect des droits de l’Homme et notamment de la condition de la femme. L’égalité homme femme et la liberté de croyance sont deux concepts étrangers au pouvoir saoudien. De ce fait, en vertu de l’application stricte de la charia, il y a officiellement la ségrégation hommes femmes, les femmes n’ont pas le droit de conduire, elles sont parfois cloisonnées dans les lieux publics, l’accès à l’éducation et notamment à l’université est très limité sans parler des violences conjugales qui restent un sujet tabou en Arabie Saoudite. Afin de pouvoir se marier, se déplacer ou voyager, l’autorisation d’un tuteur est requise. Faut-il d’ailleurs rappeler que dans le rapport mondial de l’inégalité, l’Arabie Saoudite occupe la 131ème position sur 135.

Les militants des droits humains s’opposent à un régime stricte et intolérant. Récemment, un rapport de 48 pages intitulé « challenging the red lines : stories of right Activists in Saudi Arabia » retraçant l’histoire de 11 militants saoudiens et leurs efforts face au gouvernement, s’est rendu célèbre grâce aux réseaux sociaux. Il démontre ainsi la volonté des saoudiens à sortir d’un pouvoir répressif qui ne cesse d’avoir recours aux menaces et à la prison pour empêcher les militants de pouvoir s’exprimer.

Malgré quelques avancées récentes, comme par exemple l’élection de deux femmes en 2005 à la chambre de commerce et industrie de Djebbah, on s’aperçoit que ces progrès sont restreints. On pourrait souligner que l’Arabie Saoudite ne s’est ouverte à la culture occidentale que depuis peu ; rappelons qu’il a fallut des siècles de guerres et de crises en Europe pour que la laïcité soit acceptée. D’autre part, comment pousser un pays ancré depuis un millénaire dans une religion très stricte à accepter les préceptes occidentaux qu’il a découvert il y a 80 ans ?

D’abord condamné selon l’interprétation occidentale des droits de l’Homme, le gouvernement saoudien est également  vivement critiqué sur sa position face au terrorisme.

Tout d’abord, grâce à son développement économique qui a influencé l’essor du mouvement religieux fondateur, l’Arabie Saoudite a financé directement ou indirectement certains mouvements islamiques radicaux dont s’est servi le terrorisme du Moyen Orient. Le mouvement le plus connu reste l’Al Qaïda également AQPA, organisation islamique armée qui est active principalement en Arabie Saoudite et au Yémen. l’Al Qaida s’appuie sur  les principes wahhabites,  mais il n’en demeure pas moins que le mouvement s’oppose au régime saoudien, accusé d’avoir laissé les infidèles américains pénétrer la terre sacrée de l’Islam. Rappelons en effet que l’Arabie Saoudite est le pays qui abrite les deux centres religieux islamiques : Médine et la Mecque.  Même si le gouvernement saoudien a soi disant chassé du pays les militants d’Al Qaida,  les occidentaux restent septiques face aux véritables intentions du gouvernement depuis le 11 septembre 2011 avec l’implication de 11 saoudiens sur 19 terroristes dans l’attentat aux Etats-Unis, et plus récemment, en 2013, le financement probable de groupes extrémistes dans le conflit en Syrie, dénoncé par la Russie.

L’alliance avec les américains s’est nettement dégradée depuis les années 90 et cette fragilité des relations s’appuie d’une part d’un mécontentement des saoudiens vis-à-vis du protectionnisme américain et d’autre part du caractère ultraconservateur de la société saoudienne, vivement dénoncé par les Etats Unis. Il faut cependant souligner que les Etats-Unis ne peuvent se permettre de perdre ce pacte avec les rois du pétrole au vu de leur dépendance à l’or noir.

 

Conclusion 

Ancrée dans une vision islamique du monde depuis l’ère musulmane qui a façonné sa politique, l’Arabie Saoudite a cependant été confrontée à l’influence occidentale. En effet, l’arrivée des américains suite à la découverte du pétrole a ainsi ébranlé les institutions traditionnelles, provoquant des conséquences économiques et une remise en question nuancée du fonctionnement stricte et intolérant de la société saoudienne. Mais il faut souligner que l’arrivée des pays occidentaux a également favorisé la diffusion de l’islam wahhabite, impliquant aussi la constitution de groupes extrémistes qui fragilisent les alliances internationales actuelles du pays.

 

Bibliographie

 

http://www.asie-planete.com/arabie_saoudite/histoire.htm

http://www.lesclesdumoyenorient.com/Arabie-Saoudite.html

http://www.terrafemina.com/societe/international/articles/22118-arabie-saoudite-hommes-et-femmes-separes-par-une-cloison-dans-les-magasins.html

http://www.slate.fr/story/43093/arabie-saoudite-petrole-royaume-mirages

http://fr.danielpipes.org/10359/malediction-richesse-provenant-petrole

http://www.hrw.org/fr/news/2013/12/17/arabie-saoudite-des-militants-defient-le-statu-quo

http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2013/06/27/97001-20130627FILWWW00621-arabie-saoudite-armer-les-terroristes.php

http://www.politiqueinternationale.com/revue/article.php?id_revue=16&id=154&content=synopsis

Géopolitique de l’Arabie Saoudite – Olivier Da Lage

Droits de l’homme, politique et géopolitique en Arabie Saoudite- Pierre Rigoulot

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