Migrants en Europe : ne pas confondre réfugiés et travailleurs

Depuis cet été, deux débats sont animés autour de la question des migrants en Europe. Les causes de ces migrations sont différentes car certaines sont liées à des situations politiques exceptionnelles et d’autres à une analyse économique du marché de l’emploi national. Cet article se propose de faire un panorama sur les principales tendances européennes et d’observer les similitudes de réaction face à ces deux questions.
Le chômage de l’Union Européenne s’élève aujourd’hui à 11%. Aujourd’hui les emplois manquent mais demain ce sont les travailleurs qui manqueront selon de nombreux économistes.
Si l’on s’attache à décrire le cas français, l’immigration de travail reste très marginale par rapport aux deux entrées de droit sur le territoire (regroupement familial et libre circulation dans l’UE), mais largement au-dessus de l’asile politique.
Il est nécessaire de distinguer les notions de migrant politique et de migrant pour des raisons d’emploi. Ces deux aspects de la question migratoire sont au cœur du débat européen depuis 6 mois.

La crise des réfugiés politiques

Retour sur quelques notions de base

La crise au Proche-Orient est à l’origine d’une augmentation massive du nombre de migrants et réfugiés en 2015. Selon Eurostat, 30% des demandes d’asile depuis 2015 viennent de Syrie ou d’Afghanistan. Si en France la majorité vient du Soudan, et du Kosovo ; en Allemagne la grande majorité est syrienne.
La notion de réfugié est définie par la convention de Genève de 1951 comme « une personne forcée de fuir son pays à cause des risques de persécution du fait de sa religion, nationalité, race ou opinions politiques ». Les réfugiés peuvent être accueillis dans des centres d’accueils surchargés comme à Calais ou ils sont plus de 6000. En Allemagne, la répartition des migrants est faite à la frontière ou dans des centres d’accueil en fonction des quotas définis pour chaque Land.

Pourquoi les pays européens ont-ils des positions si divergentes ?

Il n’y a pas de définition unique de la solidarité à l’échelle européenne. Cette question est reflétée à travers les quotas décidés par les pays. Si l’UE a décidé de répartir les réfugiés par quotas, c’est surtout car certains pays étaient particulièrement exposés à l’afflux de migrants comme la Hongrie, la Grèce ou l’Italie.
L’Allemagne et la Suède sont les deux premiers pays d’accueil de réfugiés. A l’inverse, rapporté à sa population, la France figure parmi les pays de l’Union qui accueillent le moins de réfugiés. Pour faire face à cette position de mauvais élève, elle a accepté la proposition de la commission d’accueillir 24 000 réfugiés syriens sur deux ans.
Certains pays qui refusaient d’assumer leurs quotas ont été menacés de voir leurs aides européennes suspendues en cas de non-coopération. C’est le cas de l’Autriche, la Hongrie ou encore la République Tchèque qui sont particulièrement contre la position décidée par l’UE.

Le débat sur l’ouverture des frontières à une immigration de travail

Nombreux sont les experts qui identifient des pénuries de main d’œuvre qu’une immigration de travail pourrait combler. Pourtant, certains pays comme la Suisse, le Royaume-Uni ou la France restent très frileux sur la question.

L’évaluation du besoin : condition de l’ouverture des frontières

La pénurie de main d’œuvre guette les économies européennes selon Martin Ruhs, professeur d’économie politique à l’université d’Oxford. Paradoxe en ces temps de crise et de chômage élevé. Il faut lier l’accueil au besoin du marché du travail. Le problème réside dans l’évaluation de ce soin mais le coût d’une politique erronée peut être élevé.
L’exemple britannique montre qu’une commission d’expertise indépendante (MAC Migration Advisory Committee) créé en 2007 peut s’occuper de l’ensemble des questions migratoires, évaluer les pénuries du marché du travail en temps réel et dépassionner le débat.
En Belgique, le parti pris des syndicats est de former les chômeurs et régulariser les clandestins déjà présents. Cette position a été affirmée lorsque le dogme d’immigration économique zéro décrété en 1974 a semblé fléchir au profit d’une politique d’immigration choisie.
L’objectif serait, en définitive, de trouver un juste milieu entre le désir des employeurs de voir des travailleurs aussi productifs que les nationaux et les syndicats qui refusent une concurrence exacerbée.

Les conséquences et implication de cette forme d’immigration

L’ouverture des portes de la Suède, marché le plus ouvert à l’immigration du travail, renforcerait le pouvoir des employeurs sur les travailleurs. Les conditions d’admission ont été simplifiées et les durées ont été allongées. Cependant vouloir attirer une main d’œuvre étrangère c’est bien mais favoriser son arrivée et la faire rester c’est mieux.
Le déclin démographique allemand condamne Berlin à ouvrir son marché du travail et universités aux étrangers mais cela ne suffit pas car beaucoup repartent. Il faut développer une culture de bienvenue puisque l’économie allemande est tributaire d’une main d’œuvre étrangère. Enfin, depuis la crise économique, les travailleurs étrangers sont de plus en plus victimes de rejets et discriminations.

En définitive, comme le souligne Gérard-François Dumont, géographe et démographe dans la revue Diplomatie, il existerait aussi un nouvel ordre démographique comptable qui s’appuie sur l’idée que les apports migratoires compenseraient la faible fécondité européenne ou le vieillissement de la population.
L’Europe doit surmonter ce nouveau défi des migrations qui ne sont pas là que pour s’ajouter à la population existante mais « arrivant avec leurs habitudes et un héritage culturel parfois fort différent des valeurs, inscrites dans les traités, que souhaite promouvoir l’UE.».

Sources :
Alternatives Internationales, Immigration : faut-il ouvrir les frontières ? (mars 2014)
L’économie en question, France culture, 14.05.2015, Rapport du GIEC : concilier écologie et économie/Nouvelles données de l’OCDE sur les migrations internationales
http://www.lesechos.fr/monde/dossiers/migrants-refugies-europe-allemagne-merkel-hollande-juncker-syrie-EI/index.php?u0O6h5VVdU55FHsM.99
http://www.lesechos.fr/monde/europe/021350547015-les-europeens-veulent-freiner-lafflux-des-refugies-1158753.php#
http://info.arte.tv/fr/le-modele-franco-allemand-face-laccueil-des-migrants
http://info.arte.tv/fr/ein-europa-viele-meinungen-zur-fluechtlingsfrage
http://ec.europa.eu/france/news/focus/politique-eu-de-migration_fr.htm
http://www.letemps.ch/monde/2015/09/14/berlin-pression-obliger-pays-ue-cooperer
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/crise-des-migrants-et-des-refugies-qui-fait-quoi-pour-les-accueillir_1712682.html
http://www.lesechos.fr/monde/europe/021350547015-les-europeens-veulent-freiner-lafflux-des-refugies-1158753.php#
http://www.institut-thomas-more.org/upload/media/dumont-diplomatie-76-20150910.pdf

Alice SCHMITT

A propos Alice SCHMITT 1 Article

Etudiante à l’EMLYON, je me propose d’éclairer certains thèmes géopolitiques de l’actualité.
Après avoir réalisé une classe préparatoire ENS Cachan en droit et économie, mon entrée en école de Commerce m’a permis d’avoir une lecture éclairée des enjeux économiques et financiers.

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