Journal ALKHABAR
Quotidien marocain
Date : 16/12/2013
Numéro : 782
Journaliste : Kassem Azzeddine
Article : « Le parcours de Genève 2 et l’avenir de la Syrie »
La reconnaissance d’un Iran nucléaire est le fruit de longs efforts iraniens continus, comme elle est de la même manière un des indicateurs de changements dans le système mondial et dans les accords polaires. En effet, cette reconnaissance nominale (symbolique) s’inscrit dans une optique d’acceptation d’une réalité « entêtée » sur laquelle a travaillé l’Iran durant des décennies sur le chemin de construire un pays capable d’imposer ses efforts au sein de la communauté internationale comme le reste des pays émergents, contrairement aux plantations suivistes ressemblantes aux « pays » arabes.
Cependant, la reconnaissance de l’Iran nucléaire est le résultat de changements plus vastes et plus étendus qui inclut le recul de la force américaine par défaut, et a engendré des accords russo-américains, vers une redivisions de l’influence de chacun, mais aussi des sites dans le prochain système du Proche-Orient ; surtout une reformulation de la situation syrienne vers un vide géopolitique arabe.
En marge de la visite du président iranien à Paris, Laurent Fabius a levé le voile sur les perspectives de la France par rapport à la solution politique en Syrie, selon lesquelles le départ de Al Assad facilitera « la stabilité politique » dans la création d’une « démocratie consensuelle » du pouvoir, comme pour les allocations sectaires au Liban et en Irak. Et à son tour, John Kerry est allé encore plus moi en parlant d’une « démocratie consensuelle » qui peut aboutir à « une fédération d’entités » dont la promotion s’est faite via des cellules de « gestion des conflits » et des groupes « Ting-Tang » avec l’occupation de l’Irak, dans laquelle les suisses ont eu un impact reconnu qui s’est étendu à Beyrouth.
Cette « démocratie consensuelle » miraculeuse cible, comme la « démocratie » constitutionnelle américaine, l’annulation de l’aspect géopolitique du pays et de son rôle organisateur des politiques défensives, extérieures, économiques et sociales, dans la composition d’une autorité qui survit avec les miettes du modèle néolibéral idéologique, politique et économique, puisqu’il est dans une perspective américo hollandaise illustrée par Arend Liphart (1937-….), qui se base sur la relativité de la représentativité des groupes sectaires et ethniques dans un gouvernement de partage par coalition, mais aussi dans les ministères, les établissements, les administrations publiques et les élections, et qui se base sur le droit de veto échangé entre les majorités et les minorités, ainsi que sur l’autogestion de chaque groupe.( A. Liphart, Democracy in Plural Societies: À Comparative Exploration. New Haven, 1977).
Et à contrario de ce qu’avancent les institutions « d’expertise et de gestion des conflits », les cercles de décisions des pays « amis de la Syrie » et autres, la constitution d’une autorité « démocrate » ne se base pas sur la division des établissements de l’état entre les groupes sectaires et ethniques, ce qui limite le risque de guerre des groupes, mais plutôt l’amplifie et l’incite à diviser encore plus. En effet, un état qui garantit une stabilité politique et sociale ne se construit ni sur l’image de ces groupes, ni sur l’image de ses « citoyens », mais plutôt sur des bases géopolitiques défensives socio-économiques, qui préservent ses intérêts nationaux et les droits des différentes couches sociales, dans les conflits d’intérêts stratégiques : En Suisse, par exemple, l’autorité se compose d’une union de contons nationalistes (français, allemands, italiens…). Le seul moyen de diminuer le risque de guerre entre ces derniers comme pour les guerres nationalistes entre les pays d’Europe, est d’aller par conséquent vers la construction d’un État-nation.
Mais l’état suisse n’illustre pas une autorité de coalition nationaliste : malgré l’existence de coalitions politiques entre les différentes entités au sein de l’autorité suisse, il n’existe pas de coalitions des groupes et ethnies au sein du pays, et les directions, les ministères, et la richesse publique ne sont pas divisés. De plus, l’état n’est pas une résultante d’une addition de ces groupements nationalistes, de leur soustraction ou même de leur division, mais il est au-dessus de tout ceci, et prend le rôle de l’organisateur suprême des politiques en commun, comme le reste des pays européens qui ne prennent pas en considération les différences ethniques et religieuses dans les mécanismes de l’état et sa politique.
Cependant, le néolibéralisme vise l’annulation du rôle de l’état comme organisateur suprême et commun, de manière à faciliter le travail de l’autorité dans la direction des politiques qu’elle décide d’implémenter, et qui sont organisées par des organisations internationales ainsi que la « main invisible » dans la liberté de marché… etc. C’est ceci qui va résulter , à un retour à la jungle, à l’explosion des chauvinismes et à la guerre des groupes pour le partage des miettes du suivisme issues d’un modèle de fragmentation et de pillage.
La situation est telle que, quelque soit les perspectives avenirs des transformations de terrain en Syrie, et dans l’ombre d’un consensus sur « l’impossibilité d’une solution militaire décisive », le sujet des longues négociations de Genève 2 sera la constitution d’une autorité de coalition des « composantes du peuple syrien » sectaires, sur la base d’une supposée « transformation démocratique ». En effet, la plupart des contestations politiques syriennes qui prennent comme voie la « démocratie constitutionnelle » américaine pour « changer le système », prennent de manière pratique le modèle néolibéral en ce qui concerne l’annulation du rôle de l’état, que cette transformation repose sur « les états amis de la Syrie », ou sur les illusions de la constitution d’un état sous forme d’une association des droits de l’Homme. Mais les négociations de « Genève 2 » sont un chemin long de tri sous le voile de l’entente russo-américaine par rapport aux nouveaux équilibres mondiaux et régionaux, et qui peuvent conduire en fin de compte à une « coalitiation» de l’autorité dès lors que les ressources de carburant seront à sec et qu’il ne restera en Syrie ni peuple ni roche sous roche.
Les Américains et les Français parlent d’une « coalitiation » des trois dizaines formés de deux tiers assurés pour les pays « amis de la Syrie » avec ses deux ailes libérale et islamique, le tiers restant au profit de l’autre axe. C’est dans ce contexte que Rajab Taib Erdogan s’est déplacé à Moscou pour établir un accord sur la part « des frères musulmans » avant ce qu’il qualifie de temps perdu en attendant le rendez-vous de Genève 2. En parallèle, le Qatar démontre petit à petit son penchant en faveur de la Turquie pour soutenir les « frères » vers l’Iran puisqu’il pense qu’il n’y a aucune issu mis à part compter sur les « frères musulmans » pour prévenir de la sédition entre sunnites et chiites, chose que le président syrien refuse fortement jusqu’à ce que Allah fasse que l’inévitable soit.
Cependant, l’arrêt de la guerre et de la destruction en Syrie ne revient pas seulement au sommet du triangle de « coalition » dans le cas d’une maturité liée au long parcours « Genève 2 ». De plus, l’Arabie Saoudite défend la permanence du système de gouvernance de Riyad en Syrie, et se voit pénalisée par le compromis nucléaire et le recul américain, n’étant plus capable de s’adapter aussi facilement aux changements mondiaux et régionaux. L’Arabie Saoudite parie donc sur sa participation à l’arrangement syrien avec une garantie d’étendre son pouvoir au Liban, en Irak, au Yémen et au Bahreïn. Pourtant, avec sa coalition « objective » avec Israël- elle aussi pénalisée par le compromis avec l’Iran- elle possède la capacité d’obstruction, ainsi que la capacité de combattre par coalition de terrain avec les groupes destructeurs fascistes sur le territoire syrien, mais aussi dans le vaste monde arabe qui s’étend du Yémen au Caucase et au Pakistan.
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