Bertrand Badie

URL: http://college.sciences-po.fr/sitepoitiers/sites/sitepoitiers/files/bertrand-badie.jpg

Citation emblématique de Bertrand Badie

« L’Asie incarne à la fois une globalisation impétueuse et la stagnation ou recul de la plupart des institutions et de l’ordre international mis en place après 1945 ». (L’état du monde : Annuaire économique et géopolitique, Paris, Edition La Découverte, 15 septembre 2006, 430 p.)

Son CV

Bertrand Badie est né à Paris le 14 mai 1950, celui-ci est un politicologue français spécialiste  dans les relations internationales, il acquiert plusieurs diplômes comme son diplôme d’études supérieures spécialisées de science politique en 1973 à l’IEP de Paris ou encore en 1977, un DEA (diplôme d’études approfondies) en histoire du XXe siècle. Enfin en 1982, il a l’agrégation de science politique. Depuis 2002, Bertrand Badie est directeur du centre Rotary d’études internationales sur la paix et la résolution des conflits. Enfin, depuis 2003, il est membre du conseil de l’association  française de science politique et du comité exécutif de l’Association internationale de sciences politique.

Bibliographie

■   Les Deux États. Pouvoir et société en Occident et en terre d’Islam, Paris, Fayard, 1987 ; rééd. Seuil (Points Essais), Paris, 1997.

■   L’État importé. Essai sur l’occidentalisation de l’ordre politique, Paris, Fayard, 1992.

■   Le Retournement du monde. Sociologie de la scène internationale, avec Marie-Claude Smouts, Presses de Sciences Po / Dalloz (Amphithéâtre), Paris, 1999, 3e éd.

■   Le Défi migratoire. Questions de relations internationales, avec Catherine Wihtol de Wenden, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1994.

■   La Fin des territoires, Paris, Fayard, 1995.

■   Un monde sans souveraineté, Paris, Fayard, 1999.

■   La Diplomatie des droits de l’Homme. Entre éthique et volonté de puissance, Fayard, Paris, 2002.

■   L’Impuissance de la puissance. Essai sur les incertitudes et les espoirs des nouvelles relations internationales, Fayard, Paris, 2004.

■   Le multilatéralisme (avec Guillaume Devin), La Découverte, 2007.

■   L’Etat du monde La Découverte, 2007, réed. 2008.

■   Le Diplomate et l’Intrus, Fayard, Paris, 2008.

■   Le grand tournant / L’état du monde 2010 (avec Dominique Vidal), La Découverte, 2009.

Sur l’auteur :

Définition problématique :

Bertrand Badie est l’auteur d’un ouvrage intitulé L’Etat Importé, Essai sur l’occidentalisation du monde. C’est la problématique de cet ouvrage que nous allons étudier.

Par la notion “d’Etat importé”, Bertrand Badie explique que le modèle étatique occidental a été (ou a essayé d’être) importé dans d’autres sociétés, en Afrique notamment. Mais il montre également les limites de cette notion, c’est à dire la difficulté d’implanter dans un pays un système politique qui n’est pas celui construit par son peuple.

Présentation :

Le processus d’étatisation du monde soutenu par Badie est dû à 3 facteurs : un processus de territorialisation (politique d’aménagement du territoire édictée par l’Etat), l’émergence d’un droit international et la naissance de sociétés civiles dans les pays en développement. Mais certaines communautés sont impossibles à étatiser : les nomades qui n’ont pas de frontières par exemple.

Il y a deux acteurs d’importation des modèles : les conservateurs (pour eux, le maintien au pouvoir passe par l’adaptation aux idées nouvelles) et les mobilisations révolutionnaires (qui luttent contre les systèmes conceptuels occidentaux et leur “tutelle coloniale” : FLN)

Le phénomène d’importation de l’Etat n’est, d’après Badie, pas toujours conscient et il n’a pas seulement eu lieu lors de la colonisation. Au début, l’importation du modèle ne s’est pas faite pour des raisons économiques, mais plutôt politiques. Mais maintenant, c’est davantage multilatéral car il y a un essor des flux économiques transnationaux. Les pays les moins développés, d’après Badie, ne sont pas dépendants et asservis par les plus développés. Il instaure un concept “d’état client” et “d’état patron” : les intérêts des états exportateurs et ceux des états importateurs convergent. Mais les pays du Sud cherchent l’approbation des états du Nord pour asseoir leur légitimité dans leur pays : cela a pour conséquence de créer une logique clientéliste envers les pays développés. Ceci permet toutefois aux élites des pays du Sud de se maintenir à une place importante dans leur société. Dans les sociétés où le concept d’état a été importé, la mise à l’écart des particularismes et la notion de citoyenneté sont des progrès majeurs. Dans la vision occidentale de l’Etat, celle qui tend à se diffuser, l’Etat s’impose comme l’acteur unique des relations internationales. D’autre part, le modèle occidental de société civile s’universalise lui aussi : une société civile se constitue du fait d’une pression exercée par le système international, de la multiplication des flux transnationaux et des réseaux associatifs privés. L’émergence de la société civile amène elle aussi l’installation du modèle étatique occidental. Mais cet Etat importé a souvent tendance à s’affranchir et à s’autonomiser, et donc à échapper à la volonté des acteurs qui l’ont mis en place. Cette affranchissement créé un cercle vertueux, engendrant une “modernisation”, et donc de la création et de la nouveauté. Par exemple les révolutions au Maghreb en début d’année sont un signe d’appropriation du modèle étatique occidental, et d’une volonté de s’en servir comme inspiration pour établir leur propre modèle politique. La dynamique d’occidentalisation a créé une classe d’importateurs, qui participent activement à la diffusion du modèle et à son installation. Les intellectuels importateurs sont les dépositaires de la culture dans les pays en développement, ils obtiennent davantage de légitimité dans un pays non sécularisé. Les contestataires véhiculent les idéaux traditionnels. Cette nouveauté se traduit par des idées empruntées par les élites du Sud au modèle occidental (la rationalité, la souveraineté…).

Lors de l’importation du modèle étatique occidental, des “produits” sont aussi importés :

  • Le jeu politique : l’importation du jeu politique sous entend l’importation des partis politiques, qui sont des agents d’intégration mais également de conflit. Ces partis n’étant pas créés par la société du pays, leur pouvoir mobilisateur est faible. De plus, la solidarité étant habituellement verticale dans ces sociétés, et l’implantation de partis politiques a fait émerger une solidarité horizontale, entre membres des partis.
  • L’administration est également importée : mais ces pays la corrompent, car ne sont habitués à des institutions, et donc privilégient des relations de clientélisme.
  • Le droit : coexiste avec le droit traditionnel du pays (souvent un droit religieux), de ce fait les structures sociales traditionnelles deviennent des lieux de contre légitimité. Ce droit importé n’unifie pas la société mais au contraire divise les individus. Ce droit est en fait une universalisation du droit occidental et de ses acteurs. Les sociétés du Sud suivant le modèle étatique “importé” adoptent ce droit et de ce fait légitiment les inégalités et la dépendance.
  • Le débat politique importé oppose dans ces pays le discours traditionnaliste au discours moderniste, il est donc créateur de conflits parfois houleux. Récemment, durant les dissensions en Côte d’Ivoire, à l’annonce des résultats des élections, les partisans d’Ouattara et ceux de Gbagbo se sont affrontés verbalement puis physiquement.
  • Dysfonctionnements et désordres de l’état importé : Ce modèle étatique n’étant pas réellement adapté aux pays dans lesquels il est implanté, les mobilisations populaires contre les élites ou encore une forte abstention aux élections sont récurrentes. C’est une forme de rejet de la culture imposée, qui peut aboutir à des revendications identitaires (Frères Musulmans en Egypte). L’état importé ne fonctionnant pas toujours correctement, il créé dans ces sociétés des “espaces sociaux vides” comme les nomme Badie, où la culture traditionnelle reprend le dessus et peut même concurrencer l’Etat au niveau de la reconnaissance internationale (les garants de cette culture sont parfois les interlocuteurs de l’Occident).

Bertand Badie affirme que l’implantation totale et réussie du modèle étatique occidental dans ces pays est impossible, car ils ne se l’approprient pas mais réalisent un simple “mimétisme”. Le second obstacle à une implantation réussie est les “stratégies d’innovation territoriale” : les flux transnationaux se multiplient, ce qui renforce la régionalisation et l’identité culturelle de chaque région.

Critique :

Bertrand Badie expose dans son ouvrage les caractéristiques multilatérales de l’occidentalisation des Etats. Le modèle d’état “importé” acquiert tout de même une autonomie certaine, grâce aux acteurs locaux. Bertrand Badie expose une théorie fondée mais qui n’est pas forcément applicable à tous les états du Sud, car tous n’ont pas la même histoire politique.

Mots clefs :

« Fin des Etats », « régionalisation », « identité culturelle », « occidentalisation du monde », « légitimité de l’état ».

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*