Vladimir Poutine : l’acteur majeur du renouveau de la diplomatie russe.

Introduction

En ce moment, la diplomatie ressemble au football, on pourrait dire que les relations internationales sont un jeu que l’on joue à 193 et à la fin, ce sont les Russes qui gagnent.

La résolution sur la Syrie ressemble à une « bérézina » pour les Occidentaux et réinstaure la Russie au centre de l’échiquier international. L’homme au cœur de cette transformation : Vladimir Poutine.

Né le 7 Octobre 1952 à Saint-Pétersbourg, troisième enfant d’une famille ouvrière, Poutine a vécu une enfance pauvre dans une ville meurtrit, en pleine reconstruction, dans un contexte de guerre froide où l’après Staline a du mal à s’organiser. Il suit des études de droit à l’université de Saint-Pétersbourg et obtient son diplôme en 1975 avec un mémoire consacré à la politique des États-Unis en Afrique.

Suite à cela il entre au KGB et après sa formation, il est affecté dans sa ville natale et travaille dans le renseignement scientifique et technique. A partir de 1985, il passe cinq ans dans une unité opérationnelle à Dresde où, sous la couverture de directeur de la Maison de l’amitié germano-soviétique, il œuvre pour le KGB. A son retour, il quitte le service actif du KGB et a l’intelligence de se tenir à l’écart des putschistes qui veulent restaurer l’URSS.

Il est alors enrôlé par l’un de ses anciens professeurs, Anatoli Sobtchak, maire de Saint-Pétersbourg. Il se révèle un collaborateur remarquable au point que plus rien d’important à Saint-Pétersbourg ne se fait sans son aval. En 1996, c’est pour administrer les biens du Kremlin que Poutine est appelé à Moscou. Nommé chef du FSB (le nouveau nom du KGB) en 1998, puis chef du Conseil national de sécurité l’année suivante, il utilise ses dons manœuvriers pour tirer Eltsine des griffes de la justice. En échange de l’immunité totale, Eltsine nomme Poutine Premier ministre en août 1999 et le désigne comme son successeur.

Poutine se sert alors des attentats non élucidés qui ont détruit plusieurs immeubles de Moscou en septembre 1999 pour relancer la machine de guerre en Tchétchénie sous couvert d’opération antiterroriste et gagne ainsi rapidement les faveurs de l’opinion publique en prenant le contre-pied de la politique « désordonnée » menée jusqu’à la par Eltsine. Ainsi moins d’un an après sa nomination au poste de Premier ministre, soutenu par l’appareil, il est élu Président de la Fédération de Russie dès le premier tour le 26 mars 2000, succédant officiellement à Boris Eltsine qui a démissionné prématurément de ses fonctions le 31 décembre 1999.

Depuis son arrivée au pouvoir il y a treize ans, Vladimir Poutine poursuit donc un double objectif : assurer le développement économique de la Russie pour affirmer son indépendance, et multiplier les échanges diplomatiques pour devenir un interlocuteur privilégié des grandes puissances et peser dans le jeu international.

Évoquer le retour de la Russie sur la scène internationale est aujourd’hui un lieu commun. Le phénomène ainsi décrit est largement considéré comme un fait acquis par les médias et les responsables politiques russes comme étrangers. Nous allons donc nous intéresser chronologiquement aux quatre grandes phases de la diplomatie russe durant ces treize dernières années, à savoir les préalables à son retour, les prémices de son retour, son retour et sa consécration.

Préalables au retour de la diplomatie russe : La reconstruction économique

À la chute de l’URSS, la politique libérale de Boris Eltsine a eu pour conséquence la privatisation d’une grande partie des richesses du pays au profit d’intérêts étrangers et de quelques oligarques ce qui plongea une majeure partie de la population russe dans une profonde pauvreté. Les événements contraignent donc Vladimir Poutine à s’atteler au rétablissement du domaine économique comme le manifeste ces premiers mois de présidence.

En effet, de par sa volonté intraitable de rendre la Russie indépendante de l’Occident, Poutine réclame une indépendance économique. Il l’obtiendra grâce à la réorganisation autoritaire de l’industrie et notamment par la nationalisation des ressources énergétiques en promouvant la création d’opérateurs pétroliers et gaziers liés de près à l’État à l’instar de Gazprom. Cela permet alors une meilleure redistribution, pour l’Etat, des profits tirés de la rente des hydrocarbures. Les oligarques dissidents sont alors destitués comme le montre l’exemple en 2003 de Mikhaïl Khodorkovski, patron du géant pétrolier Ioukos, toujours en prison après avoir été dépouillé de son empire économique.

Cette « verticalisation » du pouvoir (à la fin de son premier mandat, en 2004, 25% des membres de l’élite politique sont issus du KGB ou des structures de force contre 13% avant son arrivée) après le désordre et la gabegie des années Eltsine a permis à la Russie d’opérer un spectaculaire redressement économique et ainsi d’ambitionner un retour de la diplomatie russe sur la devant de scène internationale.

Prémices du retour de la diplomatie russe : Le discours fondateur de la Conférence de Munich 2007

Si Poutine regrette la disparition de l’Union soviétique ce n’est pas pour des raisons idéologiques. Ce qui lui manque, c’est le monde multipolaire (bipolaire ?), celui où Kennedy et Khrouchtchev s’apostrophaient à l’ONU, celui où Reagan et Brejnev relançaient la course aux armements, et non l’ordre unipolaire où Eltsine approuvait les choix de la diplomatie américaine. Car la Russie qu’on respecte, c’est la Russie qu’on craint, pas celle qui se couche, croit-on encore à Moscou.

Ainsi diplomatiquement, la « doctrine Poutine » est tout entière contenue dans son discours du 10 février 2007 à la Conférence sur la sécurité de Munich. L’exercice avait marqué les mémoires puisque ce jour-là, il a clairement prévenu que la Russie ne tolérerait plus le modèle mondial unipolaire qui était en fin de cycle et que la Russie allait affirmer sa condition d’état souverain et de puissance avec laquelle il allait falloir compter. Cette intervention nous permet de dégager les trois principales idées de politique internationale du chef de l’Etat russe.

D’abord Vladimir Poutine réprouve les actions unilatérales qui n’ont réglé aucun problème mais qui, au contraire n’ont fait que provoquer de nouvelles tragédies humaines et de nouveaux foyers de tension. Il adopte également une position très ferme contre le déploiement en Europe par les Américains d’éléments du système de défense antimissile. Et est enfin farouchement opposé à l’élargissement de l’Otan qu’aucune raison ne peut désormais justifier au regard d’une prétendue nécessité de renforcer la sécurité du vieux continent.

Son discours anti-occidental se fait donc de plus en plus musclé au crépuscule de son second mandat présidentiel. La Russie qu’il laisse à beaucoup changé et est de plus en plus prédominante. En ne réformant pas la Constitution pour briguer un troisième mandat il quitte donc son poste en nommant son successeur et dauphin, le Premier ministre Dimitri Medvedev.

Ce dernier, le nomme Premier ministre dans la foulé le 8 mai 2008 et ainsi durant quatre ans, Poutine ne se gêne pas pour transgresser les limites imposées à sa fonction en se mêlant des affaires étrangères, une prérogative exclusivement présidentielle.

Le retour de la diplomatie russe : Le discours de Valdaï 2013

C’est donc fort logiquement, comme tout à déjà été convenu, que Vladimir Poutine est réélu le dimanche 4 mars 2012 avec plus de 60% des voix. Avec le troisième mandat présidentiel de Poutine, les efforts du Kremlin redouble pour se doter d’un outil idéologique mêlant patriotisme, orthodoxie et rejet des valeurs occidentales. Cette évolution de la société russe fait l’objet d’un fort consensus au sein de la population et de ses dirigeants. Ainsi, il y a quelques mois, les lois sur la protection de la famille et de la religion ont été approuvées presque à l’unanimité par les députés de la Douma.

Dans cette lignée, le discours de Valdaï [1] 2013 est apparu comme une critique beaucoup plus précise et affirmée des modèles de développements «euro-occidentaux» au sens large. Ce faisant il a clairement opposé le modèle russe en gestation fondé sur la tradition au modèle euro-atlantique incapable d’influer sur la Russie et en perdition selon lui.  La Russie semble avoir clairement décidé de ne pas sacrifier son modèle civilisationnel pour rejoindre la communauté-atlantique, affirmant au contraire désormais que c’est «l’Europe qui n’avait pas d’avenir sans la Russie» mais rappelant qu’elle était bien évidemment prête à collaborer avec tout pays européen ne souhaitant pas imposer ses valeurs a la Russie.

Dans la continuité du discours de Munich en 2007, le retour de Vladimir Poutine fait donc clairement apparaître la volonté russe de consolider le monde multipolaire qui se dessine et d’achever la mise en déroute de l’oligarchie américaine. Moscou entend résister, dit-il, «aux tentatives de rétablir le modèle standardisé d’un monde unipolaire et d’effacer les institutions de la loi internationale et de la souveraineté nationale».

La consécration de la diplomatie russe : la guerre en Syrie

L’affaire syrienne a confirmé de façon éclatante le nouveau rôle moteur de la Russie sur la scène internationale. Après plus de deux décennies de « droit d’ingérence » occidental, Moscou redonne la priorité à la diplomatie. La Russie est enfin sortie du rôle purement négatif qui était le sien lorsqu’elle se contentait d’exercer son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour bloquer toute initiative. En effet, en proposant la destruction de l’arsenal chimique syrien, Poutine est parvenu à éviter toute intervention militaire ce qui débouche sur un coup diplomatique retentissant de la part de la Russie.

La position de la Russie sur la scène internationale s’en retrouve donc considérablement renforcée puisqu’elle se place sur un pied d’égalité avec les Etats-Unis, repoussant les nations de la vieille Europe dans les coulisses.

L’essentiel pour Poutine est ainsi d’avoir réussi à devenir, pour Obama, le seul partenaire qui compte. On peut considérer cela comme l’acte de naissance officiel d’un monde multipolaire.

Conclusion

Vladimir Poutine a réussi là où Boris Eltsine a échoué : créer une nouvelle image de la Russie. Avec son style sobre et tranchant, le président russe s’est imposé sur la scène internationale grâce à une intense activité diplomatique comme l’a encore montré récemment le dossier syrien.

Lorsqu’on regarde la Russie de 2013 et celle de 2000, il est bien évident qu’on ne se trouve plus du tout en face du même acteur.

En 2000, on a une puissance qui ne compte plus sur la scène internationale, un pays que les Etats-Unis se permettent régulièrement d’humilier en se livrant à un certain nombre d’actions unilatérales: Bombardement du Kosovo en 1999, retrait en 2002 du traité des missiles antibalistiques, intervention en Irak en 2003 puis en Afghanistan…

Mais année après année, Moscou a patiemment restauré les fondements de sa puissance.

En effet, chacun s’accorde, désormais, à lui reconnaître une place justifiée au premier rang des nations, pas seulement du fait de sa puissance (matières premières abondantes, capacités navales, aériennes, nucléaires et spatiales, croissance économique solide), mais par sa manière de s’affirmer au sein du nouveau monde multipolaire en formation.

Treize ans après, la Russie est donc redevenue une puissance majeure et a retrouvé un statut d’acteur global qu’elle avait perdu depuis 1991.

Sitographie :

  • http://blog.lefigaro.fr/geopolitique/2013/09/la-russie-indispensable-a-lord.html
  • http://www.huffingtonpost.fr/2013/09/05/syrie-snowden-russie-poutine_n_3837025.html
  • http://www.alterinfo.net/Trajectoire-russe-Le-grand-retour-de-la-Russie-sur-la-scene-internationale_a94932.html
  • http://abidjandirect.net/index2.php?page=livr&id=7934
  • http://archives.polemia.com/article.php?id=552
  • http://www.crc-resurrection.org/1491-la-russie-de-vladimir-poutine-2-la-renaissance-d-un-pays-ruine.html
  • http://www.keskiscpass.com/wordpress/?p=8770
  • http://www.lenouveleconomiste.fr/poutine-le-retour-19920/
  • http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article8111
  • http://www.liberation.fr/monde/2013/11/08/vladimir-poutine-le-dur-qui-dure_945766
  • http://french.ruvr.ru/2013_02_26/Russie-USA-Vers-une-revision-du-rapport-de-force/
  • http://www.humanite.fr/monde/poutine-veut-un-monde-multipolaire-pour-contester-l%E2%80%99hegemonie-americaine-493709
  • http://www.atlantico.fr/decryptage/au-dela-syrie-vladimir-poutine-en-position-transformer-essai-pour-imposer-retour-russie-comme-grande-puissance-philippe-migault-839358.html

 


[1] Le Club de Discussion Valdaï est un forum international annuel qui vise à rassembler des experts pour débattre de la Russie et de son rôle dans le monde. Le club Valdaï défend la vision d’un monde multipolaire, par opposition à un monde unipolaire dominé par les États-Unis d’Amérique.

1 Commentaire

  1. merci de cette analyse partisanne. Dites nous que la diplomatie russe est au dessus de celle américaine et c’est tout.

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