Dans quelles mesures peut-on parler de Chindia ?

 

« I hope you can send my message back to the great Indian people, that we’re not competitors, we are friends »,

Wen Jiabao, Premier ministre chinois, 14 mars 2005.[1]

« There is a misconception that India and China are competitors, and this is not true »,

Dr Manmohan Singh, Premier ministre de l’Inde (11 décembre 2005).[2]

La Chine et l’Inde sont sur le devant de la scène depuis les années 1990.  Selon l’expression de Jack Welch (ancien président de General Electric), elles deviendront les deux mégamarchés du XXième siècle. Leur relation est une des plus complexes à analyser. En effet, il s’agit de deux géants économiques avec un taux de croissance annuels qui avoisinent les 10% pour Pékin et 8% pour New Delhi. . Sur la période 2008-2009, le commerce bilatéral sino-indien a atteint les 36 milliards de dollars, soit une progression de 7% par rapport à 2007-2008. Aujourd’hui, la Chine est le premier fournisseur de l’Inde devant les Etats-Unis. [3] Toutefois, cela ne doit pas masquer les relations diplomatiques complexes qu’entretiennent ces deux pays. Ainsi, le ministre indien des Affaires étrangères, Pranab Mukherjee, a déclaré, enthousiaste : «la relation sino-indienne va être l’une des relations bilatérales les plus importantes dans les dix ans à venir, simplement en raison des poids démographiques et économiques». Alors qu’au cours d’une visite à New Delhi en 2005, le Premier Ministre chinois, Wen Jiabao, avait déclaré que la Chine et l’Inde pourraient être « une influence positive pour la paix et le développement en Asie ainsi que pour le reste du monde, à travers des relations harmonieuses, augmentant la confiance et étendant la coopération »[4].Derrière des retrouvailles diplomatiques, des divergences politiques demeurent toutefois. De leur côté, les industriels indiens, conscients que leurs homologues chinois ont beaucoup plus à gagner qu’eux de l’ouverture des frontières, affichent une certaine inquiétude.

PARTIE I – MONTEE EN PUISSANCE SUR LA SCENE INTERNATIONALE – L’INDE

I°) Démographie

  1. Une des populations les plus jeunes

Aujourd’hui, avec plus d’un milliard d’habitant, l’Inde compte pour le second pays le plus peuplé du monde, après la Chine. Sa population croît actuellement à hauteur de 1,14% par an, soit 0,3 point de plus que la croissance mondiale.

Si les thèses malthusiennes ont longtemps condamnées l’Inde pour son poids démographique, la donne, a beaucoup évolué aujourd’hui et la jeunesse de la population est maintenant considérée comme un véritable atout. La transition démographique indienne s’est amorcée tardivement par rapport aux autres pays asiatiques. Actuellement, plus de 50% de sa population a moins de 25 ans et plus de 65% moins de 35 ans. Cette proportion de population en âge de travailler devrait continuer à augmenter jusqu’en 2045 et réduire ainsi le taux de dépendance des plus jeunes et des plus de 65 ans aux actifs.

Toutefois, il est évident que ce dividende démographique ne peut être bénéfique qu’à condition que les politiques de santé et de l’éducation suivent. De plus, ce phénomène est à double tranchant : lorsque cette population active massive deviendra à son tour âgée, l’Inde aura des taux de dépendance monstrueux. Il est donc important que l’Inde capitalise au mieux cette opportunité afin d’être économiquement solide pour affronter la suite.

 

  1. La multiplicité des langues

C’est l’une des richesses et l’un des fardeaux les plus importants de ce pays. Bien que l’Inde reconnaisse officiellement 22 langues, avec l’Hindi et l’Anglais comme langues principale, un recensement en 1991 comptait en tout 1 576 langues maternelles. Ces dernières ont été regroupées sous 114 langues, classées en cinq courants :

  1. Le courant Indo-Européen qui regroupe essentiellement des langues Indo-Aryennes parlées par 76% de la population
  2. Le courant Dravidien qui comprend surtout les langues du Sud de l’Inde. Elles sont parlées par 23% de la population.
  3. Le courant Austro-Asiatique qui compte 14 langues parlées par environ 1% des Indiens.
  4. Le courant Tibéto-Birman, 62 langues parlées par près d’un pourcent de la population.
  5. Le courant Semito-Hamitique, 1 langue parlée par 0,01% de la population

Les politiques linguistiques ont toujours été un sujet à haute tensions. Le premier véritable conflit entre linguistique débuta en 1937 au Tamil Nadu, contre l’introduction de l’enseignement obligatoire de l’Hindi dans les écoles. Lorsque l’Inde adopta, en 1950, sa constitution après l’indépendance, l’Hindi et l’Anglais étaient, respectivement, la première et seconde langue officielle. Il était prévu que l’Hindi devienne l’unique langue officielle au bout de 15 ans. Les protestations et émeutes étaient telles que, Lal Bahadur Shastri, alors premier ministre du parti du Congrès, promis que l’Anglais resterait la seconde langue officielle tant que les Etats ne parlant pas Hindi le voulait. Depuis cet épisode, le parti du Congrès fût définitivement écarté du spectre politique du Tamil-Nadu.

Mais le Tamil-Nadu ne fût pas l’unique Etat contestataire, le parti du Shiv Sena ravive régulièrement des sentiments anti-Hindi au Maharastra. Et le gouvernement du Maharastra et du Karnataka ont rendu l’enseignement de leurs langues (le Marati et le Kannada) obligatoire dans les écoles.

Aujourd’hui, l’Anglais occupe toujours la position de seconde langue officielle. Les Etats rédigent leurs textes législatifs dans leurs propres langues officielles. Et l’Inde n’a, à ce jour, pas de langue nationale.

 

  1. La diaspora

Longtemps considérée comme « fuite de cerveaux », l’émigration des élites et de jeunes étudiants est maintenant valorisée comme un véritable atout géopolitique. En effet, depuis 1990, l’Inde cherche à accorder la double nationalité à nombres de personnes d’origine indienne vivant à l’étranger. Ainsi, ces derniers sont passés du statut des « overseas Indians » au statut des « Non Residential Indians » (NRI).

L’Inde a donc commencé à recensé précisément ces membres de la diaspora et organise chaque année une réunion durant laquelle elle discerne des prix à ceux qui ont favorisé les relations géopolitiques de l’Inde. Le président de la République de Maurice fut décerné de ce prix. (Voir la carte de la diaspora indienne en annexe).

 

II°) SYSTEME POLITIQUE : DEMOCRATIE FEDERALE

  1. Une démocratie fédérale hors norme

Déchirée entre la nécessité de tenir compte de la diversité de sa population et l’obsession d’une unité et intégrité nationale, l’Inde adopta un régime politique « hybride » qui mêle le pouvoir du Centre à ceux des Etats de manière peu orthodoxe.

La séparation des Etats a été faite par rapport aux langues parlées. Ceci dit, toutes les langues ne furent pas reconnues et la création des Etats s’est faite à géométrie variable. Le Centre a toujours su garder un pouvoir important et sert de cadre à l’ensemble du système. L’ensemble des politiques macro-économiques sont décidées  ce niveau là. Le fait qu’il n’y ait que deux partis politiques majeurs au niveau national (le Parti du Congrès et le BJP) n’a fait que renforcer cette position. De plus, si certains Etats revendiquent plus d’autonomie, ils ne remettent pas en cause la position d’homme d’orchestre du Centre. En effet, même s’il n’existe que deux partis nationaux, ces derniers sont obligés de former des coalitions avec les partis étatiques pour remporter la victoire. Les Etats peuvent ainsi placer leur mot dans les décisions prises au niveau national.

L’Inde repose sur un système fédéral asymétrique : les statuts accordés aux Etats sont tout sauf homogènes. Chaque Etat bénéficie d’un statut spécial (régime fiscal différent par exemple). C’est paradoxalement, en tenant compte ainsi des différences et spécificité des Etats, que le pouvoir central favorise la cohésion.

 

  1. Les rivalités inter étatiques

Après plus de 60 ans, le fédéralisme indien présente toujours quelques imperfections. Des demandes de création de nouveaux Etats persistent : certains partis politiques demandent la scission d’Andra-Pradesh pour former un nouvel état (le Telangana) par exemple.

Les conflits liés au partage des eaux n’est toujours pas résolus entre Etats du Sud : entre le Karnataka et le Tamil Nadu et le Kerala et le Tamil Nadu par exemple.

Le fédéralisme est une contrainte pour la mise en place d’une infrastructure homogène et de qualité.

Le libéralisme est une véritable contrainte puisque ce modèle économique a tendance à aggraver les écarts de développement entre différents Etats.

Le défi est à l’heure actuelle de trouver un nouvel équilibre et un nouveau modèle de participation qui prenne en compte toutes ces données nouvelles.

 

III°) Puissance économique

L’Inde est actuellement la 10ème puissance économique, devant le Canada. Après 44 années de planification, de régulation économique et de protectionnisme, l’Inde ne s’est ouverte au monde qu’à partir de 1991. En 2008, le pays est devenu la seconde nation qui croît le plus vite, derrière la Chine.

Cette dynamique économique profite essentiellement aux grands groupes tels que : Tata, Mahindra, Infosys, Wipro, … En 2006, les entreprises indiennes ont placés 21 milliards de dollars pour renforcer leur présence mondiale[5].

Contrairement aux autres pays du Sud, le moteur de l’économie indienne n’est pas le secteur manufacturier mais celui des services. Le secteur tertiaire représente plus de 60% du PIB et regroupe près de 35% de la main d’œuvre. Le secteur industriel se place en seconde position avec une contribution au PIB de 20% et 14% de la main d’œuvre. Le secteur agricole qui emploie plus de 50% de la main d’œuvre, ne représente que 17% du PIB.

L’Inde se spécialise également dans la production de médicaments génériques. Les entreprises comme Ranbaxy et Dr. Reddy occupent une place important dans le mode du générique.

 

IV°) Relations conflictuelles avec les pays voisins :

  1. Pakistan

Les relations entre le Pakistan et l’Inde ont toujours été tendues. A défaut de pouvoir menacer l’Inde, le Pakistan maintient son pouvoir de nuisance en aidant les mouvements séparatistes du Cachemire. L’Inde par ailleurs accuse son voisin d’organiser, via ses services de renseignement (Directorate of Inter-Services Intelligence) des attentats terroristes sur son territoire. L’ancien président Pervez Musharraf, a admis que le Pakistan formait des groupes de militants pour attaquer l’Inde[6]. De son côté, le Pakistan accuse l’Inde de ne pas respecter les droits de l’homme au Cachemire.

Les attentats du 26 Novembre 2008 (26/11) à Mumbai ont encore plus fragilisé les liens entre ces deux pays. Selon l’Inde, ces attentats qui ont coûté la vie de plus de 175 personnes étaient orchestrés par le groupe terroriste Lashkar-e-Taiba, basé au Pakistan.

 

  1. SAARC

Malgré l’obstruction du Pakistan, l’Inde s’affirme comme puissance régionale de l’Asie du Sud Est. Au sein du South Asian Association for Regional Cooperation (SAARC), l’Inde privilégie les relations bilatérales plutôt qu’une diplomatie multilatérale. L’Inde est le seul pays à avoir des frontières avec l’ensemble des pays membres. Elle représente plus de 80% du PIB de la zone et sa balance commerciale est positive avec l’ensemble des pays membres.

L’Afghanistan fait partie de cette association depuis 2006. Son adhésion est plutôt favorable à l’Inde, au détriment du Pakistan : en effet, l’Inde a toujours gardé de bons rapports avec Kaboul et participe activement à la reconstruction du pays.

2. Ouverture vers le Moyen-Orient et l’Asie Centrale

L’Inde coopère activement avec le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) qui réunit l’Arabie saoudite, Oman, Koweit, Bahrain, Qatar et les Emirats Arabes Unis : elle cherche à créer des entreprises conjointes dans des pays tiers arabes, unissant ainsi, la technologie indienne à la finance arabe.

D’autre part, l’Inde s’intéresse également à l’Iran qui répond favorablement pour rompre son isolement. Des accords sur la fourniture du gaz et du pétrole par l’Iran, et sur la fourniture du gaz liquéfié ont été signés respectivement en 2003 et 2005. L’Inde contribue à l’amélioration des ports de Bander Abbas et de Chabahar et à la construction de routes et voie ferrés partant du port de Chabahar, dans l’intention d’avoir accès à l’Asie centrale, en contournant le  Pakistan et de l’Afghanistan.

L’Iran permet donc à l’Inde de contourner ces pays instables et de construire une alliance qui permettrait de contenir le Pakistan.

 

PARTIE II – MONTEE EN PUISSANCE SUR LA SCENE INTERNATIONALE – LA CHINE

I°) L’ECONOMIE CHINOISE

  1. Une croissance soutenue

En 2013, la Chine, est occupée par plus de 1,4 milliard d’habitants pour un territoire dix sept fois plus grand que la France. En 2014, on estime le PIB de la Chine à 9 761 milliards de dollars.

En 2013, c’est  la deuxième puissance économique mondiale, avec un Produit National Brut (PNB) de plus de 2200 milliards de US$ (2005).[7] En 2005, elle représentait à elle seule 6,7 % des échanges commerciaux dans le monde (contre 12,4 % pour les États-Unis et 4,5 % pour la France à titre de comparaison).[8] La banque mondiale prévoit qu’en 2020 la China sera la première puissance économique mondiale, en représentant près de 40 % de la production mondiale.

Ces chiffres économiques ne doivent pas masquer d’énormes disparités et inégalités selon les  provinces. En effet, la croissance chinoise se concentre surtout sur les zones côtières, plus propices à l’ouverture. L’arrière pays reste encore peu sensible aux mutations économiques de la Chine par manque d’infrastructures et d’investissements. Le gouvernement chinois tente de remédier à certaines inégalités pour éviter l’implosion sociale. Dans un discours, le président, Hu Jin Tao a ainsi lancé un appel pour le développement des provinces de l’ouest du pays, riches en ressources naturelles. [9]

Par ailleurs cette forte croissance reste structurellement problématique car elle est dépendante des fluctuations de la demande internationale. Actuellement, les Etats Unis absorbent 30% des exportations Chinoises. Donc si un ralentissement de l’économie américaine se produisait, cela aurait des conséquences graves sur la Chine. Le gouvernement l‘a bien compris et cherche à recentrer la croissance sur les consommations intérieures  dans le plan quinquennal 2006-2010.

 

  1. Ouverture économique de la Chine

Pour rappel, la Chine communiste a longtemps vécu en autarcie sous l’ère de Mao avec un parti tout puissant d’inspiration marxiste léniniste. L’encadrement de la société par les unités de travail donna au parti de puissant moyen de contrôle et d’intervention dans la vie privée. Les réformes agraires de 1950 dépossédèrent les grands propriétaires au profit des petits paysans. [10]Après la mort de Mao en 1976, les réformes économiques de Deng Xiaoping ont permis d’ouvrir la Chine à l’économie de marché et aux capitaux étrangers ; c’est la fin de la collectivisation et la privatisation de nombreux secteurs anciennement réservés à l’Etat. Dès 1980 se généralise une politique anti natale : un seul enfant et diverses pénalités pour les couples réfractaires. Cette politique sera moins suivie dans les campagnes où il y a moins de contrôle qu’en ville. Même si un régime dictatorial contrôle la Chine, l’économie est devenue libérale et les libertés individuelles sont respectées tant que l’on ne porte pas atteinte au régime. A partir de 1980, les Chinois vont obtenir 60% des capitaux privés versés entre 1980 et 1996 grâce à Hong Kong. [11] Petit à petit, les investissements étrangers vont exploser grâces aux industriels taïwanais, à la diaspora Chinoise… En 2011, la Chine produit plus de la moitié des appareils photos du monde, 30 % des appareils d’air conditionné et de téléviseurs, 25 % des machines à laver, près de 20 % des glacières et 70 % des jouets.[12]Les joints ventures avec les investisseurs étrangers sont encouragés. En 1995, on en compte 5311 contre 282 en 1985. [13]En effet, la Chine nourrit de grandes ambitions en matière de technologie. Elle envisage de consacrer, à terme 3% de son PIB pour rejoindre le peloton de tête mondial. Selon l’OCDE, avec 1,3 %, la Chine est déjà  le troisième investisseur en valeur. Devant l’immensité de son marché intérieur, de nombreuses entreprises occidentales (Siemens, Nokia, Intel, Microsoft….)  s’installent en Chine à Shanghai ou Chengdu. Par exemple, dans le domaine des télécommunications, la Chine a pris la tête du marché mondiale et est deuxième dans celui du téléphone fixe [14] La Chine se veut non seulement l’atelier du monde mais aussi un concepteur de ses propres produits ; elle est la troisième destination des activités de recherches des multinationales derrières les Etats- Unis et le Royaume Uni et juste devant la France. Cela s’explique par le bon rapport qualité prix de la main- d’œuvre. Pour un salaire de 1000 euros, un chercheur chinois revient beaucoup moins cher qu’un smicard français. Même les industriels de Taiwan, disposant d’un avantage technologique, sont attirés par ses faibles tarifs.

 

II°) LES  RELATIONS INTERNATIONALE

  1. Des efforts de stabilisation régionale

La Chine fait preuve de pragmatisme et évite tous ce qui pourrait porter atteinte à sa croissance économique. Dans cette perspective, elle tend à normaliser ses relations avec ses voisins.

Avec le Japon, la situation s’est améliorée depuis 2006 même si l’histoire entre ces deux pays fut très conflictuelle. Ce rapprochement est fondé sur un “partenariat stratégique mutuellement bénéfique” que les deux pays se sont engagés à construire lors de la visite au Japon du Premier Ministre chinois WEN Jiabao, en avril 2007. La visite en mai 2008 de Hu Jintao, la première d’un chef d’Etat chinois en 10 ans, a également marqué un pas important dans le rapprochement sino-japonais Aujourd’hui, la Chine est  le premier partenaire commercial du Japon et le Japon est le premier fournisseur. Le parti Démocrate japonais souhaite à présent un rapprochement dans une communauté de « l’Asie de l’est » avec la Chine. Là encore, les deux pays font preuve de pragmatisme et tentent d’oublier leurs différends historiques.[15]

Avec le Russie, la Chine a trouvé un accord territorial qui met fin en 2008 au conflit concernant les îles du fleuve Amour.  Cependant, des différends impliquant le Vietnam, les Philippines, Taiwan, la Malaisie et le Brunei demeurent en matière maritime, en Mer de Chine du Sud, autour des îles Spratleys et Paracels.[16]

2. La recherche d’équilibre avec les grandes puissances

Depuis 2004, l’Union Européenne élargie, est devenu le premier partenaire commercial de la Chine  (commerce euro-chinois en 2008 : 303 Mds d’euros). La Chine est le 2ème partenaire commercial de l’UE après les Etats-Unis. L’Union Européenne et la Chine  coopèrent déjà dans de nombreux domaines stratégiques, économiques et commerciaux.

En 2011, les Etats-Unis sont les premiers fournisseurs de la Chine et son quatrième client. La Chine et les Etats-Unis entretiennent des relations importantes. Les échanges entre responsables politiques se sont multipliés ces dernières années. Et la crise financière a accentué l’interdépendance économique et donc le besoin de dialogue entre ces deux pays. Des rivalités stratégiques demeurent toutefois avec la question des droits de l’homme au Tibet ou la question du statut de Taiwan (soutenu par les Etats- Unis)

Avec la Russie, la Chine développe une politique privilégiée. Elle partage en effet une longue coopération commune en matière de lutte contre le terrorisme, préoccupations concernant la stabilité régionale face aux « révolutions de couleur ». De plus la Russie est son principal fournisseur énergétique et en équipements militaires (plus de 80%) du fait de l’embargo européen et américain sur les armes.

 

PARTIE III – RIVALITES SINO-INDIENNES

I- La Chine et l’ Inde, partenaires ou adversaires ?

  1.  De l’affrontement au partenariat

Longtemps en concurrence, l’Inde et la Chine entretiennent des relations ambivalentes. Aujourd’hui, certains évoquent une Chindia, mais qu’en est t-il vraiment ?

En 1954, Nehru, Premier ministre indien, et son homologue Chou En Lai formalisait une doctrine de coexistence pacifique basé sur un respect mutuel appelée «  Panchsheel ». Peu de temps après, un bref affrontement armé en 1962 ont refroidi les relations bilatérales. Les deux pays choisissent des chemins opposés. La Chine, tout en se détournant du communisme soviétique, se rapproche des Etats Unis et de l’économie de marché tandis que l’Inde se rapproche de Moscou.

La normalisation des rapports avec la Chine se ferra au début du XXIème siècle. Des officiels Chinois et Indiens multiplient les visites amicales. en 2003, c’est le Premier ministre nationaliste A.B.Vajpaye qui se rend à Pékin. Suite à cette visite, les deux pays s’engagent à construire un « partenariat global » et de long terme qui annonce une détente des relations. Grâce à cela, les conflits frontaliers s’apaisent : l’Inde reconnaît la souveraineté chinoise sur le Tibet, la Chine accepte l’annexion, déjà ancienne, du Sikkim par l’Inde ; le sort du Nord-Cachemire annexé par la Chine est discuté, les deux pays agissent ensemble au Népal pour mettre fin à la guerre civile…

En réalité, le rapprochement se traduit d’abord par une explosion des échanges économiques : chacun sait qu’il a besoin de l’autre. Le commerce bilatéral bondit de 1 milliard de dollars en 2000 à 20 milliards en 2006. C’est une stratégie gagnant-gagnant que cherche les deux pays. La Chine est devenue le premier importateur de produits indiens en Asie : achetant logiciels, acier, produits pharmaceutiques, elle absorbe le dixième de ses ventes. La Chine est aussi le premier fournisseur de l’Inde grâce à ses matériels informatiques ou ses produits de consommation courants. Les coopérations entre entreprises des deux géants se multiplient dans des pays tiers, en particulier dans le secteur de l’énergie : en 2005, la société pétrolière publique indienne ONGC acquiert 20 % du principal gisement iranien, exploré et possédé à 50 % par la compagnie d’État chinoise Sinopec ; en 2006, ces deux firmes prennent une participation conjointe dans Omimex, un groupe d’exploration pétrolière colombien.

 

2. Les limites du rapprochement

Peut-on pour  autant accréditer l’idée d’une « Chindia » organisant un paisible condominium sur l’Asie ? Ce serait négliger trois éléments.

a)     L’asymétrie des deux puissances n’incite pas New-Delhi à la confiance.

Tableau 3 : Inde et Chine : deux géants inégaux (données 2005 sauf indication contraire)

INDE

CHINE

POPULATION

millions d’habitants (2006)

 

taux d’accroissement naturel (en ‰)

% des – de 15 ans

 

1 121,8

14,2 ‰

32,1%

1 311,4

6,1 ‰

21,4 %

 

ÉCONOMIE    

 

PIB en milliards de $ (2006)

 

exportations en milliards de $

 

793

76,3

2 263,8

593,3

 

DÉFENSE

 

– effectif global (en millions de soldats)

– budget en milliards de $

– avions de combat

– sous-marins

 

1,325

22

700

16

2,2

29,5

2 300

66

Sources : P.Boniface, dir., L’année stratégique 2007, Iris & Dalloz, 2006 et Le Monde, Bilan du monde 2007.

 

L’économie chinoise pèse trois fois plus que l’économie indienne. Elle exporte huit fois plus que l’Inde. On comprend aisément que l’Inde reste pour la Chine un partenaire important mais secondaire. De plus, le Chine est une puissance reconnue du fait qu’elle est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Elle dispose des missiles à tête nucléaire basés au Tibet qui peuvent atteindre en quelques minutes la plaine du Gange, cœur politique, symbolique et démographique de l’Inde, tandis que New-Delhi ne dispose pas pour l’heure de missiles à longue portée susceptibles de détruire Pékin.

D’un autre côté, la Chine voit d’un œil méfiant, les stratégies de l’Inde pour obtenir le siège de membre permanent de l’ONU. Ainsi, les soutiens de Barack Obama et Nicolas Sarkozy ont été critiqués dans les médias chinois. Les politologues tels que Gurmeet Karmal (directeur du Centre d’études sur les guerres terrestres, basé à New Delhi), pensent que les Chinois ne se prononceront pas directement contre cette candidature, mais inciteront fortement auprès de leurs alliés pour qu’ils votent contre toute évolution allant dans ce sens.

 

b)     Les indiens sont encore méfiants vis-à-vis des Chinois

A cause du cuisant souvenir de l’agression subie en 1962, les indiens se méfient de le Chine. Ils s’inquiètent également des menées chinoises en Asie méridionale. En effet, la Chine reste l’indéfectible allié du Pakistan : après une brève visite à New-Delhi en novembre 2006, le président Hu Jintao se rend à Islamabad et signe avec Pervez Musharraf un accord de libre-échange mais aussi de coopération nucléaire. Pékin a entrepris de moderniser sa flotte de guerre se donne les moyens de la projeter dans l’océan Indien en supervisant la construction de ports en Birmanie (Kyaukpyu), au Pakistan (Gwadar) et au Sri Lanka (Hambantoa), ce qui heurte de plein fouet les ambitions indiennes. New-Delhi s’alarme de l’influence chinoise à sa porte.

L’Inde a bien compris la stratégie Chinoise et a choisi de normaliser ses relation avec la Birmanie, même si cela signifie abandonner le soutien a l’opposition démocratique. Il s’agit pour l’Inde tout à la fois de priver les groupes armés du nord-est de leurs bases arrières situées en territoire birman, de renforcer les liens avec l’Asie du sud-est, d’élargir son accès aux hydrocarbures birmans et de contenir la Chine, qui s’intéresse aussi à cette ressource et entretient depuis toujours d’excellentes relations avec les généraux birmans, qui lui ont même concédé le droit d’entretenir des stations de renseignements sur plusieurs îles de la mer d’Andaman.

 

PARTIE IV – QUEL AVENIR ?

L’extrême complexité des relations sino-indiennes risque de se compliquer d’avantage avec l’émergence de l’Inde comme puissance régionale. Ce scenario est très probable dans la mesure où les Etats-Unis se tourneront de plus en plus vers l’inde dans l’espoir de contenir la Chine.

En effet, la montée en puissance de la Chine, qui détient, rappelons le, 895 milliards de dollars d’obligation de Trésor américain et l’instabilité du Pakistan qui s’est avéré être un allié problématique en Asie, les Etats-Unis, ne peuvent que renforcer leurs liens avec les Indiens pour avoir un meilleur point d’ancrage en Asie. Et si l’Union Européenne ne s’est pas encore entièrement tournée vers l’Inde, cela ne saurait tarder. En effet, l’Allemagne a déjà noué de fortes relations économiques et la France commence à s’y intéresser. Et les liens avec la Grande-Bretagne, remonte aux temps des colonies.

Ainsi, l’Inde devrait obtenir le siège de membre permanent à l’ONU, d’ici quelques années. Pour se faire, elle devrait poursuivre sa stratégie qui consiste à mettre en avant son statut de plus grande démocratie mondiale.

Sur le plan économique, l’Inde semble avoir le vent en poupe. En effet, grâce au dividende démographique et grâce à sa main d’œuvre qualifiée et bon marché par rapport aux autres pays occidentaux, devrait favoriser son essor.

Mais tout n’est pas tracé, le principal problème de l’Inde est ses conflits internes : entre Etats, entre parti politiques, entre communautés religieuses… pour s’élever au rang de puissance mondiale au même titre que la Chine, l’Inde devra trouver des solutions pérennes à tous ces problèmes.

Déjà, chez les jeunes indiens, c’est la Chine et non le Pakistan qui est perçue comme problématique.


[1] « J’espère que vous pourrez transmettre au peuple indien le message selon lequel nous ne sommes pas concurrents mais amis ». Dans Xinhua, Premier Wen Jiabao meets the Press, March 14th, 2005.

[2]  « Il y a un malentendu selon lequel l’Inde et la Chine seraient en concurrence, or ce n’est pas vrai ». Déclaration faite peu avant le 4ème Sommet Inde-ASEAN organisé à Kuala Lumpur (12-14 décembre

2005) : The Indian Express, « India, China not rivals : Manmohan Singh », December 11th, 2005.

[4] http://www.lexpansion.com/economie/inde-chine-le-match-du-xxie-siecle_769.html?p=4

[7] Derrière les États-Unis, le Japon et l’Allemagne : Banque Mondiale, 2006 – China Data Profile,

(http://devdata.worldbank.org)

[8] Organisation Mondiale du Commerce, 2006 – Countries Profiles (http://stat.wto.org/CountryProfile/)

[10] Chine-Inde, Le Match du Siècle, Gilbert Etienne, Presse Science Po, 1998

[11] Lettre du CEPII, 158, Francoise Lemoine, Jérôme Sgard, Juin 1997

[12] http://fr.reingex.com/Economie-Chinoise.asp

[13] Chine-Inde, Le Match du Siècle, Gilbert Etienne, Presse Science Po, 1998

[14] La Chine face à la mondialisation, Elodie Gavalda, Laurence Rouvin, Edition l’ Harmattan, 2007

[15] http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/chine_567/presentation-chine_950/index.html

[16] http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/chine_567/presentation-chine_950/index.html

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